Interventions sur "délit d'entrave"

15 interventions trouvées.

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur pour avis :

La loi de 1975 a créé au profit des femmes le droit de recourir ou non à une interruption volontaire de grossesse (IVG), dans un cadre défini par la loi. Très vite, néanmoins, s'est posée la question de l'effectivité de ce droit. Dès 1993, le délit d'entrave a été créé, puis modifié en 2001 et 2014. Le délit d'entrave à l'IVG n'est donc pas une création. Le texte de l'Assemblée nationale vise à le modifier, en l'étendant aux publications sur Internet. Dans l'état actuel du droit, ce délit se caractérise par le fait qu'il doit être localisé à l'intérieur des établissements pratiquant l'IVG. Deux hypothèses sont retenues pour l'entrave. La première su...

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

Je suis d'accord avec le rapporteur, dont les conclusions sont juridiquement très solides. Mais nous sommes dans un débat abstrait puisque, depuis l'adoption par la commission des affaires sociales de son texte, le texte de l'Assemblée nationale n'existe plus. La manière dont le législateur s'est attaqué au problème depuis la loi Neiertz me paraît farfelue. Le délit d'entrave appartient au droit pénal du travail.

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

... on l'a bricolé pour l'y adapter, et voilà que l'Assemblée nationale veut l'élargir à tous les moyens de communication. C'est tout-à-fait inconstitutionnel et non conventionnel. La CEDH s'est d'ailleurs déjà prononcée sur des cas précis, et la Roumanie a été condamnée. Nous subirions le même sort. Cela dit, le texte de la commission des affaires sociales est vidé de toute substance. La notion de délit d'entrave est un mauvais outil juridique. J'ai observé depuis longtemps qu'en matière de communication, le droit civil était plus efficace que le droit pénal.

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

...n des affaires sociales a adopté son texte et c'est ce texte qui sera débattu en séance, et sur lequel j'aimerais connaître l'avis de notre rapporteur. Certes, il n'est pas parfait, mais il évite le risque de censure du Conseil constitutionnel - ce ne sont pas les mots « par tout moyen » qui la motiveront - tout en traitant d'Internet et de tous autres supports de désinformation. Pour l'heure, le délit d'entrave suppose un contact physique. Il faut intégrer les contacts téléphoniques, ou électroniques. Bref, cette solution de compromis me paraît constructive, quitte à poursuivre ensuite la réflexion. Nous la soutenons. Qu'en pense le rapporteur ? La solution de Mme Gatel suppose que des femmes en détresse engagent des procédures civiles pour obtenir réparation... Ce n'est pas réaliste.

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur pour avis :

...crètes et pratiques, notamment en explorant la voie civile. Je pense en particulier à la jurisprudence qui a suivi la loi sur la presse de 1881. Comme le soulignent MM. Portelli et Kaltenbach, nous débattons du texte de la commission des affaires sociales. Nos collègues ont modifié le troisième alinéa de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, et celui-là seulement. Jusqu'à présent, le délit d'entrave à l'information sur l'IVG n'est applicable que dans les établissements pratiquant l'IVG. Deux changements essentiels ont été apportés. Premièrement, la commission des affaires sociales a choisi de mentionner les entraves exercées « par tout moyen » ; cette formule est juridiquement inopérante. Deuxièmement, nos collègues prennent en compte non plus les seules femmes qui cherchent à s'informer su...

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Les sites que nous condamnons attirent le chaland, la pression morale s'exerce dans un second temps, une fois que la personne a communiqué ses coordonnées. Malheureusement, dans le droit en vigueur, le délit d'entrave ne peut être constaté que dans le lieu physique où l'avortement est pratiqué. En sanctionnant les pressions exercées par téléphone ou par courriel, l'amendement de notre collègue Stéphanie Riocreux règle ce problème. Pour traiter la question dans son ensemble, je suggère que notre commission constitue une mission d'information sur les moyens de lutter contre la mauvaise information en matière de ...

Photo de Stéphanie RiocreuxStéphanie Riocreux, rapporteure :

...pour des raisons de procédure. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte. Le contexte pré-électoral a pu contribuer à tendre les débats dans les médias, puis à l'Assemblée nationale. La présente proposition de loi a pourtant un périmètre limité. Elle comporte un seul article. Son objet est de compléter, pour l'adapter à l'évolution de notre société, la disposition relative au délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), créé par la loi du 27 janvier 1993. Afin de garantir aux femmes l'accès à ce droit fondamental, le cadre du délit d'entrave a évolué. Il a été renforcé par la loi du 4 juillet 2001, qui a ajouté la notion de pressions morales et psychologiques aux menaces et actes d'intimidation sanctionnés dès 1993 et en a alourdi la sanction. Il a été élargi par...

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur pour avis :

...endrai à des considérations d'ordre juridique. C'est la raison de la saisine pour avis de la commission des lois. La loi de 1975 a créé un droit individuel pour les femmes : la liberté de recourir ou non à l'IVG, dans des conditions clairement définies. Immédiatement, on a pu constater qu'il était difficile de rendre ce droit effectif. Il a fallu que la législation aille plus loin et, en 1993, le délit d'entrave à l'IVG a été créé ; il a été revu en 2001 et 2014. Ce délit se caractérise par le fait que sa commission intervient en lien avec un établissement pratiquant l'IVG, par exemple des manifestations devant la porte d'entrée, empêchant les femmes d'accéder au service dans lequel elles se rendent. Par la suite, la définition a été élargie pour tenir compte des pressions morales ou psychologiques exe...

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Je remercie les rapporteurs. Personne, ici, ne souhaite limiter la liberté d'expression. Certains sont hostiles à l'IVG : personne ne leur conteste ce droit, ni celui d'exprimer leur point de vue. Le délit d'entrave à l'IVG n'est pas un problème abstrait. Les femmes qui y sont confrontées souffrent aussi, souvent, d'une situation de fragilité économique, psychologique et familiale. Elles sont souvent très isolées, de sorte qu'elles n'ont pas accès à l'information, ni au réseau qui aurait pu les aider. J'ai consulté les sites dont nous parlons. Tout dans leur présentation laisse à penser qu'il s'agit de sites...

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Ne doit-on pas cependant considérer qu'elle en a, dès lors qu'on pervertit l'information en son nom ? C'est une chose de s'exprimer au nom d'une croyance religieuse. C'en est une autre de subtiliser le formatage de sites officiels pour diffuser ses idées. N'est-ce pas là ce qui définit le délit d'entrave ?

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Je m'associe à mes collègues pour remercier les rapporteurs. La question de l'extension du délit d'entrave est apparue en septembre dernier lors de l'examen du projet de loi Égalité et citoyenneté par la commission spéciale, au détour d'un amendement que le Gouvernement a déposé par voie électronique, sans aucun contact direct avec la commission ni aucune explication. Le Gouvernement a invoqué « un phénomène grave en termes d'atteinte au droit » ainsi que des « conséquences quantitativement importante...

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

...s femmes. Je ne polémiquerai pas sur la manière dont l'examen de ce texte a été engagé et je ne suis pas loin de partager les propos du président Milon. En revanche, le constat est là : le développement des réseaux sociaux et de l'Internet sont une donnée supplémentaire par rapport à l'époque où la loi de Simone Veil a été adoptée. Des adaptations ont été réalisées depuis 1974, notamment sur le délit d'entrave. Nous devons désormais prendre en compte la donnée nouvelle que constituent les sites qui véhiculent des informations mensongères sans dévoiler leur positionnement. Les femmes qui les consultent risquent de perdre du temps dans l'application de leur droit à l'IVG. Ce qui est d'autant plus grave qu'on n'a pas particulièrement développé les centres d'IVG au cours des dix dernières années. Comment...

Photo de Stéphanie RiocreuxStéphanie Riocreux, rapporteure :

Il s'agit d'adapter le délit d'entrave, qui couvre déjà les pressions psychologiques sur les femmes souhaitant s'informer sur l'IVG, car pour cela celles-ci ne se rendent plus seulement dans les centres, elles vont aussi sur Internet - qui n'existait pas en 1993. Mon amendement prend en compte les risques d'inconstitutionnalité et de non-conventionalité. L'objectif est de pénaliser non l'expression d'une opinion, mais le fait d'exerce...

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Je suis stupéfaite par cette analyse et ne la partage aucunement. M. Mercier a bien distingué entre le délit d'entrave physique, déjà puni par la loi, et ce qui serait un délit d'allégations faussées ou mensongères, infraction d'une autre nature. On ne peut rapprocher les deux, et votre argumentation ne tient pas, car le délit que vous visez s'apparente à un délit d'opinion. S'il y a urgence, pourquoi nous demande-t-on d'attendre un texte en préparation sur la responsabilité civile ? Notre solution est conforme...

Photo de Stéphanie RiocreuxStéphanie Riocreux, rapporteure :

Précisément, je n'invente rien ! Quant à l'amendement COM-2 de Mme Jouanno, il crée un nouvel article du code de la santé publique pour étendre les sanctions prévues à l'article L. 2223-2 aux présentations faussées ou volontairement trompeuses sur l'IVG. Cela fait sortir du délit d'entrave la communication d'informations faussées ou susceptibles d'induire en erreur sur l'IVG - avec cependant les mêmes sanctions. Il paraît plutôt nécessaire de clarifier la rédaction du délit d'entrave. Retrait, ou avis défavorable.