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...e qui n’a pas été défini juridiquement, le Parlement outrepasse ses compétences, laisse place à l’arbitraire et porte atteinte à la liberté d’expression, ainsi qu’à la liberté de la recherche. Nous l’avons rappelé, en mai 2011, les membres de la commission des lois, au premier rang desquels Jean-Jacques Hyest, expliquaient déjà pourquoi la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien était entachée d’inconstitutionnalité. Selon les écologistes, les motifs d’inconstitutionnalité sont réels. Sans répéter l’ensemble des arguments que Jean-Pierre Sueur a très bien exposés, je veux souligner que la proposition de loi introduit à l’évidence une confusion entre la fonction législative et la fonction judiciaire. Or il est essentiel que le pouvoir de légiférer e...
...proposition de loi constituée de cette seule phrase : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. » L’émotion était palpable dans l’hémicycle ; ce jour-là, les sénateurs ont eu l’impression de s’affranchir de la raison d’État – je crois qu’on peut dire les choses ainsi – en rendant sa dignité au peuple arménien. En effet, nier le génocide dont il a été victime revient à nier l’existence même de ce peuple puisque c’est pour ce qu’il était qu’on a voulu l’exterminer. En tout cas, après quelques péripéties – qu’il faut se rappeler, même si le vote final fut unanime –, cette phrase est devenue une loi de la République : la loi du 29 janvier 2001. En reconnaissant l’existence de ce génocide, le premier du XXe siècle, la République française a donc symboliquement rendu au peuple arm...
...naissance officielle de tel ou tel événement historique. Comment, en effet, les historiens, même unanimes, pourraient-ils prendre des décisions ayant des effets juridiques dans les États ? Si les travaux des historiens ont, me semble-t-il, largement prouvé qu’il y a eu un génocide perpétré en 1915 par la Turquie à l’encontre des Arméniens, les États sont les seuls à pouvoir, sur cette base, acter l’existence dudit génocide. Les arguments développés par M. le rapporteur lorsqu’il a défendu la motion d’irrecevabilité ne manquent pas d’une certaine pertinence, au moins sur deux points. Premièrement, la loi doit-elle être le véhicule de la reconnaissance des génocides par les États ? Pas forcément ! D'ailleurs, lorsque Jacques Chirac, alors Président de la République, a reconnu le rôle de la France dan...
...’économie de ce débat au travers duquel, je l’espère, vous comprendrez les raisons de mon opposition à ce texte et, plus généralement, à ce mouvement contemporain qui tend à donner à chaque communauté victime d’atrocités la possibilité de figer dans la loi « sa » mémoire, « sa » vérité historique, celle-ci devenant de fait une vérité légale irréfragable puisque toute tentative de démonstration de l’existence d’une réalité divergente est pénalement répréhensible. L’emballement auquel nous assistons depuis une vingtaine d’années ne correspond en rien à l’objectif visé par les premières lois mémorielles. La relation entre loi et histoire n’est pas récente : des lois commémoratives existent depuis la Révolution française et ont souvent été utilisées, durant le XXe siècle, pour célébrer les soldats fran...
...nt autorité de la chose jugée. Il est un autre point à propos duquel on ne nous a fourni aucune explication convaincante. Si cette loi était promulguée, elle donnerait au Parlement une compétence nouvelle, que n’ont prévue ni l’article 34 ni aucune autre des dispositions de la Constitution. Dans l’avenir, le législateur pourrait établir par la loi une sorte de vérité officielle en reconnaissant l’existence d’un génocide, avec pour conséquence automatique d’étendre le champ de l’interdit ici envisagé. Cette proposition de loi est dangereuse au regard de notre Constitution et des principes généraux du droit, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre. Elle est, en outre, profondément inopportune. Comme le rappelait le doyen Gélard au moment de défendre une question préalable, le 8 décembre dernie...
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « faire prévaloir la raison » et le « dialogue » : voilà ce à quoi le Président de la République française a engagé le Premier ministre turc s’agissant de l’attitude à avoir à propos du débat sur la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi. S’agit-il vraiment, ici, de faire preuve de raison et de dialogue devant un texte dont on nous assure qu’il « ne vise nullement un peuple ou un État en particulier » ? Ne joue-t-on pas avec le feu, dans le contexte d’une Europe malade et qui se cherche, en demandant à la Turquie « de bien prendre la mesure des intérêts communs qui unissent nos deux pays et nos...
Plutôt que de voter des lois mémorielles, développons la recherche historique et scientifique et prononçons-nous par des résolutions. C’est la raison pour laquelle, en conscience, loin des pressions, d’où qu’elles viennent, je ne voterai pas l’article 1er de la proposition de loi ni par conséquent la proposition de loi elle-même visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi.
...normal de ce type de loi. Mais nous devrions maintenant en rester là puisque le Parlement peut désormais remplacer avantageusement une loi mémorielle par une résolution, laquelle, en étant l’expression d’un souhait, est d’une nature tout à fait différente. Avec cette proposition de loi, nous irions au-delà de la reconnaissance des génocides, puisqu’il est question de pénaliser la contestation de l’existence de certains massacres, des trois génocides reconnus par l’ONU : celui des Arméniens, celui des Juifs et – nous les oublions trop souvent – des Tsiganes et celui des Tutsis en 1994. La reconnaissance de ces génocides n’avait jusque-là nullement impliqué une « stérilisation » de la recherche historique. Mais, avec la pénalisation, la proposition de loi nous fait franchir un nouveau stade que je ne...
...terminer si tel ou tel événement s’apparente à un massacre ou à un génocide. En revanche, il n’appartient pas aux historiens – ils connaissent du reste des désaccords, ce qui est normal dans la mesure où les écoles historiques diffèrent partout, y compris en France –, après avoir reconnu un génocide, de prendre ensuite les mesures de lutte contre sa négation. Ainsi, tous les historiens ont admis l’existence de la Shoah. Mais ce ne sont évidemment pas eux qui vont édicter les dispositions étatiques nécessaires pour lutter contre le négationnisme en ce domaine. Ils n’en ont ni le pouvoir ni la capacité. Les historiens sont des mains transparentes, des esprits savants, qui, par définition, ne peuvent pas concrètement protéger. Tel n’est pas leur rôle. À l’échelon international, comme cela a été indiq...
...la stricte réalité : la prochaine échéance présidentielle a vicié ce débat. J’en viens à l’amendement de suppression de l’article 1er. Cet article, qui modifie de manière importante la loi de 1881 sur la liberté de la presse, comme l’a rappelé Catherine Tasca, dispose : « Les peines prévues à l’article 24 bis sont applicables à ceux qui ont contesté ou minimisé, de façon outrancière, […] l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du code pénal ». Or, je l’ai déjà indiqué, la notion de « minimisation de façon outrancière » est une véritable aberration juridique. Il est bien évident que son introduction dans notre droit aboutirait à des difficultés d’application fondamentales. Indépendamment des problèmes que pose cette notion, une loi ainsi libellée signifiera...
La destruction systématique des Juifs dans des camps d’extermination, au nom d’une idéologie qui a menacé la liberté de l’ensemble de notre continent, qui conduisait à brûler les livres et qui, dans son principe constitutif, mettait en cause l’existence même d’êtres humains, ne peut être mise en balance avec rien.
...fois des adversaires et des partisans de cette proposition de loi. Il est donc important que nous ayons pu, les uns et les autres, nous exprimer librement. Je suis également satisfait d’avoir pu observer du respect, vis-à-vis de leurs contradicteurs, chez les tenants d’une opinion, à quelques petits dérapages près. Cette attitude s’explique d’autant mieux que personne, dans cet hémicycle, ne nie l’existence du génocide arménien. En revanche, mes craintes sont de trois ordres. En premier lieu, je crains que ce texte ne soit inutile - vous me rétorquerez que ce ne serait pas le premier que nous voterions ! -, dans la mesure où il existe déjà, dans notre droit pénal ou notre droit de la responsabilité civile, des dispositions permettant de sanctionner le négationnisme. En deuxième lieu, j’ai peur qu...
Des historiens et spécialistes de l’Holocauste, dont Elie Wiesel, ont fait connaître publiquement leur position à l’orée de ce siècle, pour que soit déclarée « incontestable la réalité du génocide arménien et inciter les démocraties occidentales à le reconnaître officiellement ». En reconnaissant l’existence de ce génocide, la République française a rendu au peuple arménien la place dans l’histoire que certains ont cherché à occulter, à effacer, à détruire. Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui placés devant nos responsabilités et, sans céder au rituel des lois mémorielles, sans vouloir écrire l’histoire à la lumière des textes de loi, comment ne pas reconnaître que, « presque toujours, la re...