Interventions sur "viol"

19 interventions trouvées.

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

...s sa version initiale. Pour mieux vous faire comprendre, chers collègues, le sens de ma proposition de loi, je vais vous lire le témoignage de deux victimes, et je vous demande toute votre attention. Le premier témoignage est celui d’Ariane, haut fonctionnaire dans un ministère et présente cet après-midi dans les tribunes. Ce qu’elle raconte des événements survenus dans sa petite enfance est si violent que je n’ai pas souhaité vous en donner lecture. Il faut seulement savoir que ces événements sont confirmés par des mentions dans son carnet de santé et des précisions apportées par sa mère. Je tiens, en revanche, à lui donner la parole concernant son père : « Il m’a violée entre huit et onze ans et demi. Ça s’est arrêté parce qu’à partir de ce moment-là, j’aurais pu me retrouver enceinte. À ...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la présente proposition de loi, déposée par Mmes Dini et Jouanno, tend à modifier le délai de prescription de l’action publique pour les agressions sexuelles. Nos deux collègues partent du constat que ces délais de prescription applicables aux violences sexuelles sont inadaptés, et l’on ne peut qu’être touché par la force des arguments employés par Mme Dini dans sa belle démonstration. Elles nous proposent donc de replacer la victime au centre du dispositif et de ne faire courir le délai de prescription des viols et des agressions sexuelles aggravées qu’à compter du moment où la victime est en mesure de révéler l’infraction. En cela, le di...

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

...ous avez, madame Dini, fort bien illustré dans votre propos. La mesure proposée est louable dès lors qu’elle a pour objet de mieux protéger les victimes d’agressions sexuelles et, surtout, de leur permettre de mieux faire valoir leurs droits. La question soulevée par les auteurs de la proposition de loi, extrêmement importante, fait écho à des situations très douloureuses : pour les victimes de violences sexuelles, en effet, la douleur est imprescriptible. Cependant, madame Dini, votre texte pose plusieurs difficultés sur le plan technique et, surtout, se heurte à un grave problème de constitutionnalité. C’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable dans sa rédaction actuelle. L’article 3 de la proposition de loi vise à insérer un article 8-1 dans le code de procédure pénale. Aux termes...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

...minons cet après-midi, en première lecture, la proposition de loi présentée par Muguette Dini et Chantal Jouanno visant à modifier le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles. Ces quelques mots suffisent à laisser entrevoir la difficulté de la question qui nous est soumise. En effet, nous parlons des victimes féminines et masculines d’agressions sexuelles, notamment de viols ; l’extrême gravité de ces infractions est aujourd’hui unanimement reconnue et le législateur comme l’ensemble de la société doivent s’assurer qu’elles sont lourdement sanctionnées. En préambule, je veux assurer de mon amitié mes collègues qui sont à l’origine de la proposition de loi, et saluer le courage dont elles ont fait preuve en se saisissant d’une question aussi sensible que douloureuse...

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

... ? Certains ont mis des années à réaliser leur drame, parfois occulté dans l’enfance. Cette amnésie paralysant la parole se rompt un jour, bien souvent pour une raison inexplicable. Ces souvenirs, ou plutôt ces cauchemars, jaillissent brusquement dans leur mémoire et reviennent les hanter. Mais il est trop tard ! À l’automne 2013, le cas de Cécile T. avait ému la France entière. Cette victime de viols présumés n’était sortie de l’amnésie dans laquelle elle s’était enfermée qu’après trente-deux ans de thérapie. Son cas avait suscité tant de débats que la Cour de cassation avait été sollicitée. La plus haute instance judiciaire avait cependant refusé de repousser le délai de prescription en matière de crime sexuel. Je souhaite faire un bref rappel des fondements de la prescription dans notre é...

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

...e nécessaire d’en avoir conscience et connaissance pour jouer notre rôle de responsables politiques. À l’occasion de la préparation de mon rapport sur l’hypersexualisation des enfants, j’avais été choquée par les chiffres que j’ai découverts, et par la déliquescence de notre relation à la sexualité. Ainsi, 82 % des enfants âgés de onze à treize ans ont été confrontés à des images pornographiques violentes ; or entre 50 % et 80 % des agresseurs adultes commencent à commettre des infractions à l’adolescence. Ce sont là de véritables motifs d’inquiétude. Mon collègue Jean-Pierre Godefroy et moi-même avions également été choqués, lors de notre travail sur la prostitution, par l’acceptation, la tolérance dont fait preuve notre société à l’égard des violences que subissent les personnes prostituée...

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

Certes, mais les lobbies sécuritaires sont là ! Quand sont en cause plusieurs milliers de cas, il s’agit non pas de faits divers, mais d’un fait de société. Cela étant, nous devons évoluer parce que nos connaissances ont progressé. La réalité des viols est mieux documentée et révélée. L’amnésie post-traumatique ne cesse pas en fonction de la loi ; elle peut prendre fin après le délai de prescription. Oui, le délai de prescription est nécessaire à notre société pour sa stabilité, pour le droit à l’oubli et, surtout, au pardon. Mais quand l’amnésie prend fin, la victime se retrouve à la case départ, c'est-à-dire très exactement dans la peau de...

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de saluer le travail de Muguette Dini qui, loin de chercher à mener une politique d’affichage, a fait, avec d’autres élus, de la lutte contre les violences sexuelles un combat. Le texte qui nous est proposé pose une véritable question. En effet, son analyse nous a conduits à reconnaître les réelles difficultés d’application du régime de prescription en matière d’infractions sexuelles. Mais, en poussant l’analyse un peu plus loin, nous avons aussi constaté que les difficultés liées à la prescription en matière pénale dépassent les cas d’infract...

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

...présent texte. Comment ne pas laisser les infractions sexuelles tomber dans l’oubli et se banaliser ? Telle est la véritable question qui se pose. La modification des règles de prescription n’est manifestement pas une réponse adaptée à la nature des agressions sexuelles. Alors que le sujet restait tabou pour les générations précédentes, des études attestent que « la reconnaissance sociale de ces violences contribue à une modification du seuil de rejet à l’égard des agressions sexuelles. » Toutefois, aujourd’hui encore, seule une minorité des infractions sexuelles – probablement les plus graves – est portée à la connaissance des autorités. Une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montre que seuls 11 % des femmes et 2 % des hommes ont porté plainte pour ...

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

...ouissent ce qui s’est passé au fond d’elles-mêmes et le nient. Peut-être s’agit-il pour elles de se reconstruire. Hélas, elles mènent souvent une vie chaotique, parfois faite d’addictions. Dans certains cas, il faut attendre une analyse, une psychanalyse, voire des séances d’hypnose pour que l’horrible souvenir resurgisse tout d’un coup. En cet instant, la victime est en quelque sorte atteinte ou violée une seconde fois. C’est ce qu’expliquent les psychiatres et les médecins spécialistes de ces questions. Ce moment peut bien entendu survenir après l’âge de trente-huit ans qui, en l’état actuel, marque la limite de la prescription. C’est la raison pour laquelle nos collègues ont déposé la proposition de loi qui nous est soumise. J’en suis certain, nous toutes, nous tous dans cet hémicycle sou...

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Les actes en question ont été occultés ou dissimulés par la victime elle-même. Longtemps, elle n’a pu s’exprimer. Puis, un beau jour, la vérité a éclaté, la victime a pu parler ! En la matière, comparaison n’est pas raison. Par ailleurs, je rappelle que les crimes de guerre qui, on le sait, impliquent des viols en série, des assassinats, des meurtres, entre autres, font l’objet d’une prescription de trente ans. De plus, il faut bien se poser cette question : après tant d’années, quelle pourrait être l’issue d’un procès ? Bien sûr, on pourrait retrouver des preuves. La modernisation des méthodes d’investigation, notamment sur la base de l’ADN, a permis des avancées considérables. Toutefois, après un t...

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la forte prévalence au sein de la société française des violences sexuelles est inacceptable. Parce qu’elles atteignent la victime dans son intimité, les violences sexuelles diffèrent des autres types de violences et justifient la mise en place de dispositifs spécifiques de prise en charge et d’accompagnement des victimes. Je rappellerai que l’INSEE et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ont mené une enquête conjointe auprès...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach, rapporteur :

...n intervention au cours de la discussion générale, j’ai recherché une solution juridique qui, si elle ne va pas aussi loin que l’auraient souhaité les auteurs de la proposition de loi, puisse tout de même être considérée – Jean-Pierre Michel l’a relevé – comme un premier pas. Cet amendement vise donc à modifier l’article 7 du code de procédure pénale pour faire passer le délai de prescription du viol sur mineur de vingt à trente ans. Cette solution permettra de couvrir nombre des cas dont a fait état Mme Dini. Les médecins que j’ai eu l’occasion d’auditionner m’ont tous confirmé que la révélation des faits intervenait souvent autour de la quarantaine. Or ce nouveau délai permettra à la victime de déposer plainte jusqu’à l’âge de quarante-huit ans. Cette durée de trente ans n’est pas excepti...

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

...crimes dont nous débattons : les personnes victimes d’agression sexuelle se sont vu retirer une partie de leur humanité ; les personnes victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, quant à elles, se sont souvent vu retirer leur humanité avant de se voir retirer leur vie. Je n’irai pas plus loin, car j’ai bien compris que l’on ne pouvait prévoir cette même imprescriptibilité pour les violences sexuelles. Pour conclure, je tiens à remercier M. le rapporteur ; il a, je dois le dire, compris très rapidement l’importance du texte qui lui était soumis. Les auditions qu’il a menées ont, je le crois, contribué à l’éclairer et à le convaincre. Je remercie également tous les sénateurs cosignataires de ce texte, ainsi que ceux qui m’ont écrit pour me témoigner de leur soutien. Il s’agit d...

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

...été souligné, aboutissaient à priver les victimes de garanties contenues dans la procédure actuellement en vigueur. Mais nous aurions pu discuter de tout cela et retravailler le texte. Avec cette proposition de loi, je vous le redis ici, madame Dini, vous posiez une vraie question, qui disparaîtra de la version finale du texte si ces amendements sont adoptés. En effet, l’agression sexuelle ou le viol, perpétrés sur une personne mineure ou sur une personne majeure, peuvent entraîner un tel traumatisme, un tel questionnement sur ce qu’est réellement cet acte – ou sur ce qu’il n’est pas –, qu’il est nécessaire de s’interroger sur le moment à partir duquel le délai de prescription doit courir. Je ne reviendrai pas sur la situation des mineurs, sur leur souffrance, que tout le monde reconnaît. Pr...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

...scussions sur cette proposition de loi ont été nombreuses au sein des groupes. C’est aussi le cas pour les écologistes. Des échanges ont eu lieu avec les personnes du parti compétentes en la matière et au sein du groupe écologiste au Sénat. Jean Desessard était partisan de voter pour, les autres membres ont décidé de s’abstenir. Toutefois, et nous le voyons bien, nous sommes désarçonnés face aux violences sexuelles et aux questions qu’elles soulèvent. Si les amendements qui nous sont soumis ici ont le mérite de rendre le dispositif juridiquement plus « acceptable », leur adoption aurait pour conséquence de déroger un peu plus encore aux principes généraux qui régissent la prescription de l’action publique en matière pénale. Elle créerait une distinction difficilement justifiable entre victim...

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

Mon explication de vote vaudra pour l’ensemble du texte. Madame la secrétaire d’État, notre proposition de loi s’inscrit dans le cadre d’un plan plus général sur les violences sexuelles, plan qui vous sera bientôt présenté. Comme l’a rappelé Mme Dini, nous travaillons avec l’association « Stop aux violences sexuelles ». Nous voulons éradiquer le phénomène, qui peut être considéré comme une forme d’épidémie, en traitant aussi bien les agresseurs que les victimes. Monsieur le rapporteur, je ne voterai pas contre vos amendements. D’une part, ils sont empreints de bo...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach, rapporteur :

...au texte législatif. J’espère que cela sera rapidement inscrit à l’ordre du jour ; encore faut-il que le Gouvernement en ait la volonté. De toute manière, une discussion sur les délais de prescription pour les différents délits et crimes, en intégrant la question du point de départ et celle de la durée, sera tôt ou tard nécessaire. Mais nous sommes aujourd'hui saisis d’un sujet précis, celui des violences sexuelles, en particulier sur les personnes mineures. Madame Cukierman, j’ai centré mon propos sur ce dernier aspect, car c’est principalement sur ce point que mon attention a été attirée lors des auditions que j’ai menées. La présente proposition de loi n’a pas forcément vocation à traiter de l’ensemble des violences faites aux mineurs, aux femmes, voire aux hommes. D’ailleurs, le Gouverne...

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Je remercie les auteurs de la proposition de loi que nous examinons. Mmes Dini et Jouanno nous obligent en effet à regarder en face la situation, le plus souvent de femmes, mais également parfois d’hommes, ayant vécu l’insoutenable, l’indicible : un viol ou une agression sexuelle. Je salue leur détermination, ainsi que la pudeur avec laquelle elles nous ont invités à la réflexion et rappelé la nécessité, au regard de la législation actuelle, d’être forces de propositions. Nos collègues nous interpellent sur une question juridique, le délai de prescription, en décrivant avec humanité les conséquences des viols ou des agressions sexuelles, ce que...