Interventions sur "génocide"

19 interventions trouvées.

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

...uristes, pour leur part, continuaient à œuvrer pour l’instauration d’une juridiction pénale internationale, qui mettrait un terme à ce scandale moral que constitue l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité et de grands crimes de guerre. La guerre froide interdisait au Conseil de sécurité toute prise de position en ce domaine. Le résultat est là : le XXe siècle, qui s’est ouvert avec le génocide arménien, s’est achevé avec le génocide rwandais et il a connu entre-temps, ce qui demeurera comme la flétrissure première de l’Europe pendant ce siècle, le génocide des Juifs et des Tziganes. Celui-ci n’a pas empêché que d’autres génocides soient commis ultérieurement ; je pense en particulier au génocide cambodgien, pour lequel certains de ses responsables sont actuellement jugés, après bien de...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

À celui qui conçoit le génocide, à ceux qui le mettent en œuvre, à ceux qui considèrent que des centaines de milliers d’être humains doivent être mis à mort parce que, comme le disait si bien André Frossard au cours du procès de Klaus Barbie, ils ont commis le seul crime d’être nés, à ceux-là, l’imprescriptibilité doit montrer que la conscience universelle ne saurait jamais oublier et que, par conséquent, la justice doit passer...

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

...es qu’elle a hélas ! subies et auxquelles elle pourrait de nouveau être confrontée ; une opportunité de porter haut les valeurs qui ont fondé la Charte des Nations unies à laquelle les rédacteurs du statut de Rome font largement référence. Rappelons-nous que celle-ci s’est imposée comme une réponse de la conscience universelle à l’indicible des crimes commis au milieu du XXe siècle. Hélas ! les génocides au Cambodge, en Yougoslavie ou au Rwanda sont là pour rappeler que l’horreur peut encore survenir. Dans le même temps, la création du tribunal de Nuremberg, du tribunal de Tokyo, du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, du tribunal pénal international pour le Rwanda, ou encore les poursuites diligentées à l’encontre du général Pinochet, sont incontestablement révélatrices d’une asp...

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

...r les notions de la convention avec nos notions juridiques. C’est le deuxième texte de nature législative. Cette fois-ci, il s’agit essentiellement de permettre d’intégrer les incriminations prévues par la convention ne figurant pas dans le code pénal, en particulier celles qui concernent les crimes de guerre. Par ailleurs, il est proposé d’incriminer l’incitation directe publique à commettre un génocide et de retenir la qualification de complicité d’un crime contre l’humanité. Au-delà de ces mesures, quelques questions se sont vite imposées. En effet, l’adaptation de notre droit à la convention de Rome impose de confronter quelques-uns de nos principes fondateurs avec ceux d’une justice internationale. Il en est ainsi de la compétence dite un peu abusivement « universelle », des prescriptions, ...

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

...de torture, de terrorisme, de corruption. Pour l’ensemble de ces raisons, je crois nécessaire que nous inscrivions dans le code de procédure pénale la compétence universelle pour les crimes les plus graves, ceux qui affectent la communauté internationale tout entière. J’en viens à une autre question liée à la Cour pénale internationale, sur laquelle je serai plus bref, à savoir la définition du génocide et des crimes contre l’humanité, plus particulièrement l’exigence de l’exécution d’un plan concerté pour les reconnaître. Dans le code pénal et dans le projet de loi qui nous est soumis, l’un des éléments constitutifs du génocide et du crime contre l’humanité est la réunion de faits réalisés en exécution d’un plan concerté. Or cette condition me semble inutile et extrêmement difficile à satisfai...

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

...é tout à l’heure : il est très difficile d’apporter la preuve d’un plan concerté. On peut renoncer à cette exigence, car c’est trop demander aux plaignants que d’apporter une telle preuve. Généralement, aucun plan concerté n’est déposé aux archives, ce qui serait trop commode ; il s’agit plus de consignes verbales. Dès lors que la preuve des faits est rapportée et que ces faits caractérisent le génocide ou les autres crimes contre l’humanité, cela suffit ; il en résulte implicitement une concertation. C’est pourquoi je propose de supprimer cette exigence d’un plan concerté.

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Cet amendement rejoint celui de M. Fauchon. Nous n’avons aucune raison de nous mettre des entraves dans la poursuite et le châtiment des criminels contre l’humanité. Il est inutile, au regard du statut de Rome, de rajouter l’exigence de la preuve d’un plan concerté de génocide ou de crime contre l’humanité. Si cette exigence est inscrite dans le code pénal, c’est en raison des conditions particulières des affaires Barbie, Touvier et autres. En effet, s’agissant des nazis, il y avait eu un plan concerté et, dans le style étonnamment bureaucratique propre à ce régime, on avait conservé toutes les preuves ; je pense à la conférence de Wannsee, qui a réuni tous les dignit...

Photo de Robert BretRobert Bret :

Même amendement, même argument, sachant que l’article 211-1 du code pénal exige l’existence d’un plan concerté pour qualifier le crime de génocide. Or, cela a été rappelé, cette condition est absente de l’article 6 du statut de Rome, lequel reprend la définition exacte incluse dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, que la France a ratifiée le 14 octobre 1950. Ainsi, maintenir l’article 211-1 en l’état aurait pour effet de restreindre le champ d’application du crime de génocide et pourrait soul...

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Cet amendement vise à rendre cohérente la définition du génocide issue de l’article 6 du statut de Rome de la Cour pénale internationale avec celle qui figure dans le code pénal à l’article 211-1, que nous proposons de réécrire. Il est évident qu’il ne s’agit pas de dénaturer la définition du code pénal, à certains égards plus protectrice, puisqu’elle étend le crime de génocide à l’égard d’un groupe fondé sur « tout autre critère arbitraire ». En revanche, l...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

Je vais apporter une réponse globale à ces quatre amendements. La notion de « plan concerté » figure dans le code pénal aux articles 211–1, qui traite du génocide, et 212–1, qui concerne les autres crimes contre l’humanité. C’est l’une des conditions qui permet de caractériser le crime contre l’humanité ; elle était déjà prévue dans la charte du tribunal de Nuremberg. Cette notion de plan concerté répond à une préoccupation juridique. Cela ne veut pas dire que le plan concerté doit être écrit, bien évidemment. Elle permet de décider si certaines atteintes...

Photo de Robert BretRobert Bret :

Monsieur la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, cet article 1er, qui incrimine la « provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un génocide », prévoit une distinction selon que la provocation a été suivie ou non d’effet. Elle est considérée, dans ce dernier cas, non comme un crime, mais comme un délit. Ce n’est pas la seule disposition du texte qui envisage la correctionnalisation de certains actes. Le projet de loi prévoit, dans son article 7, des « délits de guerre » aux côtés des crimes de guerre. Le statut de Rome, quant à lui,...

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

... pour le moins insuffisant vers le statut. En effet, l’article 2 reprend la notion de « plan concerté », qui existe certes dans le code pénal, mais non dans le statut. C’est la raison pour laquelle nous avons défendu des amendements pour le supprimer, amendements que vous avez rejetés. Cela est regrettable puisque cette notion de plan concerté risque de réduire le champ d’application du crime de génocide et du crime contre l’humanité.

Photo de Robert BretRobert Bret :

Le projet de loi ne mentionne pas le caractère manifestement illégal de l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité, pas plus que le code pénal. Or l’article 33 du statut de Rome exonère de sa responsabilité pénale individuelle l’auteur d’un crime s’il a agi sur ordre. Néanmoins, cette exonération ne joue pas si l’ordre était manifestement illégal. L’oubli de cette dernière phrase est d’autant plus regrettable que la France est à l’origine de son insertion dans le deuxième paragr...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

À l’évidence, l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est manifestement illégal. Il serait singulier d’insérer de telles dispositions dans le code pénal. Par ailleurs, les mesures à caractère général de l’article 122-4 du code pénal prévoient que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». Par conséquent, la commis...

Photo de Robert BretRobert Bret :

...nternational coutumier selon lequel les chefs d’État et les gouvernants en exercice ne peuvent faire l’objet de poursuites devant les juridictions pénales d’un État étranger. Elle n’a pas précisé quelles étaient ces exceptions, mais, selon la doctrine, il semble admis que celles-ci concernent les hypothèses de crimes contre la paix, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide, conformément aux sources qui excluent l’immunité du chef d’État étranger pour ces quatre catégories de crimes. Vous comprendrez donc, mes chers collègues, pourquoi nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement : il permettrait de prévoir explicitement dans la loi que la qualité officielle de la personne poursuivie ne peut aucunement constituer un motif d’irresponsabilité pénale ou u...

Photo de Robert BretRobert Bret :

...rescriptibles les crimes de guerre, de même que les peines prononcées. Les rédacteurs du projet de loi n’ont pas voulu retenir cette imprescriptibilité, pourtant incluse dans l’article 29 du statut de Rome. La commission des lois n’a pas souhaité non plus la rétablir, mais a proposé de porter le délai de prescription à trente ans. Aujourd’hui, seuls les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide ne font pas l’objet d’une prescription dans notre code pénal. Sur le plan juridique, rien ne l’interdit concernant les crimes de guerre. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 22 janvier 1999 relative, précisément, au traité portant statut de la CPI, a considéré « qu’aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n’interdit l’imprescriptibilité des crimes les plus graves ...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

...Rome, et nous-mêmes avons d’ailleurs déposé plusieurs amendements à cet effet. Cependant, je tiens à le dire hautement et clairement dans cet hémicycle : je considérerai toute ma vie le crime contre l’humanité comme étant, de tous les crimes, le pire, et comme appartenant à une espèce particulière, qui est simplement la négation de l’humanité chez les victimes. Rappelons-nous ce que signifie le génocide. Au cours du procès Barbie, qui a permis l’audition de tant de victimes, mais aussi de personnalités qui avaient eu l’occasion de mesurer ce qu’était la réalité du génocide, André Frossard, grand écrivain catholique, a dit que ce qui caractérise le crime contre l’humanité, c’est qu’il est, pour la victime, le crime d’être né ; on doit mourir parce que l’on est né appartenant à telle ethnie, ou de...

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

...t des crimes les plus graves, notamment les actes de torture. Ainsi, pour les crimes que la communauté internationale reconnaît par voie conventionnelle comme étant les plus graves, la compétence universelle devrait, me semble-t-il, être retenue systématiquement. Or ce principe est absent s’agissant des incriminations visées par ce projet de loi, à savoir le crime contre l’humanité, le crime de génocide et le crime de guerre. Si nous voulons adapter de manière fidèle notre droit pénal au statut de la Cour pénale internationale, il faut mettre un terme à une telle disparité, qui revient à reconnaître la compétence universelle pour des actes de torture, mais pas pour des génocides ! Autre exemple d’incohérence, le droit français reconnaît la compétence universelle pour les crimes commis en ex-Yo...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je me suis moi-même rallié ce matin à l’amendement n° 61 dans la mesure où on y rappelle que, si la Cour pénale internationale est saisie, si une juridiction pénale étrangère ayant compétence est saisie, la France n’a pas à se saisir. Mais, dans le cas où l’auteur présumé d’un génocide se trouve présent sur notre territoire, la France ne peut pas fermer les yeux. C’est aussi simple que cela ! Deux mots nous séparent. Pour le rapporteur, il faut que ce bourreau contre l’humanité « réside habituellement » en France.