Amendement N° COM-80 (Adopté)

Commission des affaires sociales

Bioéthique

Déposé le 28 mars 2011 par : Mme Hermange.

Photo de Marie-Thérèse Hermange 

Au 6e alinéa de l'article 7, supprimer le mot «ainsi que le placenta ».

Exposé Sommaire :

Le régime actuel du placenta, du cordon et du sang qu’ils contiennent est celui des « déchets opératoires », ce que confirme l’article L. 1245-2 CSP :

« Les tissus, les cellules et les produits du corps humain, prélevés à l’occasion d’une intervention chirurgicale pratiquée dans l’intérêt de la personne opérée, ainsi que le placenta peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques ou scientifiques, sauf opposition exprimée par elle après qu’elle a été informée des finalités de cette utilisation. »

Il faut ajouter à ce constat que si le régime juridique primaire du placenta, du cordon et du sang qu’ils contiennent est celui du déchet opératoire, dès que les extraits de ces matériels se trouvent collectés, conditionnés et donc individualisés en vue d’être préparés pour un usage thérapeutique ultérieur, ils changent de statut juridique et sont considérés comme un produit cellulaire à finalité thérapeutique au sens de l’article L. 1243-1 CSP :

« A l’exception des produits sanguins labiles, sont des produits cellulaires à finalité thérapeutique les cellules humaines utilisées à des fins thérapeutiques autologues ou allogéniques, quel que soit leur niveau de transformation, y compris leurs dérivés. »

Pourquoi changer ce régime ? Plusieurs raisons peuvent être avancées :

La raison principale est une raison de logique : comment justifier que l’on confère désormais un statut protecteur au sang de cordon et pas au placenta dont il est issu ? Il faut envisager non seulement le sang placentaire et de cordon mais aussi le placenta et le cordon eux-mêmes et logiquement les soumettre tous ensemble au même statut, pour éviter des imprécisions de vocabulaire, source d’insécurité juridique. En effet, le sang placentaire ou de cordon sont principalement utilisés à l’heure actuelle, mais d’autres extraits du placenta et du cordon peuvent présenter une valeur thérapeutique ou scientifique à l’avenir et l’on en voit pas pourquoi ils recevraient une autre qualification juridique. Pire encore, si l’on distingue le seul sang placentaire extrait du placenta et du cordon, de ces deux tissus, on pérennise en le rendant encore plus illogique et plus injuste, le système actuel de recueil de ces éléments biologiques, qui relèveraient ainsi de deux catégories juridiques complètement différentes.

Par ailleurs :

- il faut rappeler que le régime des déchets opératoires est un régime dérogatoire au régime juridique général des produits et des éléments du corps humain ; du point de vue du droit civil, la notion d’abandon, qui est l’abdication de tout droit sur une chose, se conçoit mal pour des éléments du corps, en raison du respect qui s’attache à ceux-ci ;

- ce caractère dérogatoire ne s’explique que par la nature particulière du déchet opératoire, voué en principe à être incinéré ;

- or, tel n’est pas le cas des placentas qui sont systématiquement recueillis : des centaines de tonnes collectées servent chaque année à produire de l’albumine placentaire ou de la glucocérébrosidase destinée au traitement de la maladie de Gaucher ; c’est d’ailleurs, et de manière assez paradoxale, dans le but de faciliter cette utilisation quasiment systématique des placentas que le législateur de 1994 a ajouté le placenta à la liste des produits d’exérèse chirurgicale (par voie d’amendement, le texte du projet initial ne le mentionnant pas : l’amendement a été d’ailleurs dénommé « amendement Mérieux » du nom du laboratoire français bénéficiant de cette disposition…) ;

- les utilisations nouvelles de ces matériels biologiques, fondées sur la découverte des cellules souches, font d’eux une source de greffons ce qui permet de les comparer, voire même de les assimiler, aux éléments donnés par une personne vivante dans un but thérapeutique ;

- davantage encore, ce statut est de nature à faire obstacle à ce que ces éléments soient collectés dans un but autologue, en contrariété flagrante avec la liberté de la personne à disposer des éléments et des produits de son corps ;

- enfin, le public est de plus en plus méfiant, voire hostile à cette catégorie fourre-tout des déchets biologiques qui est susceptible de cacher beaucoup de dérives et, en tout cas, qui se trouve perçue comme une marque persistante du paternalisme médical. La preuve en est administrée par l’évolution récente du statut des enfants morts nés. Notons qu’à cet égard, c’est la jurisprudence, aiguillonnée par la demande des familles qui a précédé l’intervention du législateur.

En conclusion, on ne saurait fonder une politique de santé publique destinée à promouvoir l’utilisation du sang de cordon ou placentaire sur une sorte de malentendu règlementaire que représente actuellement le statut de déchet opératoire. La mise en place de cette politique demande une véritable adhésion des parturientes et une transparence que n’offre pas le régime actuel. Sans compter que la valeur thérapeutique des cellules souches, très médiatisée, et la possibilité de leur utilisation potentielle au bénéfice de l’enfant ne permettent plus aujourd’hui de faire admettre au public que les matériels biologiques sources que sont le placenta et le cordon ombilical comme de simples rebuts.

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