Interventions sur "l’humanité"

44 interventions trouvées.

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

Concernant l’amendement n° 41 de Mme Borvo Cohen-Seat, la reprise intégrale de l’article 7 du statut de Rome définissant les crimes contre l’humanité ne me paraît pas indispensable. J’ai d’ailleurs indiqué, dans mon rapport introductif, que nous ne procédions pas à une transposition mot pour mot, car il ne s’agit pas d’une directive européenne ; c’est une adaptation au droit français. M. Bret a souligné que le statut de Rome n’évoquait que les crimes, mais c’est uniquement parce que le vocabulaire anglophone ne fait pas la distinction entre c...

Photo de Robert BretRobert Bret :

Le projet de loi ne mentionne pas le caractère manifestement illégal de l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité, pas plus que le code pénal. Or l’article 33 du statut de Rome exonère de sa responsabilité pénale individuelle l’auteur d’un crime s’il a agi sur ordre. Néanmoins, cette exonération ne joue pas si l’ordre était manifestement illégal. L’oubli de cette dernière phrase est d’autant plus regrettable que la France est à l’origine de son insertion dans le deuxième paragraphe de l’article 33 du statut...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

À l’évidence, l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est manifestement illégal. Il serait singulier d’insérer de telles dispositions dans le code pénal. Par ailleurs, les mesures à caractère général de l’article 122-4 du code pénal prévoient que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». Par conséquent, la commission émet un avis défavorable ...

Photo de Robert BretRobert Bret :

...es exceptions au principe international coutumier selon lequel les chefs d’État et les gouvernants en exercice ne peuvent faire l’objet de poursuites devant les juridictions pénales d’un État étranger. Elle n’a pas précisé quelles étaient ces exceptions, mais, selon la doctrine, il semble admis que celles-ci concernent les hypothèses de crimes contre la paix, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide, conformément aux sources qui excluent l’immunité du chef d’État étranger pour ces quatre catégories de crimes. Vous comprendrez donc, mes chers collègues, pourquoi nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement : il permettrait de prévoir explicitement dans la loi que la qualité officielle de la personne poursuivie ne peut aucunement constituer un motif d’irr...

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

... de repli. À défaut de faire figurer l’esclavage sexuel parmi les crimes visés à l’article 7 du présent projet de loi, je vous propose de reconnaître au moins que le viol constitue un crime de guerre dans notre droit interne. Codifié dans la convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, le viol a été clairement qualifié de « crime contre l’humanité » par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, à propos des camps instaurés par les forces serbes durant la guerre de Bosnie en 2001. Cette attention particulière portée aux crimes sexuels, dont le viol est l’expression la plus grave, est présente dans le statut de la Cour pénale internationale. Par conséquent, je ne comprendrais pas que l’on refuse une telle adjonction dans notre ...

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les positions que nous avons adoptées précédemment. Je regrette de ne pas avoir été entendue à propos des crimes contre l’humanité, mais je persiste !

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Cet amendement vise à inscrire dans notre droit pénal le principe d’imprescriptibilité pour les crimes de guerre, principe dont l’application est jusqu’à présent réservée aux crimes contre l’humanité. Dans sa décision du 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel a rappelé le point suivant : « Considérant qu’aux termes de l’article 29 du statut : “Les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas” ; qu’aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n’interdit l’imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internatio...

Photo de Robert BretRobert Bret :

...nous proposons de rendre imprescriptibles les crimes de guerre, de même que les peines prononcées. Les rédacteurs du projet de loi n’ont pas voulu retenir cette imprescriptibilité, pourtant incluse dans l’article 29 du statut de Rome. La commission des lois n’a pas souhaité non plus la rétablir, mais a proposé de porter le délai de prescription à trente ans. Aujourd’hui, seuls les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide ne font pas l’objet d’une prescription dans notre code pénal. Sur le plan juridique, rien ne l’interdit concernant les crimes de guerre. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 22 janvier 1999 relative, précisément, au traité portant statut de la CPI, a considéré « qu’aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n’interdit l’imprescriptibilité d...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

Dans notre droit, seuls les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. Cette dérogation au principe selon lequel, en droit français, les infractions peuvent se prescrire dans un délai déterminé est justifiée par le caractère d’exceptionnelle gravité de ces crimes, qui constituent la négation même de l’être humain. La commission des lois et le Sénat se sont toujours refusés à prendre le risque d’une forme de banalisation des crimes contre l’hu...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je comprends le désir, légitime, des auteurs des deux amendements d’aligner le texte sur le statut de Rome, et nous-mêmes avons d’ailleurs déposé plusieurs amendements à cet effet. Cependant, je tiens à le dire hautement et clairement dans cet hémicycle : je considérerai toute ma vie le crime contre l’humanité comme étant, de tous les crimes, le pire, et comme appartenant à une espèce particulière, qui est simplement la négation de l’humanité chez les victimes. Rappelons-nous ce que signifie le génocide. Au cours du procès Barbie, qui a permis l’audition de tant de victimes, mais aussi de personnalités qui avaient eu l’occasion de mesurer ce qu’était la réalité du génocide, André Frossard, grand écriv...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

... sceaux, mes chers collègues, nous sommes ici au cœur du débat. Tout ce qui a été évoqué concernant la mise en œuvre du statut et l’alignement plus précis des infractions était important, mais ce n’était pas essentiel. Quant à la prescription, la Cour pénale internationale pourra poursuivre au-delà de la période de trente ans que nous avons choisie pour sauvegarder la spécificité du crime contre l’humanité. Avec cet amendement et ce sous-amendement, ce qui est en jeu est d’une tout autre importance. Je vais m’efforcer d’être aussi précis et clair que possible. En droit interne, la règle de compétence est simple : la justice française est compétente quand l’auteur de l’infraction est français, quand la victime de l’infraction est française ou quand les faits, ou une partie des faits, se sont dérou...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Voilà ce qu’est le devoir de juger ! Le texte est aussi clair que possible. Sous une réserve que j’évoquerai tout à l’heure, nous nous sommes engagés internationalement à réprimer - donc à user de notre compétence à l’encontre de leurs auteurs -, les crimes tels que les disparitions forcées, les tortures et, a fortiori, les pires qui soient, les crimes contre l’humanité. C’est une constante. Pourquoi y dérogerions-nous ? Parce qu’il y a la Cour pénale internationale, me répond-on

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

...a pour une raison simple : l’existence en effet de la Cour pénale internationale. Mais l’obligation d’arrêter les auteurs, de les poursuivre et de les juger est, dans ce cas-là, inscrite dans la Convention. Or conserver la condition de résidence habituelle signifie, je demande à chacun de le mesurer, que nous ne nous reconnaissons compétents pour arrêter, poursuivre et juger les criminels contre l’humanité, c'est-à-dire les pires qui soient, que s’ils ont eu l’imprudence de résider de façon quasi permanente sur le territoire français. Autrement dit, nous considérons que le simple fait, pour l’auteur de tortures, de se trouver sur le territoire français justifie la compétence de la juridiction française, sous réserve de la Cour pénale internationale, mais que son « patron », en quelque sorte, son su...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

... personnalités compétentes. Quand M. Claude Jorda, qui a été le président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, et M. Bruno Cotte, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a été élu au poste de juge à la Cour pénale internationale, à La Haye, ont rappelé que la France avait souscrit des obligations morales – j’ai dit le devoir de juger ces criminels contre l’humanité, sous réserve de la compétence de la Cour pénale internationale –, les membres de la commission des lois ont alors pu apprécier la façon dont les choses se passeraient dans la réalité. Si un bourreau, escortant tel ou tel chef d’État, se trouvait en France, que ferait le parquet, dans le cas, bien évidemment, où il aurait recueilli contre cette personne des éléments suffisants pour agir, des cha...

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

...ccuser un retard sur ce point. Hors d’Europe, des pays ont modifié leur législation pour permettre à leurs juridictions criminelles de juger les auteurs de crimes internationaux commis hors de leur territoire. C’est pourquoi nous proposons, comme le font les organisations membres de la Coalition française pour la Cour pénale internationale, que les auteurs des crimes les plus graves au regard de l’humanité, ceux qui relèvent du statut de Rome, puissent être jugés où qu’ils se trouvent, là où ils se trouvent. S’ils séjournent en France, même provisoirement, ou tentent de s’y réfugier, ils pourraient soit être interpellés en vue de leur extradition pour être orientés vers une juridiction mieux à même de les juger, soit être jugés en France. Cela permettrait d’éviter que les auteurs de faits aussi gr...

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

...ce universelle s’agissant des crimes les plus graves, notamment les actes de torture. Ainsi, pour les crimes que la communauté internationale reconnaît par voie conventionnelle comme étant les plus graves, la compétence universelle devrait, me semble-t-il, être retenue systématiquement. Or ce principe est absent s’agissant des incriminations visées par ce projet de loi, à savoir le crime contre l’humanité, le crime de génocide et le crime de guerre. Si nous voulons adapter de manière fidèle notre droit pénal au statut de la Cour pénale internationale, il faut mettre un terme à une telle disparité, qui revient à reconnaître la compétence universelle pour des actes de torture, mais pas pour des génocides ! Autre exemple d’incohérence, le droit français reconnaît la compétence universelle pour les ...

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

...te que, jusqu’à aujourd’hui, disons les choses comme elles sont, cette compétence universelle n’a jamais trouvé à s’appliquer. Si certaines conventions reconnaissent la compétence universelle, c’est parce qu’il n’existe pas de juridiction internationale ! Je signale, là encore, qu’aucune application de cette compétence n’a été observée, si ce n’est à l’occasion d’une procédure pour crimes contre l’humanité et tortures engagée par une juridiction française contre un ministre congolais. Le résultat, c’est que cette procédure a avorté, puisque nous ne pouvons incriminer que les seules personnes qui relèvent d’un État signataire de la convention internationale autorisant l’exercice d’une compétence universelle. Par conséquent, les ressortissants d’un État non signataire ne peuvent pas être poursuivis, ...

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

...ù on y rappelle que, si la Cour pénale internationale est saisie, si une juridiction pénale étrangère ayant compétence est saisie, la France n’a pas à se saisir. Mais, dans le cas où l’auteur présumé d’un génocide se trouve présent sur notre territoire, la France ne peut pas fermer les yeux. C’est aussi simple que cela ! Deux mots nous séparent. Pour le rapporteur, il faut que ce bourreau contre l’humanité « réside habituellement » en France.

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

...de de procédure pénale lui-même retiennent l’autre formule, à savoir que la personne « se trouve » sur le territoire français. Cela signifie, concrètement, que, si l’auteur de tortures est présent sur le territoire français, il peut être arrêté, poursuivi, éventuellement jugé par une juridiction française, sauf si sa juridiction nationale le réclame. En revanche, s’il s’agit d’un criminel contre l’humanité, nous ne pourrons l’arrêter et le poursuivre qu’à la condition qu’il soit établi de manière habituelle en France. Sa simple présence sur notre territoire ne suffira pas. C’est une grande imprudence ! Quant à savoir si le criminel en transit à l’intérieur d’un aéroport « se trouve » ou non sur le territoire français, c’est à la Cour de cassation d’interpréter, mais, à cet instant, vous n’allez pa...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

...gue Robert Badinter a suscité l’adhésion de la majorité de la commission par son argumentation, il est vrai particulièrement puissante. Aussi, dès lors que les arguments n’ont pas changé, je ne comprends pas pourquoi, ce soir, ils ne recueillent plus la même approbation. Pourquoi donc vous échinez-vous à nous expliquer que la seule présence sur le territoire français d’un auteur de crimes contre l’humanité ne peut suffire à son arrestation ?