Interventions sur "génocide arménien"

11 interventions trouvées.

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

...ar l'Assemblée nationale le 22 décembre 2011. Ce texte tend à punir d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende les personnes qui contestent ou minimisent de façon outrancière, publiquement, l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide, reconnus comme tels par la loi française. En l'état du droit, le dispositif s'appliquerait aux personnes qui contestent ou minimisent l'existence du génocide arménien, seul reconnu comme tel par la loi du 29 janvier 2001. Mais il pourrait, à l'avenir, s'appliquer à la contestation d'autres génocides puisque des propositions de loi ou des amendements ont été déposés pour reconnaître officiellement le génocide tzigane pendant la Seconde Guerre mondiale, le génocide ukrainien de 1933-1934 ou encore le « génocide » entre guillemets vendéen de 1793-1794. La propos...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

... manqué à ses devoirs d'objectivité et de prudence, en s'exprimant sans nuance sur un sujet (...) sensible » ; le tribunal a estimé que ses propos, « susceptibles de raviver injustement la douleur de la communauté arménienne », étaient fautifs et justifiaient une indemnisation. J'appelle à un débat serein. C'est notre conception du droit qui est ici en jeu, dans le respect infini des victimes du génocide arménien. Je vous propose, comme notre commission l'a fait il y a huit mois à l'initiative de M. Hyest sur la proposition de loi de Serge Lagauche, d'opposer à cette proposition de loi une motion d'irrecevabilité.

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Je voterai la motion d'irrecevabilité en reprenant, au-delà des problèmes posés par la précipitation dans le dépôt de ce texte, plusieurs des arguments avancés par le Président Sueur. Il ne saurait être question de nier le génocide arménien, mais je partage son raisonnement sur les risques d'inconstitutionnalité liés en particulier au non-respect du champ d'intervention du législateur. Contrairement à la loi Gayssot qui pouvait trouver des fondements dans le droit positif, la présente proposition représente un véritable détournement de la fonction législative. Elle constitue aussi une menace pour le travail des chercheurs, qu'il nou...

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

... la loi de 2001 fasse l'objet d'une question prioritaire de constitutionalité (QPC) qui constaterait l'existence d'une difficulté, auquel cas nous pourrions aussitôt déposer une proposition de résolution destinée en quelque sorte à remplacer cette loi. Nous avons en effet, avant tout, besoin de savoir à quoi nous en tenir sur la valeur des textes et leur applicabilité, d'autant plus qu'au-delà du génocide arménien nous risquons d'être sollicités par d'autres communautés. D'une façon générale, ce débat provoque un malaise car il est l'objet d'un certain nombre de non-dits, à commencer par celui lié au risque d'une forme de hiérarchisation des différents génocides, ce qui serait un non-sens, puisqu'un événement est un génocide ou il ne l'est pas. En m'inspirant d'un article écrit par une de nos collègues de...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

En tant qu'historienne, je travaille sous le véritable diktat de la loi Gayssot imposée par les différentes communautés qui ne cessent de nous dire comment l'on doit écrire l'Histoire. Mon maître Pierre Vidal-Naquet, dont la famille a disparu dans les camps, s'était élevé, à l'époque, contre la loi Gayssot. S'agissant du génocide arménien en particulier, je rappelle qu'il a toujours été nié par la Turquie, et que les archives de l'Empire ottoman sur les Arméniens et les Juifs ne sont pas ouvertes. Mais, quand j'ai rédigé ma thèse sur la période 1908-1920, j'ai vu voir de nombreux documents qui attestent de la réalité du génocide arménien. Mais l'essentiel aujourd'hui est que les Turcs eux-mêmes règlent cette question avec les Armé...

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

...ui nous garantit le droit de dire ce que l'on pense, même si l'on pense mal. Je fais bien évidemment référence aux opinions et non aux actes qui pourraient en être le prolongement, ainsi que les appels à la haine raciale, l'apologie de l'antisémitisme ou de la xénophobie qui sont déjà par ailleurs sanctionnés. Bien que n'étant pas parlementaire à l'époque, j'étais favorable à la reconnaissance du génocide arménien. Mais il s'agissait seulement d'une affirmation, alors qu'il nous est demandé aujourd'hui de sanctionner ceux qui ne s'y conformeraient pas. J'entends l'argument selon lequel il est incohérent de ne pas sanctionner ceux qui contestent des valeurs que l'on affirmerait par ailleurs. Mais alors, dans ce cas, allons-nous par exemple sanctionner ceux qui pensent que les droits de l'homme ne sont pas u...

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

...ritaire de constitutionnalité en la matière, celle-ci ne l'a jamais transmise au Conseil. S'il existe bien un risque d'inconstitutionnalité, force est de constater qu'il ne s'agit pas d'une certitude et que nous pourrions laisser le processus législatif aller à son terme et le Conseil constitutionnel se prononcer définitivement. Nous avons légiféré sur les deux génocides que sont la Shoah et le génocide arménien ; le premier a été assorti d'un dispositif pénal, l'autre non, cette distorsion mérite à mon sens d'être corrigée pour des raisons de cohérence législative. Enfin, je rappelle que, contrairement aux affirmations de notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest, douze États européens se sont prononcés en ce sens, dont six qui ont mis en place des dispositifs législatifs présentant un volet pénal. ...

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Si nul ne conteste la réalité du génocide arménien, les débats que nous avons posent néanmoins la question de savoir à quoi sert le Parlement et quels sont les sujets sur lesquels nous devons et pouvons légiférer. L'opportunisme législatif dont ce texte est empreint et qui met un certain nombre de nos collègues dans l'embarras me semble justifier le vote de la motion d'irrecevabilité proposée par le rapporteur. Il faut refuser ce type de lois qui...

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Tout en étant sensible aux arguments relatifs à l'atteinte à la séparation des pouvoirs et au risque de fragiliser la loi de 2001 par le vote d'un nouveau texte, il me semble que la reconnaissance de la réalité du génocide arménien est une priorité. Compte tenu de la gravité d'un tel événement, il me semble difficile d'y opposer le souci de la liberté de la recherche ou même de la liberté d'expression. En outre, la pénalisation de la négation de ce génocide contribuerait à la cohésion nationale déjà évoquée par certains collègues, dans la mesure où je vous rappelle que 500 000 de nos concitoyens sont les descendants des v...

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

...tuellement l'inconstitutionnalité de la loi de 2001. Je crains aussi une forme d'effet de « contamination » de cette proposition de loi et que des propositions de lois soient déposées pour reconnaître officiellement qu'un génocide a été commis au Cambodge, au Rwanda, en Vendée, ou encore lors de la colonisation, entravant ainsi le travail des scientifiques. Les victimes, comme les bourreaux, du génocide arménien ont disparu, la véritable réparation offerte aux familles des victimes serait la reconnaissance du génocide par la Turquie et je ne crois pas que nous y parviendrons de cette manière, alors même que les Gouvernements européens seraient parfaitement fondés à faire de cette reconnaissance une condition de l'entrée de cet État dans l'Union européenne.

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

...st de se prononcer sur les questions juridiques. Celles-ci sont loin d'être simples car, si la loi du 29 janvier 2001 est certainement contraire à l'article 34 de la Constitution, à partir du moment où nous voterions cette proposition de loi, nous donnerions à la loi de 2001 un effet utile, autrement dit certaines de ses dispositions deviendraient exécutoires. Ainsi le fait de nier l'existence du génocide arménien serait passible de sanctions pénales. Par conséquent nous ne serions plus du tout dans le schéma d'une loi remplaçant une résolution qui ne pouvait pas, à l'époque, être adoptée par le Parlement, mais dans celui d'une loi comportant une sanction pénale. L'autre problème de constitutionnalité, plus difficile à résoudre et tenant au texte même de la proposition de loi, concerne la séparation des ...