25 mai 2023

Rapport N° 639 (2022-2023)


- Avant-propos la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné, le 25 juin 2023, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi déposée par jean-françois rapinen septembre 2022, visant à verser automatiquement une bourse d'étudesaux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap entraînant un taux d'incapacité d'au moins 80 %. par la voix de son rapporteur, toine bourratla commission s'est félicitée que cette proposition de loi mette en lumière une population trop méconnue et délaissée des pouvoirs publics, celle des étudiants confrontés au handicap d'un parent et qui sont, de fait, amenés à assumer un rôle d'aidant . son examen intervient au moment où une profonde réforme des bourses sur critères sociaux est en cours, comme l'avait appelé de ses voeux le sénat en 20211 (), et alors que le président de la république a annoncé, lors de la sixième conférence nationale du handicap, une mesure en faveur des étudiants aidants de parents handicapés ou eux-mêmes en situation de handicap, dans le cadre du système de bourses. la commission y voit l'effet de l'alerte lancée, il y a plusieurs mois, par l'auteur de cette initiative législative sénatoriale . sur proposition de son rapporteur, elle a enrichi la rédaction initiale du texte, afin de le rendre compatible avec la réforme en préparation et permettre son opérationnalité dès la prochaine rentrée universitaire . la commission a, par ailleurs, alerté la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité de se saisir du chantier de l'adaptation du rythme d'études et de l'accompagnement des étudiants aidants. i. une proposition de loi d'initiative sénatoriale pour reconnaître et soutenir financièrement les étudiants de parents en situation de handicap a. les étudiants aidants : des « invisibles » à la vie étudiante rendue plus complexe en France, les « aidants familiaux » représentent 8 à 11 millions de personnes qui apportent une aide régulière, à titre non professionnel et non rémunéré, dans les activités quotidiennes ou sur le plan émotionnel, à un proche en perte d'autonomie pour des raisons liées à l'âge, à une maladie ou à un handicap. l'aidant familial est nommé « jeune adulte aidant »lorsqu'il est âgé de 18 à 25 ans . ce statut n'est, pour l'heure, toutefois pas juridiquement défini . les travaux de recherche interdisciplinaires sur les aidants familiaux s'accordent aujourd'hui pour souligner que les jaa constituent une population sous-étudiée qu'il est temps de reconnaître, de considérer et d'accompagner . une enquête publiée en 20222 () indique qu'en France, au moins 1 étudiant de l'enseignement supérieur sur 10 serait aidant, soit environ 290 000 jeunes. il n'existe cependant pas, à ce jour, de données consolidées nationales sur les étudiants aidants . le ministère de l'enseignement supérieur admet lui-même méconnaître le nombre et le profil de ces étudiants. le rapporteur l'appelle à remédier, dans les meilleurs délais, à cette lacune statistique, qui fait obstacle à la mise en oeuvre d'une politique publique répondant aux besoins des étudiants aidants . selon les études disponibles, endosser un rôle d'aidant est associé à une moins bonne santé physique et mentale, ainsi qu'une limitation des opportunités d'éducation et d'emploi. dans le contexte spécifique de l'enseignement supérieur, les jaa se retrouvent partagés entre le désir d'être un « bon » étudiant et celui d'être un « bon » proche aidant . il est plus difficile pour eux de maintenir des routines d'études, de suivre des cours et de consacrer du temps à leur formation. de plus, l'aidance et les responsabilités qui y sont liées vont contraindre et limiter leurs aspirations professionnelles, notamment au regard de la proximité géographique domicile-université. dans le débat public, force est de constater que la question des aidants s'est invitée tardivement . en 2019, le gouvernement lançait « une stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants 2020-2022 », destinée à poser les bases d'une politique publique de l'aidance. parmi les six priorités définies par cette stratégie, l'une portait sur la nécessité de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des jeunes aidants, afin qu'ils n'aient pas à endosser des responsabilités disproportionnées par rapport à leur âge. récemment, dans le cadre d'un classement mondial du niveau de reconnaissance et de mise en place de politique publique à destination des jeunes aidants, la France a été classée comme « pays émergent », soulignant l'ampleur de la marge de progression dans la prise en compte de la situation spécifique de ces jeunes. b. la mesure prévue par la proposition de loi : l'attribution d'une aide financière, sous la forme d'un niveau maximum de bourse, aux étudiants dont l'un des parents est gravement handicapé la proposition de loi, déposée par jean-françois rapinen septembre 2022, est née de deux constats : · d'une part, la prise en charge du handicap d'un parent a des répercussions financières, sociales, éducatives, qui affectent inévitablement les enfants au cours de leur scolarité, et ce d'autant plus que le taux d'incapacité du parent concerné est élevé ; · d'autre part, la reconnaissance et l'accompagnement de ces jeunes, qui subissent « un choc de vie » et qui sont naturellement amenés à aider leur parent en situation de handicap, font aujourd'hui cruellement défaut. aussi, son article unique vise à attribuer automatiquement à tout étudiant, dont au moins l'un des parents est porteur d'un handicap entraînant un taux d'incapacité d'au moins 80 %, et quel que soit le montant de ses ressources, un niveau maximum de bourse. ii. un examen qui intervient dans le contexte de réforme du système de bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur a. les bourses sur critères sociaux : un système très décrié, pour lequel le sénat a appelé en 2021 à une réforme structurelle dans le cadre de ses travaux menés en 2021, la mission d'information du sénat sur la condition de la vie étudiante en France3 (), rapportée par le président de la commission, laurent lafon, pointait les lacunes et les failles du système de bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur, parmi lesquelles : les effets de seuil liés à l'architecture en échelons, excluant toute une partie des étudiants, notamment ceux issus des classes moyennes ; le montant des bourses ne permettant pas de financer l'ensemble des aspects de la vie étudiante ; la prévalence accordée dans les critères d'éligibilité au niveau de revenus des parents ; les disparités de traitement entre les étudiants selon leur ministère de rattachement. face à ce constat sévère, mais faisant l'objet d'un diagnostic partagé par l'ensemble des acteurs du secteur, la mission d'information appelait à une refonte globale du système actuel, articulée autour des volets suivants : la simplification et la restructuration de l'architecture en échelons pour lisser les effets de seuil, l'étude de l'élargissement du périmètre de l'échelon 0, l'harmonisation de la gestion des bourses entre les différents départements ministériels, la réorganisation plus rigoureuse de leur socle réglementaire. b. le projet de réforme en cours du gouvernement le 29 mars 2023, la ministre de l'enseignement supérieur a« l'acte ier de la réforme des bourses », laquelle avait été annoncée par le président de la république le 19 janvier 2021, lors d'un déplacement à l'université de paris-saclay. cette première étape de la réforme, chiffrée par le ministère à 500 millions d'euros4 (), est l'aboutissement d'un premier round de concertation sur la vie étudiante, qui a rendu ses conclusions à la fin de l'année 2022. elle est composée des mesures « paramétriques » suivantes : · la revalorisation de 6 % des barèmes de revenus des parents, critère principal pour se voir affecter une bourse . cette révision du barème entraîne deux conséquences : l'entrée de 35 000 nouveaux étudiants dans le système de bourse et le basculement d'un boursier sur cinq dans l'échelon supérieur ; · l'augmentation du montant des bourses de 37 euros par moisquel que soit l'échelon . cette revalorisation représente une augmentation de + 34 % pour le premier échelon et une augmentation à hauteur de l'inflationpour le dernier échelon ; · la neutralisation des effets de seuil5 (), le ministère ayant assuré qu'aucun étudiant ne verra sa bourse diminuée d'un montant supérieur à l'augmentation des revenus de ses parents. à la rentrée 2023, il y aura bien toujours des échelons, mais dans le cadre de la deuxième partie de la réforme, le ministère s'engage à les supprimer « de façon pérenne ». la concertation sur la deuxième étape de la réforme des bourses, qui se veut systémique, est en cours avec les organisations étudiantes représentatives. celle-ci est centrée sur quatre thématiques : le revenu étudiant, l'emploi étudiant, la gestion du temps et la réussite. son entrée en vigueur est prévue pour la rentrée 2024, voire 2025 selon le périmètre retenu. lors d'une audition qui s'est tenue début mai à l'assemblée nationale, la ministre a précisé que ses services travaillaient à une intégration du nouveau modèle de bourses envisagé au sein du chantier dit de « solidarité à la source », qui ambitionne de simplifier et d'harmoniser le versement de l'ensemble des aides sociales. c. la mesure en faveur des étudiants aidants de parents en situation de handicap ou eux-mêmes porteurs d'un handicap, récemment annoncée lors de la conférence nationale du handicap en clôture de la sixième conférence nationale du handicapqui s'est tenue le 26 avril dernier, le président de la république a annoncé que les étudiants aidants de parents en situation de handicap
- ou eux-mêmes en situation de handicap
- bénéficieront, à la rentrée 2023, de quatre points de charge pour le calcul de leur éligibilité aux bourses sur critères sociaux . le système actuel prévoit que l'éloignement du domicile familial et le nombre de frères et soeurs définissent un certain nombre de points de charge, qui, associés au niveau de revenus des parents, déterminent l'éligibilité aux bourses et l'accès à un échelon. en pratique, la mesure prévue devrait permettre d'augmenter l'échelon des étudiants déjà boursiers et d'en faire entrer de nouveaux dans le système. toutefois, le rapporteur remarque qu'un certain flou a entouré cette annonce présidentielle, dont le périmètre exact, les conditions d'attribution et le chiffrage du nombre de bénéficiaires n'ont pas été publiquement précisés. iii. l'apport de la commission sur la proposition de loi initiale : une nouvelle rédaction pour garantir l'opérationnalité de la mesure, dans le cadre de la réforme en cours des bourses sur critères sociaux la commission se félicite qu'une initiative législative sénatoriale offre l'occasion

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