Interventions sur "contestation"

28 interventions trouvées.

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

...Conseil constitutionnel, dans sa décision de délégalisation de l’une des dispositions de la loi du 23 février 2005, a considéré que l’appréciation d’un fait historique – en l’espèce le rôle positif de la présence française outre-mer – ne relève pas de la compétence du législateur. En ce qui concerne plus précisément la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui crée un délit pénal de contestation ou de minimisation de faits qualifiés de génocide par la loi, nous estimons que celle-ci contrevient à plusieurs principes fondamentaux de notre droit. J’expliquerai tout à l’heure plus en détail pour quelles raisons nous pensons qu’elle contrevient au principe de légalité des délits et des peines, qui est un principe fondamental en matière pénale. Nous pensons aussi qu’elle porte atteinte au p...

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut avoir la lucidité et le courage de reconnaître que l’examen cet après-midi par la Haute Assemblée de la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi suscite un certain malaise parmi nous. Depuis son adoption par l’Assemblée nationale à une très large majorité, mais en présence d’une cinquantaine de députés seulement, ce texte, qui pourrait en apparence sembler logique et cohérent, a ouvert la boîte de Pandore des questions et des doutes. Curieusement, à l’inverse de ce qui s’était passé ici m...

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

...ue nous examinons aujourd'hui, déposée par notre groupe en juillet 2005, puis redéposée régulièrement jusqu’en 2010. Dans son exposé des motifs, il soulignait l’importance du travail qu’il restait à accomplir pour tirer toutes les conséquences de la loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. C’est la même logique qui avait conduit à l’adoption de la loi Gayssot en 1990 sur la contestation des crimes contre l’humanité figurant en annexe à l’accord de Londres du 8 août 1945, mais aussi du génocide du peuple juif tel qu’il a été défini par le tribunal militaire de Nuremberg. Cette loi ne pouvait évidemment pas, en l’absence d’une reconnaissance qui n’interviendra que plus tard, prendre en compte le génocide du peuple arménien. C’est la raison pour laquelle il est aujourd’hui nécessa...

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui est aujourd'hui soumise au vote de la Haute Assemblée suscite la réprobation du groupe que j’ai l’honneur de présider, de ses diverses sensibilités : des radicaux de gauche bien sûr, mais également de Jean-Pierre Chevènement. Si l’objectif officiel de cette proposition de loi est de « réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi », l’objectif réel est en fait de conduire une opération électoraliste pré-présidentielle.

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi :

...ielles, je tiens à dire que, lorsque j’exerçais les fonctions d’inspecteur général de l’éducation nationale, j’étais le premier à affirmer que la responsabilité de qualifier les événements n’appartenait pas aux historiens. Or si elle n’appartient ni aux historiens ni aux acteurs politiques, à qui appartient-elle ? Aux victimes ? Le texte dont nous sommes aujourd'hui saisis introduit la notion de contestation « outrancière », et c’est tout à fait cohérent. J’entends ce qui se dit sur la Turquie. Alors, je le précise d’emblée : je suis un admirateur inconditionnel de l’histoire de l’Empire ottoman ! Je n’oublie pas – Mme Benbassa sera sans doute d'accord avec moi sur ce point – que la Sublime Porte recevait les parias à l’époque de l’Inquisition, que l’Empire turc accueillait les protestants chassés ...

Photo de Hervé MarseilleHervé Marseille :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peu de textes soumis à la Haute Assemblée ont soulevé autant de passion, de débats et de controverses que cette proposition de loi. Ce texte a un titre, qui vise non pas à reconnaître un génocide, mais à « réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi ». Ces derniers jours, les prises de position de nombreuses personnalités et le contenu des débats ont, involontairement ou à dessein, créé une confusion et une ambiguïté en mélangeant le rôle du Parlement et les lois dites mémorielles, la constitutionnalité du texte voté ou encore la persévérance dans la négation par certains du génocide des Armé...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

...a loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Cette reconnaissance officielle est partagée par plus d’une trentaine d’États et d’institutions régionales et internationales. Devant la recrudescence sur notre sol d’actes négationnistes, les socialistes ont été à l’initiative de l’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi du 12 octobre 2006 tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien. Ce texte a été présenté au Sénat le 4 mai 2011 dans le cadre de la « niche » parlementaire du groupe socialiste, mais a également reçu, à l’époque, l’avis défavorable de la commission des lois et été rejeté par l’ancienne majorité de la Haute Assemblée au motif d’une prétendue irrecevabilité.

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

...er aux enseignants une lecture de l’histoire sur la colonisation qui était loin de faire consensus, bien au contraire. Les socialistes ont toujours refusé cela. Je sais que certains de mes collègues éprouvent des réserves, car ils craignent que ce type de dispositif législatif n’entrave le travail des chercheurs. Je crois qu’il faut préciser, tout d’abord, qu’une telle loi tendant à réprimer la contestation de l’existence des génocides présentera l’immense avantage de libérer le champ d’investigation des historiens des faussaires et des manipulateurs. Je voudrais aussi rappeler que la loi Gayssot du 13 juillet 1990, votée pour protéger du négationnisme la mémoire des victimes de la Shoah, n’a jamais gêné le travail des historiens.

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Il faut surtout souligner que la proposition de loi sur laquelle nous nous prononçons aujourd’hui vise à incriminer la contestation ou la minimisation d’un génocide quand elle est faite de façon outrancière. Le fait d’ajouter par rapport au texte de mai dernier l’élément intentionnel, fondamental en droit pénal, permet au législateur de démontrer qu’il ne vise pas tant la contestation du génocide en tant que telle que l’incitation à la haine raciale dont elle est porteuse. Pour ce qui serait une atteinte à la liberté d’expr...

Photo de Bruno GillesBruno Gilles :

Ces faits sont assez communément admis. Ils étaient d’ailleurs reconnus officiellement par une douzaine d’États, par le Parlement européen et par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avant que la loi de janvier 2001 n’ajoute à la liste la reconnaissance officielle de la France. Une nouvelle proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi vient d’être votée, le 22 décembre 2011, à l’Assemblée nationale, sur l’initiative de notre collègue députée, Valérie Boyer, et le Sénat est aujourd'hui appelé à l’adopter. Actuellement, ce texte concerne le seul génocide arménien. Mes chers collègues, il ne s’agit pas, pour nous, de dire l’Histoire. La France, qui reconnaît officiellement l’exist...

Photo de Jean-François HumbertJean-François Humbert :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en ma qualité de président du groupe d’information sur le Tibet que je souhaite apporter un éclairage complémentaire à nos débats. Je ne me prononcerai pas de manière définitive sur l’intérêt ou la légitimité des lois dites « mémorielles », non plus que sur la constitutionnalité d’une incrimination pénale de la contestation de l’existence des génocides. Mon propos est autre : je veux profiter de l’attention que le Sénat accorde à la très grave question des génocides pour rappeler que l’un d’entre eux est en cours, aujourd'hui, sur les hauts plateaux tibétains. Je sais que cette affirmation va se heurter à une certaine incrédulité. D’aucuns, s’estimant bien informés, vont me rétorquer que l’oppression exercée par le...

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont :

Notre pays a mis des années à reconstruire une relation de confiance avec la Turquie après le vote de la loi de 2001 comme après chaque texte qui visait à la répression de la contestation de l’existence du génocide arménien, aspect que le rapport du Sénat de juin 2008 a parfaitement souligné. De plus, nous jouons un rôle particulier dans le Caucase du Sud : la France copréside, sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le groupe de Minsk, lequel est chargé de trouver une solution négociée au conflit « gelé » du Haut-Karabagh, qui oppose l’Arméni...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’indiquais tout à l’heure, la commission des lois a, dans sa large majorité, estimé que la présente proposition de loi, qui crée un délit pénal de contestation ou de minimisation outrancière des génocides reconnus par la loi française, était contraire à plusieurs principes reconnus par notre Constitution. Je vais successivement aborder quatre principes auxquels nous considérons que la proposition de loi s’oppose. Le premier de ces principes est celui de la légalité des délits et des peines, avec lequel il y a un risque de contrariété. Bien qu’elle s’...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

...jourd’hui la résurgence d’un discours antisémite. C’est ce qu’a jugé la Cour européenne des droits de l’homme dans une décision Garaudy du 24 juin 2003. En l’espèce, force est de constater que, heureusement, aucun discours de nature comparable à l’antisémitisme ne paraît viser aujourd’hui, en France et de façon massive, nos compatriotes d’origine arménienne. De ce fait, la création d’un délit de contestation ou de minimisation de l’existence du génocide de 1915 pourrait être considérée comme excédant les restrictions communément admises pour justifier une atteinte à la liberté d’expression. Il s’agit là d’un risque très sérieux soulevé par la plupart des constitutionnalistes que nous avons consultés ou qui se sont prononcés sur cette question. Le troisième principe auquel l’adoption de cette proposi...

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

...la loi. Il n’est pas une transposition de la décision-cadre de 2008 du Conseil de l’Union européenne, qui fera l’objet d’un projet de loi ultérieur. Le titre initial du texte déposé par certains de nos collègues députés faisait effectivement référence à cette transposition, mais la commission des lois de l’Assemblée nationale l’a modifié, pour souligner que son unique objet était de pénaliser la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi. Le génocide est le plus grave crime commis contre l’humanité, mais c’est aussi une qualification juridique, heureusement très rare. La contestation ou la minimisation outrancière des faits ainsi qualifiés sont suffisantes pour porter une atteinte grave à la mémoire des victimes et à leurs descendants. Près de 1, 5 million d’Arméniens furent dépo...

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

...on de ces comportements, dans le cadre de sa législation interne. En l’espèce, il s’agit d’harmoniser la loi pour traiter de manière identique les massacres portant la qualification de génocides, en quelque sorte par extension de la loi Gayssot. En effet, le rejet de ce texte conduirait à une hiérarchisation malsaine des crimes contre l’humanité, en fonction de la réponse pénale apportée à leur contestation. Ce n’est pas acceptable. La commission des lois dont - je tiens à le dire ici - aucun des membres n’a contesté ou remis en cause la qualification de génocide…

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

...nnu deux génocides et il est équitable de les traiter de la même manière. Serge Klarsfeld parle de défaite morale de la France au cas où ce texte ne serait pas adopté ; je pense qu’il a raison. J’en viens au principe de légalité des délits et des peines. La proposition de loi définit clairement et précisément l’infraction, qui sera constituée lorsque seront réunies les conditions suivantes : la contestation ou minimisation outrancière du génocide par l’un des moyens visés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 définissant les déclarations publiques ; un ou plusieurs crimes de génocide définis à l’article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi française. Le renvoi à la définition du génocide tel que figurant dans le code pénal et à la reconnaissance par la loi est limpide. Les te...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

...au texte de la proposition de loi, cette reconnaissance ne produit qu’un seul effet : celui de rendre applicable la nouvelle incrimination, sans priver le juge de sa compétence de qualifier juridiquement les massacres de 1915. Que la reconnaissance de faits comme constitutifs d’un génocide produise cet effet limité est confirmé par le libellé même de la proposition de loi : seules sont visées la contestation ou la minimisation outrancière de « l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du code pénal ». Il appartiendra bien au juge de qualifier les faits soumis à son examen. Aussi n’y a-t-il aucune atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. II n’y en a pas davantage au principe constitutionnel de la légalité des délits puisque l’incrimination de contestation o...

Photo de Jean-Vincent PlacéJean-Vincent Placé :

...gation d’un crime qui n’a pas été défini juridiquement, le Parlement outrepasse ses compétences, laisse place à l’arbitraire et porte atteinte à la liberté d’expression, ainsi qu’à la liberté de la recherche. Nous l’avons rappelé, en mai 2011, les membres de la commission des lois, au premier rang desquels Jean-Jacques Hyest, expliquaient déjà pourquoi la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien était entachée d’inconstitutionnalité. Selon les écologistes, les motifs d’inconstitutionnalité sont réels. Sans répéter l’ensemble des arguments que Jean-Pierre Sueur a très bien exposés, je veux souligner que la proposition de loi introduit à l’évidence une confusion entre la fonction législative et la fonction judiciaire. Or il est essentiel que le pouvoir...

Photo de Jean-Michel BayletJean-Michel Baylet :

...is mémorielles à notre encontre ? Contrairement à la « loi Gayssot », cette proposition de loi vise à sanctionner la négation d’un génocide qui n’a jamais été reconnu par une juridiction nationale ou internationale. La qualification de génocide de la Shoah a revêtu l’autorité de la chose jugée à l’issue du procès de Nuremberg : sa réalité aussi bien juridique qu’historique ne souffre plus aucune contestation. Par conséquent, les deux textes ne sont en rien comparables, comme l’ont déjà dit et expliqué d’autres orateurs. Le dispositif de cette proposition de loi, bien que ses défenseurs se prévalent de celui de la loi de 1990, est différent en ce qu’il nous propose de sanctionner toute négation des génocides reconnus seulement par la loi, sans corrélation avec aucune décision de justice. Tout comme ...