Interventions sur "plainte"

12 interventions trouvées.

Photo de Muguette DiniMuguette Dini, auteur de la proposition de loi :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’enquête nationale sur les violences envers les femmes réalisée en 2000 nous apprend que, en France, on dénombre chaque année 50 000 viols, 150 000 tentatives de viol, 400 000 autres violences sexuelles, soit au total 600 000 agressions sexuelles. En 2010, le ministère de l’intérieur a recensé 7 000 plaintes pour viol, 7 500 plaintes pour agression sexuelle. La même année, le ministère de la justice a enregistré 1 355 condamnations pour viol, 5 066 condamnations pour agression sexuelle. Par conséquent, au regard du nombre estimé de viols et d’agressions sexuelles, seulement 1 % des agresseurs sont condamnés. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Mon ton, mes chers collègues, sera grave, parce que le su...

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aborde un sujet sensible, celui du délai dont dispose la victime d’une agression sexuelle pour porter plainte contre son agresseur et faire en sorte que celui-ci soit poursuivi. Ce sujet est d’autant plus sensible que, à la différence des viols et des tentatives de viol, qui constituent des crimes et pour lesquels le délai de prescription de l’action publique est de dix ans, les autres agressions sexuelles constituent des délits pour lesquels le délai de prescription n’est donc que de trois ans. Si l’on...

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur :

...e des agressions sexuelles sur celui des viols, ne risquerait-on pas de banaliser les formes les plus graves d’agressions sexuelles – je ne prétends pas que tel est l’objet de la proposition de loi – alors qu’il s’agit de réalités très différentes ? Il ne faut pas non plus sous-estimer les difficultés probatoires auxquelles seraient confrontées les victimes d’agressions sexuelles qui porteraient plainte plus de trois ans après les faits. En effet, et sans doute plus encore qu’en matière de viol où des certificats médicaux peuvent parfois corroborer les dires de la victime, les agressions sexuelles laissent peu de traces matérielles et les témoignages peuvent paraître moins solides plusieurs années après les faits. C’est donc parole contre parole. Ainsi, une procédure engagée par la victime d’un...

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

...nous pouvons l’imaginer, ce refus de parler peut détruire des vies entières, celle des victimes bien sûr, mais aussi celle de leurs proches. À l’heure actuelle, nous savons que seule une femme sur dix ose parler des violences sexuelles qu’elle a subies. Ce chiffre tombe à 5 % pour les femmes victimes de viol ou de tentative de viol de la part de leur conjoint et à 2 % pour celles qui porteraient plainte dans de pareils cas. Selon une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales parue en juillet dernier, 663 000 femmes ont déclaré avoir subi des violences physiques ou sexuelles entre 2008 et 2010. L’étude avait alors signalé que 80 000 femmes avaient été « victimes d’au moins un viol ou une tentative de viol au sein du ménage » au cours de ces deux années. Selon le...

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

...re inutile, car l’allongement du délai poserait un problème de preuve pour des infractions laissant par nature peu de traces médicolégales. Cet argument est de loin le plus contestable puisque, comme l’a fort justement souligné un médecin auditionné, si la victime attend quarante-huit heures, les preuves médicolégales peuvent également manquer lors d’un viol, entraînant le non-aboutissement de la plainte. Enfin, on nous dit qu’un plus long délai de prescription risquerait de mener à des décisions de non-lieu ou de relaxe au bénéfice du doute susceptibles d’être douloureuses pour les victimes. En d’autres termes, il nous est expliqué que le dépassement du délai de prescription serait en quelque sorte un mal pour un bien pour les victimes, en les préservant d’une éventuelle déception en cas de non...

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi :

...contester, l’approche pénale prend aujourd’hui mieux en compte l’évolution des mentalités. Par ailleurs, l’invitation à lever les tabous des violences sexuelles est mieux acceptée, même s’il faut, dans ce domaine, se protéger des excès médiatiques habituels. Aussi attendons-nous que des moyens supplémentaires soient mis en œuvre pour faire connaître leurs droits aux victimes, les inciter à porter plainte ou leur permettre d’être mieux prises en charge par des psychologues. Mes chers collègues, sur proposition de M. le rapporteur, dont il convient de souligner les scrupules juridiques, et afin d’éviter toute improvisation, la commission a décidé de ne pas établir de texte. Elle a fait preuve de sagesse. Pour ma part, je considère qu’il serait contraire à la nature des choses de confondre les « é...

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

...ation au délai de prescription défini par le code de procédure pénale. La modification proposée ne constitue en rien une réponse adéquate. En effet, elle ne modifiera pas les constats regrettables que nous sommes amenés à dresser. D’une part, dans le rapport qu’il a établi en 2007, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales rappelle que neuf victimes sur dix ne déposent pas plainte. D’autre part, l’INSEE, dans son enquête sur les violences faites aux femmes, dénonce la durée trop longue qui s’écoule entre le dépôt de la plainte et la date de l’infraction. Allonger le délai de l’action publique ne supprimera pas ce temps de latence. Il est donc primordial de comprendre, avant d’envisager toute modification législative, les raisons qui poussent à une délivrance si tardive. C...

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

...s de peines d’au moins cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Cette distinction a également des conséquences sur le régime de la prescription de l’action publique : alors que le viol et la tentative de viol peuvent être poursuivis pendant un délai de dix ans à compter de la commission des faits, les victimes d’agressions sexuelles ne disposent que d’un délai de trois ans pour porter plainte contre leur agresseur. Comme vous l’avez rappelé en commission, monsieur le rapporteur, les auteurs de la proposition de loi expliquent que « le traumatisme causé par une agression sexuelle est semblable à celui causé par un viol, et les victimes, qui ne sont pas toujours en mesure de porter plainte dans le délai imparti, notamment en raison du traumatisme subi, se trouvent parfois privées de la...

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

... ces victimes traumatisées ont du mal à retrouver leur place dans leur famille, dans leur emploi, dans la vie de tous les jours. Leur mal-être peut avoir, tout au long de leur vie, des répercussions sur leur entourage, répercussions dont les professionnels de la santé mentale vous diront qu’elles sont gravissimes. Leur reconnaissance par la justice ou au moins la possibilité pour elles de porter plainte après trois ans est l’un de ces éléments de reconnaissance et de soin. Il est malsain d’ignorer tous ces aspects et de ne pas essayer de faire mieux. Bien entendu, avec l’ensemble des membres de mon groupe qui ont cosigné ce texte, je voterai contre l’amendement de suppression, qui met complètement à bas ma proposition de loi.

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Le débat qui nous réunit cet après-midi traite d’un sujet grave. Force est de constater que les agressions sexuelles autres que le viol sont aujourd’hui injustement prises en compte. Au reste, le faible nombre de plaintes déposées témoigne de la grande complexité du problème, tant est fort le sentiment de honte, de culpabilité et de peur souvent ressenti par la victime, en particulier quand l’acte a été commis au sein du couple, conduisant à un sentiment partagé d’amour et de haine. Plusieurs orateurs ont estimé que le délai de prescription de l’action publique de trois ans des faits d’agressions sexuelles autre...

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

...dans certains domaines, à la modifier allègrement. Cela dit, le droit doit évoluer pour s’adapter à la réalité. Or, dans notre pays – et dans d’autres –, il subsiste un tabou très fort en matière d’agressions sexuelles, dont les victimes sont en majorité des femmes, et qui ont lieu surtout dans la sphère conjugale, intrafamiliale et intrarelationnelle. Le très faible nombre de femmes qui portent plainte en témoigne. Notre société reste à domination masculine, quoique certains en pensent. Certes, le monde de la justice s’est féminisé, mais, aujourd’hui encore, les décideurs, que ce soit en politique ou dans la justice, sont en majorité des hommes. Donc, le tabou existe, il n’y a pas de honte à le reconnaître, y compris pour un homme. Il reste un long chemin à parcourir avant que les femmes port...

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

...ines de milliers de personnes, femmes ou hommes, victimes d’agressions sexuelles ? Certes, la majorité des victimes d’agressions sexuelles sont des femmes, Mme Borvo Cohen-Seat l’a souligné à juste raison, mais il ne faut pas oublier que les hommes sont aussi touchés, ne serait-ce qu’en milieu carcéral. Cela a été rappelé tout à l’heure, une personne mineure au moment d’une agression peut porter plainte à sa majorité. Eh bien, interrogeons-nous justement sur le nombre de jeunes qui portent plainte après leur majorité et qui, pendant tout le temps où ils étaient mineurs, n’ont pas osé se manifester, parce qu’ils étaient contraints par le milieu familial, parce qu’ils avaient peur ; peur de nuire à des parents qui sont violents à leur égard. Je considère qu’il en est de même pour les victimes d’u...