Déposé le 2 mai 2006 par : Mmes Blandin, Boumediene-Thiery, Voynet, M. Desessard.
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art L. 214-1 - Lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer à la communication au public de ce phonogramme ou d'une reproduction de ce phonogramme, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle, par fil ou sans fil, sauf en cas de mise à la disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement.
« Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, qu'ils soient reproduits ou non dans un vidéogramme, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes.
« Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées au premier alinéa.
« Elle est assise sur les recettes de l'exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l'article L. 131-4.
« Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes. »
Le projet de loi ne contient aucune disposition satisfaisante sur la rémunération équitable alors qu'il est nécessaire de mettre sur ce point la loi française en conformité avec les normes européennes (directives 92-100 et 2001-29) et que la Cour de cassation vient de vider de sa substance la licence légale en matière audiovisuelle. En effet, par trois arrêts en date du 16 novembre 2004, la Cour suprême a décidé que le régime de licence légale instauré par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle n'était pas applicable aux phonogrammes du commerce dès lors qu'ils ont été incorporés dans des vidéogrammes.
En effet, l'article 8 de la Directive 92-100 crée au bénéfice des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes du commerce un droit à rémunération équitable et unique en cas de «radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques» ou de «communication quelconque au public».
Les termes de la directive sont dépourvus d'ambiguïté : il s'agit bien d'une garantie pour les artistes-interprètes puisque les Etats membres ont l'obligation de prévoir «un droit pour assurer» qu'une telle rémunération leur est versée. Et cette garantie n'est pas due pour la seule radiodiffusion de phonogrammes du commerce mais pour toute «communication quelconque au public».
Ni l'article L. 214-1 du CPI, ni l'article 4 bis du projet de loi ne sont en conformité avec cette norme européenne car la transmission non simultanée par fil (câblodistribution ou télécommunication, y compris via Internet) de phonogrammes du commerce ne fait pas expressément l'objet d'un droit à rémunération équitable.
En vain serait-il soutenu que cette rémunération est contenue dans le cachet versé aux artistes-interprètes pour rémunérer la fixation, la reproduction et la communication au public de leur prestation. En effet, l'article 8.2 de la Directive 92-100 prévoit que la « rémunération équitable et unique est versée par l'utilisateur ». Le producteur ne peut donc prétendre se substituer aux utilisateurs de phonogrammes du commerce pour le versement de cette rémunération aux artistes-interprètes.
Tout aussi vainement serait-il soutenu que la loi française apporte une « protection supérieure » à ce droit à rémunération grâce aux droits exclusifs créés par les articles L. 212-3 et L. 213-1 du CPI. En effet, le droit à une rémunération équitable est pour les artistes-interprètes un droit fondamental ; alors que s'agissant de droits relatifs à des utilisations de masse, et tenant compte de leur statut d'ayants droit généralement employés dans le cadre d'un lien de subordination, les droits exclusifs ne permettent que rarement de leur garantir par la négociation contractuelle une rémunération effective. En réalité, les droits exclusifs font systématiquement l'objet d'un transfert global et le plus souvent forfaitaire au profit du producteur dès la signature d'un contrat.
Cette carence de la loi française provoque une situation d'insécurité d'un point de vue juridique et d'injustice d'un point de vue pratique. Cette situation, non voulue par le législateur de 1985, renvoie à la négociation contractuelle, en particulier avec les producteurs de disques, toute utilisation de phonogrammes au sein de programmes audiovisuels. Elle lèse gravement les artistes-interprètes qui ne disposent plus ainsi d'aucune garantie de rémunération dans ce domaine.
NB: La mention « Tombé » signifie qu'il n'y avait pas lieu de soumettre l'amendement au vote du Sénat dans la mesure où soit l'objectif poursuivi par l'amendement a été atteint par l'adoption d'un autre amendement (ex. : amendement de rédaction globale incluant la modification proposée), soit, au contraire, l'amendement était incompatible avec un amendement précédemment adopté (ex. : l'adoption d'un amendement de suppression fait tomber tous les autres).
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