Déposé le 22 juin 2015 par : Mme Morin-Desailly, MM. Retailleau, Lenoir, Bizet, Zocchetto.
Rédiger ainsi cet article :
I. – Tout exploitant d’un moteur de recherche horizontal au moyen duquel plus de 50 % des recherches sont effectuées en France au cours de trois mois consécutifs :
1° Met à disposition de l’utilisateur, sur la page d’accueil dudit moteur, un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche sans lien juridique avec cet exploitant ;
2° Met à disposition des utilisateurs des informations portant sur les principes généraux de classement et de référencement proposés ;
3° Veille à ce que ce moteur de recherche fonctionne de manière loyale et non discriminatoire, sans favoriser ses propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec lui ;
4° Ne peut obliger un tiers proposant des solutions logicielles ou des appareils de communications électroniques, à utiliser, de façon exclusive, ledit moteur de recherche pour accéder à Internet.
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes détermine les critères d’appréciation des 50 % des recherches effectuées en France au cours de trois mois consécutifs visés au premier alinéa du I.
II. – On entend par moteur de recherche horizontal tout service en ligne dont l’activité consiste à afficher des informations, de nature générale ou commerciale, se rapportant à un ou plusieurs sujets de recherche, proposées au public sur l’ensemble ou une partie substantielle du réseau Internet, sous forme de texte, d’image ou de vidéo, et à les mettre à disposition de l’utilisateur en réponse à une requête exprimée par ce dernier, selon un ordre de préférence.
III. – L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d’une organisation professionnelle, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements à l’une des obligations prévues au I du présent article qu’elle constate de la part de l’exploitant d’un moteur de recherche.
Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions prévues par l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques visant à garantir le respect d’une procédure contradictoire et la proportionnalité de la sanction que l’Autorité peut infliger.
Par dérogation aux dispositions dudit article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, l’Autorité ne peut infliger que des sanctions pécuniaires dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés et ne peut excéder 3 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes du dernier exercice clos. Ce taux est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.
L’Assemblée nationale a supprimé l’article 33 deciestel qu’adopté à l’unanimité par le Sénat, qui visait à encadrer les pratiques des moteurs de recherche dominants dont la puissance technique et économique engendre des entraves au pluralisme, au libre choix des utilisateurs, au droit à l’existence numérique et à la liberté d’entreprendre des acteurs de l’Internet. La version de l’article 33 deciesadoptée par l’Assemblée nationale poursuit ainsi un objectif très éloigné du dispositif initial : l’encadrement des plateformes collaboratives et des places de marché en ligne.
Cette nouvelle rédaction apparaît à la fois contre-productive et dangereuse d’un point de vue économique : l’acteur dominant est désormais exonéré de toute obligation, quand ceux dont il va parfois jusqu’à menacer l’existence sont pour leur part soumis à des contraintes nouvelles.
L’article 33 decies tel que modifié se trompe dès lors de cible et vise des opérateurs qui devraient, au contraire, faire l’objet de garanties par le biais d’une régulation ex antedes moteurs de recherche dominants, afin que leur existence numérique ne dépende pas d’un seul opérateur en mesure de contrôler à tout instant leur visibilité sur Internet.
Dans un contexte où la stimulation de la croissance et de l’innovation est un enjeu national, et face à l’impératif de protection des droits fondamentaux des internautes et des entreprises, il est en effet urgent de se donner les moyens d’encadrer les pratiques des acteurs dominants, compte tenu des conséquences néfastes qu’entraînent leurs pratiques pour nos entreprises et nos internautes. Cette urgence passe par la mise en place d’une régulation ex ante, qui est l’objet du présent amendement.
Force est de constater que le référencement et le classement des résultats par un moteur de recherche conditionnent très largement la visibilité effective d’une information sur Internet et, partant, l’attention que lui porte l’internaute. Or, ce dernier a tendance à accorder une « confiance abusive » dans les résultats des algorithmes, qu’il perçoit comme objectifs et infaillibles, car il ne dispose d’aucune information quant aux méthodes utilisées et que, du fait d’accords d’exclusivité, il n’a parfois pas d’autre choix que de se référer aux résultats d’un unique moteur.
En outre, par le truchement du paramétrage de son algorithme et, dans certains cas, de ses conditions générales d’utilisation, un moteur de recherche peut refuser de référencer ou de classer, ou bien déréférencer ou déclasser tout site Internet, et ce, de manière potentiellement discriminatoire, voire arbitraire. Un tel aléa pour les opérateurs économiques présents sur Internet et une telle dépendance vis-à-vis d’acteurs ultra-dominants sont préjudiciables au dynamisme de l’économie française.
Le mécanisme proposé à vocation à ouvrir le choix aux internautes et non à le restreindre. La présence d’offres alternatives contribuera à la fois à donner à l’utilisateur conscience de la diversité de l’offre en ligne et à lui faire percevoir celle des résultats produits par la variété des méthodes de classement et de référencement.
Dès lors que sont en cause le pluralisme des courants de pensée et d’opinion ainsi que la liberté d’entreprendre et le droit à l’existence numérique de nombreux acteurs de l’économie, l’amendement permet de concilier entre eux des principes de valeur constitutionnelle dans le strict respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il s’inspire à cet égard de la régulation ex antedéjà applicable en matière de presse ou de médias audiovisuels.
S’agissant d’une compétence partagée entre l’Union européenne et les Etats membres, la mise en œuvre d’une telle régulation sectorielle relève de la compétence de l’Etat français, à défaut de régulation européenne existante à ce jour. Attendre une telle régulation ou compter sur l’intervention du droit commun de la concurrence est illusoire compte-tenu des délais d’intervention requis au niveau européen. Conformément au principe de subsidiarité, le droit européen n'empêche pas des initiatives nationales pour autant qu'elles ne sont pas en contradiction avec les dispositions établies au niveau européen.
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes constitue enfin, s’agissant d’une régulation sectorielle ex ante, l’autorité idoine pour prendre en charge la mission de contrôler le respect des obligations mises à la charge des exploitants de moteurs de recherche. Afin d’atteindre les objectifs de protection des libertés et droits fondamentaux des internautes et des entreprises françaises, le pouvoir de sanction conféré à cette Autorité se doit d’être dissuasif et implique que la sanction pécuniaire se fonde sur un chiffre d’affaires mondial et non uniquement français.
En l’absence d’intervention du législateur, les pratiques du moteur structurant du marché de la recherche sur Internet, qui aboutissent à classer les résultats des recherches des internautes en fonction de critères et de considérations servant ses intérêts économiques propres, sans aucune obligation de transparence, ni de loyauté, continueront de renforcer leur mainmise sur l’ensemble de l’écosystème, étouffant les perspectives de développement des acteurs locaux.
Il importe donc de conforter la disposition votée à l’unanimité au Sénat en avril dernier, dans l’objectif urgent de protéger les droits fondamentaux des internautes et des acteurs de l’économie française du numérique.
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