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Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, adoptée en novembre 1992 et signée le 7 mai 1999 par le gouvernement français, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires fait depuis lors l’objet d’une longue saga juridico-politique, qui porte sur sa ratification. Cela fait maintenant plus de seize ans que nous assistons à des tentatives, à des renoncements, à des revirements.
Il est donc urgent d’agir aujourd'hui en faveur de la protection de nos langues régionales, qui sont partie intégrante de notre patrimoine culturel et républicain. Non, il ne s’agit pas, au travers de la ratification de la charte, de constitutionnaliser, comme j’ai pu l’entendre ou le lire, des droits collectifs au profit de groupes déterminés, en bafouant l’article 2 de la Constitution et le caractère indivisible de notre République. Non ! Mes chers collègues, cet argument n’est pas recevable, pour la simple et bonne raison que la charte entend tout simplement protéger des droits objectifs, l’apprentissage des langues, ...
Oui, pour que la charte soit ratifiée, il faut une modification de la Constitution. Pour autant, la seule argumentation juridique doit-elle justifier l’inaction ? Mes chers collègues, ne rien faire n’est pas acceptable ! Soyons axurits, aurait dit Christian Bourquin, c’est-à-dire tout à la fois innovants, stratégiques et débrouillards. Montrons notre envie de travailler sur ce texte. Nous sommes le pouvoir const...
...itoyenneté et dans le développement culturel de ces enfants et de ces jeunes. C’est bien un atout pour notre République, non une menace ! Maîtriser une langue régionale – en plus du français, notre langue officielle –, c’est assurément donner une assise culturelle inestimable, un bagage pour l’avenir. Pourquoi ne pas regarder ce qui se fait chez nos voisins ? Déjà vingt-cinq pays ont ratifié la charte, et son application n’a posé aucun problème, notamment en Allemagne, en Norvège ou encore aux Pays-Bas. Or il s’agit bien de nations qui, comme la France, possèdent des régions à forte identité, avec des langues régionales largement usitées, sans jamais que celles-ci remettent en cause la langue nationale ! Mes chers collègues, ce débat autour des langues régionales est animé. C’est bien normal,...
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je me placerai sur un terrain exclusivement juridique, puisqu’il est question d’un projet de loi constitutionnelle, qui a pour but de permettre l’introduction d’un traité dans l’ordre juridique français. Mon propos s’articulera autour de trois axes : l’origine de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, tout d’abord, la genèse de ce projet de loi constitutionnelle, ensuite, l’état du droit constitutionnel actuel en matière de langues régionales ou minoritaires, enfin. Premièrement, d’où vient cette charte ? Vous le savez, le Conseil de l’Europe est une machine à fabriquer des traités – c’est sa mission –, qu’il soumet à la ratification aux État...
...cune raison qu’elle varie, puisque le texte n’a pas changé d’un iota. Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Troisièmement, qu’en est-il du droit français actuel ? Ce projet de loi constitutionnelle pose deux problèmes juridiques majeurs. En premier lieu, ce texte pose un problème de droit international public. En effet, un traité ne peut être modifié par un État que sous la forme de réserves. La charte ne prévoyant rien de tel, le pouvoir exécutif a élaboré une déclaration interprétative. Or une déclaration interprétative, dans un traité qui ne permet pas de réserve, ne peut pas être une réserve : elle reste une déclaration interprétative qui ne s’oppose à personne, à aucun État partie !
...son inconstitutionnalité et celle que la Cour de cassation avait déclarée inapplicable en la jugeant contraire à un traité. Autrement dit, pour la Cour de cassation et pour de nombreux juges français, un traité est supérieur à la Constitution. Vouloir ériger un barrage de papier entre ce traité et la Constitution ne servira à rien, car le juge français pourra, lorsqu’il le souhaitera, imposer la charte en question, en intégralité ou en partie, notamment son préambule, à tous ceux qui voudront s’y opposer.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis très heureux de prendre la parole devant vous à l’occasion de l’examen du projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, au nom des 2 millions de créolophones que compte la République et des peuples autochtones dont la langue était celle de leur territoire avant l’arrivée des Européens. Je pense en particulier aux Kanaks de Nouvelle-Calédonie et aux Amérindiens de la Guyane. À la veille de la journée internationale de la langue et de la culture créoles, je suis he...
...l’autre. Il est une manière de dire que l’égalité n’est pas l’uniformité. Il est une façon d’affirmer que le combat pour la reconnaissance des spécificités n’est en aucune façon exclusif de l’ouverture à l’autre. Se battre pour défendre son identité, ce n’est pas rejeter l’autre, c’est au contraire le reconnaître dans la richesse de son altérité. La France doit donc s’honorer d’avoir signé cette charte en 1999 et elle doit désormais avancer sur la voie de sa ratification. C’est une question de principe. La France est une République décentralisée. Elle reconnaît en son sein des territoires et des peuples.
Nous en discuterons plus tard si vous le souhaitez, monsieur le rapporteur ! La France doit assumer sa dimension territorialisée en respectant et en promouvant les langues qui sont pratiquées et plus encore en étant active dans leur préservation et leur transmission. Cette charte s’inscrit également dans le droit fil de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui comporte un engagement à respecter la diversité linguistique. Dès lors, comment imaginer que nous pourrions être signataires de la Charte des droits fondamentaux tout en renonçant à ratifier celle des langues régionales ? Alors que 25 pays ont déjà ratifié la Charte européenne des langues régiona...
...ard. On revient de loin ! Une autre satisfaction est le constat que l’école primaire, dont l’alsacien et l’allemand étaient exclus dans ma jeunesse, est devenue l’école la plus bilingue de France, puisque 17 % des écoliers suivent un cursus paritaire français allemand. Compte tenu de ce que je viens de décrire, beaucoup d’Alsaciens, dont moi-même, suivent avec attention le lent cheminement de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires depuis son élaboration en 1992. À vrai dire, les militants de l’identité alsacienne vont de déception en déception : déception quand le gouvernement Jospin n’a accepté que 39 engagements concrets sur les 98 recensés par le traité ; déception au vu de la déclaration interprétative du 7 mai 1999 accompagnant la signature du traité par ce même gouve...
C’est ainsi que, en Alsace, nous avons pris en 2014 une initiative originale : une « charte régionalisée », rédigée par l’association Culture et bilinguisme d’Alsace-Moselle, est proposée à toutes les collectivités locales. Elle reprend la Charte européenne, mais en supprimant tout ce qui concerne l’État. Les collectivités locales sont invitées à choisir 35 des engagements énumérés. Le conseil régional, les deux départements, ainsi que de nombreuses communes, ont d’ores et déjà adhéré à...
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la signature de la charte en 1999 a été une véritable avancée. Les raisons, nous les connaissons, ne concernaient pas forcément notre pays. En tout cas, le principe retenu était de faire vivre le patrimoine culturel. Depuis la signature de ce texte, des dispositions d’une réelle importance ont été prises. Par l’État, tout d’abord, particulièrement en matière d’enseignement. Un grand changement s’est opéré, notamment au ...
...illes pierres – passez-moi l’expression –, mais d’un patrimoine vivant, qui est actuellement conservé et transmis par des couches de la société en pleine et très rapide évolution. Les locuteurs classiques, le plus souvent ruraux et âgés, doivent être remplacés par les nouvelles générations, en s’appuyant, je le redis, sur deux actions indissociables : la formation et les usages. Si adopter cette charte ne produirait aucun effet concret, ou presque, ne pas en discuter serait un signal négatif fort et constituerait une importante régression. Cela me paraît totalement inopportun, à l’heure où la tendance est plutôt à l’affaiblissement de nos langues régionales et de la culture qui va avec elles. Tous les acteurs nous regardent, et le refus de débattre de ce projet de loi constitutionnelle serait l...
...’est donc une question d’incompatibilité dans notre ordre juridique interne qui est soulevée par la majorité sénatoriale et qui a entraîné le dépôt de la motion de rejet que nous nous apprêtons à discuter. Je ferai tout d’abord remarquer l’incertitude juridique dans laquelle nous nous trouvons. Les constitutionnalistes et experts consultés expriment des avis différents sur la compatibilité de la charte avec notre ordre juridique national. Certains mobilisent l’avis négatif du Conseil d’État ou la décision rendue en 1999 par le Conseil constitutionnel, quand d’autres invoquent le rapport Carcassonne de 1998, pour ne prendre que ces exemples. Bref, nous sommes loin de l’unanimité ! La déclaration interprétative existante permet pourtant de disposer d’un certain nombre d’assurances. Tout d’abord...
...nfortable pour certains de ne pas aller au bout de ce débat qui les divise, a fortiori à quelques semaines des élections régionales. Le repousser une nouvelle fois, quand la possibilité de le trancher au fond nous est offerte, me semble parfaitement inepte. Le refuser revient, tout en prétendant admettre l’existence des langues régionales, à minoriser leur pratique dans nos territoires. La Charte européenne qu’il nous est proposé de ratifier ne retire de droits à personne ; elle reconnaît simplement un fait.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, élaborée au sein du Conseil de l’Europe après la chute du mur de Berlin, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a été ouverte à la signature à Strasbourg le 5 novembre 1992. Ce texte doit être resitué dans son contexte, celui de la fin du bloc soviétique et de la reconstitution des États d’Europe de l’Est, à l’intérieur desquels vivent de nombreuses et anciennes minorités nationales, comme la minorité hongroise en Roumanie. C’est la question légitime de l...
Ne nous y trompons pas : la défense et la promotion des langues régionales n’exigent en rien la ratification de la Charte européenne ! Par ailleurs, madame la ministre, nous ne vous avons pas attendue pour exprimer notre profond intérêt pour la valorisation des langues régionales en France : la plupart des dispositifs autorisant l’emploi des langues régionales ou favorisant leur préservation ont été mis en place par des gouvernements de droite et de gauche. Je pense notamment à la loi Haby du 11 juillet 1975, sous ...
...arisés dans les écoles associatives calandretas ; d’autres sont scolarisés dans les sections bilingues de l’enseignement public ; quelque 9 800 élèves au total sont sensibilisés, en maternelle et en primaire, à la langue régionale. Au total, ce sont quelque 52 % des petits Aveyronnais qui reçoivent une éducation à la langue et à la culture régionales dans mon département, alors même que la Charte européenne n’est pas ratifiée. A-t-on vraiment besoin de cette dernière pour promouvoir les langues régionales ? Je souhaiterais que tous ceux qui ergotent longuement sur la Charte européenne et qui sont détenteurs d’un mandat exécutif local accomplissent le même travail que nous en faveur des langues régionales !
...el public, France 3, malgré les heures d’expression en langues régionales qui ont été mentionnées, a tendance à réduire le temps d’expression dévolu à ces langues dans ses programmes. La proposition de loi que nous avons déposée suffit à lever ces deux obstacles et ouvre d’autres pistes, comme des modules de formation au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE. La Charte européenne visait surtout à répondre aux problèmes que rencontraient les minorités linguistiques dans les pays d’Europe centrale et orientale après l’effondrement du communisme. De grâce, ne l’utilisons pas pour pallier des problèmes que nous pouvons régler avec notre propre système législatif ! Encore une fois, non seulement la ratification de la Charte européenne n’apporte rien par rapport à l...