18 interventions trouvées.
Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale que l’Assemblée nationale a adopté le 24 novembre dernier, après engagement de la procédure accélérée, et sur lequel le Sénat est aujourd’hui appelé à se prononcer, nous impose un bref rappel historique. Il puise sa raison d’être initiale dans la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008 sur le projet de loi relatif à la rétenti...
.... En outre, avec le suivi socio-judiciaire et la surveillance judiciaire, le dispositif français comporte déjà des mécanismes progressifs et efficaces pour exercer un suivi, après la peine, des personnes considérées comme dangereuses. Pour toutes ces raisons, la commission des lois a maintenu, pour l’application de la surveillance de sûreté, le seuil d’une condamnation à quinze ans de réclusion criminelle. Elle a par ailleurs confié à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté la responsabilité de s’assurer de l’effectivité de l’offre de soins pendant la détention, précisé les conditions dans lesquelles l’intéressé pourrait demander la mainlevée d’une mesure de surveillance de sûreté, et rappelé que, dans tous les cas, le placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté exigeai...
...cours qu’à un psychologue traitant. Il peut imposer que l’injonction de soins soit confiée à un médecin, ce qui paraît tout à fait adapté aux enjeux. Cette séparation claire entre justice et soins est aujourd’hui, à mon sens, remise en cause. On demande en effet à la médecine d’assurer une mission qui n’est pas la sienne, « protéger la société », en attendant d’elle qu’elle empêche les personnes criminellement dangereuses de nuire. Or la dangerosité psychiatrique et la dangerosité criminelle ne se recouvrent pas, en réalité, bien que la confusion soit assez fréquente. Un psychiatre peut déterminer le risque d’auto-agressivité, voire d’hétéro-agressivité d’un malade, mais même l’hétéro-agressivité n’est pas directement corrélée avec le risque de commettre un crime ou un délit. La criminologie est...
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le Gouvernement donne effectivement le vertige au législateur. Pour la quatrième fois depuis 2005, nous sommes sommés de légiférer selon la procédure d’urgence, devenue procédure accélérée, sur le sujet de la récidive criminelle. Les lois précédentes sont-elles caduques ? Insuffisantes ? Mal appliquées ? Voilà déjà trois questions auxquelles il faudrait répondre. Vous avez déclaré à l’Assemblée nationale, madame la garde des sceaux, que le présent projet de loi répond à une attente de l’opinion publique. C’est ce que vos prédécesseurs avaient déjà affirmé en 2005, en 2007 et en 2008.
...la société à apporter des réponses, sur celle des pouvoirs publics à appliquer les lois. Toutefois, répondre à l’émotion que suscite un tel crime par une nouvelle loi, c’est laisser croire que la loi aurait en elle-même la vertu d’apporter une réponse immédiate et qu’il suffit de la modifier pour régler les problèmes. Le législateur ne devrait pas l’accepter. Les effets de la loi pénale sur les criminels dangereux ne peuvent être immédiats, sauf à croire que la menace empêche le crime. Il n’est donc pas possible de statuer aujourd’hui sur les effets des lois que nous avons votées depuis 2005. On sait aussi – les études menées sur de longues périodes le montrent – que les évolutions de la délinquance et de la criminalité dépendent de multiples facteurs et que l’existence d’un lien direct avec la...
...gereuse : c’est faire croire à l’opinion publique que le risque zéro est possible et que, en quelque sorte, la relégation d’un certain nombre de personnes répondrait au principe de précaution. C’est une illusion, et il est grave de fonder une politique et la loi sur une illusion. Que l’on me permette, à cet instant, de citer M. Lamanda : « Une société totalement délivrée du risque de la récidive criminelle, sauf à sombrer dans les dérives totalitaires, ne serait plus une société humaine. » Entendons-nous bien : il n’y a pas, dans cet hémicycle, d’un côté ceux qui auraient le souci des victimes et de leurs proches, de l’autre ceux qui prendraient le parti des agresseurs. La souffrance des victimes est insupportable, et l’empathie à leur égard naturelle. Elle l’a toujours été. Oui, il faut répondr...
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous allons débattre d’un nouveau projet de loi relatif à la récidive criminelle, le quatrième en quatre ans et demi, le deuxième en moins de deux ans. Quelles impérieuses raisons vous conduisent à faire et à défaire ainsi la loi, madame la garde des sceaux ? J’en vois une, compréhensible : vous avez commis l’erreur de rendre votre précédente loi rétroactive. Le Conseil constitutionnel vous a rappelé le principe, pourtant élémentaire, de la non-rétroactivité des lois. Vou...
Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, neutraliser le criminel ne saurait suffire à fonder une politique pénale moderne. À nos yeux, il convient tout à la fois de réduire le risque de récidive et d’endiguer la vague sécuritaire. En effet, nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que la rétention de sûreté ou les peines plancher constituent un progrès. Loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, loi du 5 mars 2007...
...tements hormonaux. Toute récidive est une récidive de trop. Cela étant, raisonnons au-delà de l’affichage et du sensationnel : en moyenne, le taux de récidive est de 2, 5 % à 3 % pour les crimes – nous sommes d’accord pour dire que c’est beaucoup trop – et de 6, 5 % pour les délits, mais avec des différences considérables selon le type de délinquance. Marteler l’opinion publique avec la récidive criminelle, ce n’est pas de la politique pénale, c’est de la politique à usage médiatique, voire électoral. Ne pas tenir compte du rapport de la Commission d’analyse et de suivi de la récidive, qui concluait que « l’essence de la peine est d’être aménagée », ce n’est pas choisir l’efficacité. Oui, la récidive régresse lorsqu’il y a libération conditionnelle ; oui, elle régresse avec les peines alternati...
...ticulièrement grave. Comme vous le soulignez, madame le ministre d’État, « première des libertés, la sécurité est la condition de toutes les autres ». Vivre en sécurité dans une société démocratique telle que la nôtre est en effet un droit légitime de nos concitoyens ; c’est pour nous, parlementaires, un devoir de le garantir. Les peines d’emprisonnement constituent la première réponse aux actes criminels les plus graves. Cependant, force est de constater qu’elles se révèlent parfois insuffisantes pour protéger efficacement notre société. L’actualité médiatique nous rappelle fréquemment la réalité des drames engendrés par la récidive. Si notre action politique ne saurait être dictée par l’émotion que suscitent de tels événements, ce projet de loi répond concrètement à une attente essentielle des...
...cussion de ce texte était attendue depuis que le Conseil constitutionnel avait censuré une partie des dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et que le Président de la République avait chargé le Premier président de la Cour de cassation de lui faire des propositions en vue d’amoindrir le risque de récidive criminelle. Cela étant, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est plus tout à fait celui qui avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 novembre 2008, lequel ne comportait que quelques articles destinés principalement, comme l’a d’ailleurs rappelé M. le rapporteur, à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et à prendre en compte les propositions du rapport L...
...if particulier ne le justifie. Pis encore, alors même que la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008 était très claire quant à l’inapplicabilité de la rétention de sûreté aux personnes actuellement détenues, vous avez réussi à contourner cette exigence par un tour de passe-passe juridique. Ainsi, en vertu du présent projet de loi, une personne déjà condamnée à dix ans de réclusion criminelle pourrait être placée sous surveillance de sûreté à l’issue de sa peine et se voir imposer, en cas de manquement à ses obligations, une mesure de rétention de sûreté. On parvient ainsi au même résultat, en dépit de la décision du Conseil constitutionnel, qui est ici tout simplement contournée, pour ne pas dire bafouée. Selon nous, ce texte est une insulte à l’égard du Conseil constitutionnel, p...
...nsurée. À l’origine, ce texte, réduit à quelques articles, ne contenait que de rares dispositions. Il traînait sur le bureau de l’Assemblée nationale, sans que le Gouvernement se décide à l’inscrire à l’ordre du jour du Parlement, car il ne voyait là aucune urgence particulière. Toutefois, un événement tragique a bouleversé le fond et la forme de ce projet de loi : le meurtre d’une femme par un criminel sexuel récidiviste a relancé le débat médiatique ; la présidence de la République a de nouveau surenchéri. Ce texte, qui était en sommeil, s’est révélé le support idéal pour une démonstration de force du Gouvernement, qui l’a modifié en profondeur par voie d’amendements et qui a engagé la procédure accélérée, faisant croire ainsi aux Français qu’il était particulièrement réactif. Le principe de...
...l serait impossible que ceux-ci ne récidivent pas ! Nous sommes sur une pente très glissante : se trouve justifiée ici la privation de liberté d’un homme non pour les faits qu’il a commis, mais pour ceux qu’il pourrait éventuellement perpétrer ! Que fait-on alors du risque d’erreur judiciaire et de l’idée qu’un homme peut comprendre ses erreurs et se racheter ? On fait croire aux Français qu’un criminel l’est par essence, à vie, et qu’il n’existe aucune chance qu’il ne récidive pas. On le condamne donc à un enfermement perpétuel. Certes, des possibilités de révision régulière sont prévues. Toutefois, dans un tel contexte, qui, magistrat ou médecin, prendra la responsabilité de décréter que telle ou telle personne ne récidivera jamais ? Pourtant, l’analyse objective et raisonnée des situations v...
...s prouve l’incapacité des dispositions prévues précédemment à régler le problème et une vraie nécessité à changer de politique pénale. Ce projet de loi s’inscrit davantage dans une démarche de communication. On pourrait imaginer qu’il vient pallier une absence ou une insuffisance de dispositifs, mais ce n’est évidemment pas le cas. Comme le souligne le rapport « Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux » du 30 mai 2008 de Vincent Lamanda, que nous avons évoqué à plusieurs reprises, notre arsenal juridique est déjà suffisamment coercitif pour prévenir les risques de récidives. En effet, la loi du 27 juin 1990 permet d’interner les malades mentaux, criminels ou non, préventivement, en dehors de toute conduite délictueuse ou de crime. La loi du 17 juin 1998 institue le s...
...rononcer aujourd’hui en toute connaissance de cause. Pourtant, pour s’en tenir à la période la plus récente, nombreux sont les rapports disponibles sur la récidive, qu’il s’agisse de ceux de MM. Burgelin et Lamanda, ou de celui de MM. Gautier – présent parmi nous aujourd’hui – et Goujon. Nous pouvons simplement regretter de ne pas avoir de statistiques suffisamment précises, puisque, en matière criminelle, le taux de récidive oscille, selon les sources, entre 1 % et 5 %. Certains avancent même – je suis loin de les croire ! – le taux de 24 %. Le jour où l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales sera en mesure de travailler de manière performante, il nous fournira sans doute des statistiques intéressantes. Rappelons en effet que cet organisme n’a été mis en place que très ...
...ionnel valide l’application rétroactive de la rétention de sûreté à des personnes condamnées avant la publication de la loi. Il l’a donc censurée. Mais il a, en revanche, validé le reste du texte et admis le principe d’une peine après la peine. Or, comme vous le savez, nous sommes totalement hostiles à une telle possibilité. Nous nous soucions évidemment de combattre la récidive et de suivre les criminels dangereux ! Mais le sujet en cause se situe à la limite entre la psychiatrie et la justice. Or la loi relative à la rétention de sûreté le traite sur un mode qui ne nous paraît pas du tout adapté. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression.
L’article 1er A introduit par l’Assemblée nationale ajoute à la qualification d’aggravation pour les actes visés, celle de récidive. Or, comme le précise le rapport de la commission des lois, « l’état de récidive peut être considéré comme une circonstance générale d’aggravation- susceptible de porter la peine encourue à la réclusion criminelle à perpétuité ». Autrement dit, quand la récidive est constituée, elle aggrave la répression de l’infraction poursuivie en augmentant le maximum de la peine encourue. Pourquoi les députés de la majorité ont-ils ajouté cette précision ? Étant donné la philosophie du texte que nous examinons, même corrigé par la commission des lois, il est à craindre que cette nouvelle rédaction ne cache une volo...