Interventions sur "prescription"

22 interventions trouvées.

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

...i sont souvent d’anciennes victimes. Mais, en attendant que tout cela se mette en place – et je n’ai aucun doute sur la réalisation de ce projet –, il est nécessaire de donner la parole à ceux et à celles qui souffrent et de les écouter : les victimes. Voilà pourquoi il m’a semblé nécessaire de déposer cette proposition de loi qui a pour objet d’établir un strict parallélisme entre le régime de prescription des crimes et agressions sexuelles et le régime de prescription appliqué aux abus de bien sociaux et aux abus de confiance, puisque ces infractions ont en commun un mécanisme de dissimulation. La particularité des abus de biens sociaux réside dans le fait qu’ils sont, par essence, des infractions clandestines, de sorte que la Cour de cassation, en consacrant leur caractère souterrain, a imposé u...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la présente proposition de loi, déposée par Mmes Dini et Jouanno, tend à modifier le délai de prescription de l’action publique pour les agressions sexuelles. Nos deux collègues partent du constat que ces délais de prescription applicables aux violences sexuelles sont inadaptés, et l’on ne peut qu’être touché par la force des arguments employés par Mme Dini dans sa belle démonstration. Elles nous proposent donc de replacer la victime au centre du dispositif et de ne faire courir le délai de prescript...

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine cet après-midi la proposition de loi visant à reporter le point de départ du délai de prescription des agressions sexuelles au « jour où l’infraction apparaît à la victime dans des conditions lui permettant d’exercer l’action publique. » Le mécanisme de prescription proposé par les auteurs de ce texte s’inspire de celui qui est appliqué aux infractions clandestines, telles que l’abus de bien sociaux ou l’abus de confiance. Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, on lit que les agr...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi, en première lecture, la proposition de loi présentée par Muguette Dini et Chantal Jouanno visant à modifier le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles. Ces quelques mots suffisent à laisser entrevoir la difficulté de la question qui nous est soumise. En effet, nous parlons des victimes féminines et masculines d’agressions sexuelles, notamment de viols ; l’extrême gravité de ces infractions est aujourd’hui unanimement reconnue et le législateur comme l’ensemble de la société doivent s’assurer qu’ell...

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, combien de femmes et d’hommes ont regretté de n’avoir pas eu la force de dénoncer leur agresseur devant la justice avant que le délai de prescription ne les en empêche ? Certains ont mis des années à réaliser leur drame, parfois occulté dans l’enfance. Cette amnésie paralysant la parole se rompt un jour, bien souvent pour une raison inexplicable. Ces souvenirs, ou plutôt ces cauchemars, jaillissent brusquement dans leur mémoire et reviennent les hanter. Mais il est trop tard ! À l’automne 2013, le cas de Cécile T. avait ému la France entière....

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

...tons un certain oubli des principes fondamentaux : la sexualité doit être consentie ; elle ne doit s’exercer ni au sein de la famille ni avant la puberté. Nous pouvons fermer les yeux et nous lamenter sur le coût de telles pratiques pour la société. Mais nous pouvons aussi fixer des limites. Notre droit, la Constitution, notre bel ordonnancement juridique et la belle architecture du principe de prescription ne peuvent pas être pensés en dehors de la société et des hommes. Tout à l'heure, Muguette Dini a rappelé les chiffres colossaux : 383 000 personnes victimes de violences sexuelles, 26 000 dépôts de plainte, dont 6 000 pour viols sur mineurs. À côté de tous les discours que l’on entend sur les accidents de la route, on parle bien ici, je le répète, de 6 000 viols sur mineurs ! De surcroît, comme...

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

Certes, mais les lobbies sécuritaires sont là ! Quand sont en cause plusieurs milliers de cas, il s’agit non pas de faits divers, mais d’un fait de société. Cela étant, nous devons évoluer parce que nos connaissances ont progressé. La réalité des viols est mieux documentée et révélée. L’amnésie post-traumatique ne cesse pas en fonction de la loi ; elle peut prendre fin après le délai de prescription. Oui, le délai de prescription est nécessaire à notre société pour sa stabilité, pour le droit à l’oubli et, surtout, au pardon. Mais quand l’amnésie prend fin, la victime se retrouve à la case départ, c'est-à-dire très exactement dans la peau de la petite fille ou du petit garçon qu’elle était, avec la peur. Elle ne peut commencer son travail de reconstruction, de pardon ou de recherche de véri...

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

Pourtant, dans le rigoureux édifice de la prescription, bien des brèches ont, il est vrai, été ouvertes : j’ai cité l’abus de biens sociaux, mais je pourrais tout autant évoquer les trafics de stupéfiants, le terrorisme. Il semble donc que certaines brèches dans l’ordre juridique soient plus acceptables que d’autres. Nous sommes tous désireux d’un changement du régime de prescription, mais encore faut-il que nous soyons assurés de délais clairs, pré...

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

...e d’État, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de saluer le travail de Muguette Dini qui, loin de chercher à mener une politique d’affichage, a fait, avec d’autres élus, de la lutte contre les violences sexuelles un combat. Le texte qui nous est proposé pose une véritable question. En effet, son analyse nous a conduits à reconnaître les réelles difficultés d’application du régime de prescription en matière d’infractions sexuelles. Mais, en poussant l’analyse un peu plus loin, nous avons aussi constaté que les difficultés liées à la prescription en matière pénale dépassent les cas d’infractions sexuelles, comme le révèlent de récentes décisions rendues par la chambre criminelle de la Cour de cassation, et appellent une réforme plus globale. Avant de développer ce point, je voudrais nuanc...

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la modification du délai de prescription des agressions sexuelles est désormais un sujet que nous connaissons bien. Notre collègue Muguette Dini avait déjà déposé une proposition de loi à ce sujet qui avait été rejetée par le Sénat au mois de janvier 2012. Une nouvelle fois, je tiens à le dire d’emblée, les membres du RDSE ne voteront pas le texte présenté en l’état. Bien que les intentions de ses auteurs soient louables, nous nous pro...

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

...és – de loin – pour avoir entendu des victimes exprimer leurs plaintes dans nos permanences parlementaires, très longtemps après les faits et ne sachant parfois plus à qui s’adresser. Il s’agit, en pareil cas, non de réparer mais de dire ce qui s’est produit des années auparavant. Pour tenter de faire face à de telles situations, les auteurs du présent texte nous proposent d’allonger le délai de prescription pour ces crimes et délits. Je souligne d’emblée que la prescription en vigueur en la matière est déjà exceptionnelle : elle court vingt ans après la majorité des victimes, qui peuvent donc porter plainte jusqu’à leurs trente-huit ans. Pourquoi cette exception a-t-elle été introduite dans l’échelle des prescriptions ? On le sait très bien : dans un premier temps, ces victimes restent sous l’empr...

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Les actes en question ont été occultés ou dissimulés par la victime elle-même. Longtemps, elle n’a pu s’exprimer. Puis, un beau jour, la vérité a éclaté, la victime a pu parler ! En la matière, comparaison n’est pas raison. Par ailleurs, je rappelle que les crimes de guerre qui, on le sait, impliquent des viols en série, des assassinats, des meurtres, entre autres, font l’objet d’une prescription de trente ans. De plus, il faut bien se poser cette question : après tant d’années, quelle pourrait être l’issue d’un procès ? Bien sûr, on pourrait retrouver des preuves. La modernisation des méthodes d’investigation, notamment sur la base de l’ADN, a permis des avancées considérables. Toutefois, après un tel laps de temps, les auteurs de l’infraction peuvent soit être décédés, soit avoir refa...

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

...hez 42, 8 % des femmes et 33, 3 % des hommes, la conscientisation des agressions est apparue après l’âge de trente-huit ans. Dans plus de 90 % des cas, la possibilité de parler des faits n’est survenue qu’après un travail thérapeutique de réparation et au-delà des trente-huit ans. Cet âge de conscientisation tardif a pour conséquence d’empêcher la victime d’obtenir réparation, puisque le délai de prescription est écoulé. Les délais de prescription actuels sont donc inadaptés. Partant de ce constat, je soutiens, à titre personnel, l’esprit de la proposition de loi déposée par mes collègues Muguette Dini et Chantal Jouanno visant à reporter le point de départ du délai de la prescription à partir du moment où la victime est en mesure de révéler l’infraction dont elle a été victime. Bien entendu, je sui...

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

La question des délais de prescription, voire de l’imprescriptibilité, est complexe. Le débat que nous tenons cet après-midi le prouve. Monsieur le rapporteur, vous allez nous présenter des amendements dont l’adoption, selon vous, permettrait de sécuriser les dispositions juridiques de la présente proposition de loi et constituerait un premier pas vers une meilleure législation en faveur de toutes les victimes de ces drames avant le d...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach, rapporteur :

...diqué lors de mon intervention au cours de la discussion générale, j’ai recherché une solution juridique qui, si elle ne va pas aussi loin que l’auraient souhaité les auteurs de la proposition de loi, puisse tout de même être considérée – Jean-Pierre Michel l’a relevé – comme un premier pas. Cet amendement vise donc à modifier l’article 7 du code de procédure pénale pour faire passer le délai de prescription du viol sur mineur de vingt à trente ans. Cette solution permettra de couvrir nombre des cas dont a fait état Mme Dini. Les médecins que j’ai eu l’occasion d’auditionner m’ont tous confirmé que la révélation des faits intervenait souvent autour de la quarantaine. Or ce nouveau délai permettra à la victime de déposer plainte jusqu’à l’âge de quarante-huit ans. Cette durée de trente ans n’est pas...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach, rapporteur :

...is, si nous ne sommes pas attentifs, nous encourrons sa censure, comme ce fut le cas du dispositif mis en place pour lutter contre le harcèlement sexuel, annulé par les Sages à l’occasion de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité. Madame Dini, madame Jouanno, si votre proposition de loi était adoptée en l’état, aux termes de l’article 1er, confirmé par l’article 2, le délai de prescription ne courrait plus à compter de la majorité de la victime. Or, s’il était saisi, le Conseil constitutionnel n’annulerait que l’article 3. Nous nous retrouverions donc dans une situation – le point de départ du délai n’étant plus fixé à la majorité de la victime et votre dispositif ayant été censuré – antérieure à celle de 1986. Quel retour en arrière considérable ! Nous devons par conséquent être ...

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

...on, même si elle n’est pas aussi complète que celle que j’aurais souhaitée, mais vous mettez en avant les risques d’inconstitutionnalité. Il est certain que, si le texte d’origine proposé par Chantal Jouanno et moi-même devait être rejeté, nous prendrions le risque de n’avoir rien du tout, alors que notre souci est d’aider les victimes à pouvoir s’exprimer. L’allongement de dix ans des délais de prescription, puisque les deux amendements peuvent être traités ensemble, est un progrès, auquel, j’en suis sûre, les personnes concernées seront sensibles. Vous avez parlé d’« imprescriptibilité », monsieur le rapporteur. J’ai trop de respect pour les personnes victimes de crimes contre l’humanité pour souhaiter que l’on puisse prononcer ce mot s’agissant des situations que nous évoquons. Je rappellerai sim...

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

...s déposés par M. le rapporteur. En effet, ils ne répondent pas au problème soulevé en commission des lois lors de l’examen du texte dans sa version initiale, émanant notamment de Muguette Dini. En réalité, ces amendements vont à l’encontre des principes dont nous nous targuons souvent en séance, et qui font l’unanimité au sein de la commission des lois, selon lesquels l’allongement des délais de prescription pour tous ne se justifie pas en soi. Ces amendements, s’ils sont adoptés, concerneront tous les mineurs, indépendamment du traumatisme qu’ils ont connu, et qui fut à l’origine du dépôt de la proposition de loi. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que ces amendements tendent à complètement changer l’optique de la proposition de loi dans sa version initiale. Bien sûr, cette ...

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

...ela, je rejoins tout à fait les propos tenus à l’instant par Cécile Cukierman. Je dirai même que les amendements déposés posent plus de problèmes qu’ils n’en règlent, en nous obligeant à changer de logique, ce qui n’était pas dans l’esprit des rédacteurs et cosignataires de la proposition de loi, dont je suis. Pour autant, mes chers collègues, peut-on prendre le risque de ne pas voir un délai de prescription allongé de dix ans pour les victimes qui en ont besoin ? Tout cela, madame la secrétaire d’État, mérite une réflexion très approfondie. Voilà sept ans que je suis sénateur. C’est au forceps que nous avons réussi à modifier quelques dispositions relatives à la prescription, dans la loi sur la presse, par exemple. Bien sûr, je ne parle pas des dispositions qui ont trait aux abus de biens sociaux, ...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

...nt, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, le groupe écologiste est opposé depuis longtemps à l’instauration d’un droit qui soit toujours plus un droit d’exception, et ce en quelque domaine que ce soit. En l’occurrence, nous avons l’impression, avec ce texte, que l’on attend de la teneur des peines et des nouveaux délais de prescription qu’ils empêchent les prédateurs d’agir. Nous le voyons bien, les discussions sur cette proposition de loi ont été nombreuses au sein des groupes. C’est aussi le cas pour les écologistes. Des échanges ont eu lieu avec les personnes du parti compétentes en la matière et au sein du groupe écologiste au Sénat. Jean Desessard était partisan de voter pour, les autres membres ont décidé de s’abstenir. ...