Interventions sur "ordonnance"

21 interventions trouvées.

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Mes chers collègues, vous savez tous que, le 28 mai et le 3 juillet 2020, par deux décisions, le Conseil constitutionnel a considéré que des ordonnances non ratifiées, dès lors que la date prévue dans la loi d’habilitation était passée, se trouvaient mécaniquement dans la situation d’avoir valeur législative. Cela pose un problème considérable. En effet, vous le savez tous, mes chers collègues, le Congrès a décidé en 2008 de changer la Constitution, notamment son article 38, pour écrire noir sur blanc que la ratification des ordonnances ne pouv...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

… à un changement : nous allons vers un régime des ordonnances, parce que les dispositions législatives « adoptées », si l’on peut dire, par voie d’ordonnance sont plus nombreuses que celles qui le sont au sein de nos enceintes. Le rapport de M. Bas est extrêmement clair. Je remercie mon collègue d’avoir proposé d’aller plus loin. En effet, sous l’égide de M. Gérard Larcher, président du Sénat, un groupe de travail pluraliste s’est mis en place, qui a form...

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

...mande du Président de la République, le président du Sénat, après avoir réuni un groupe de travail pluraliste au sein de notre assemblée, a présenté quarante propositions de réformes constitutionnelles, parmi lesquelles, justement, celle qui est relative à l’article 38 de la Constitution. Il s’agit pour nous de préserver cette faculté donnée au Parlement d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi, et, dans le même mouvement, de nous assurer que ce dernier n’a pas fait un usage abusif de ces dispositions. Or que constatons-nous aujourd’hui sinon un développement presque exponentiel du recours aux lois d’habilitation ? Ce mouvement n’est certes pas le fait de cette seule mandature, mais il s’est encore amplifié sous celle-ci. Chaqu...

Photo de Dany WattebledDany Wattebled :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pratique des ordonnances dans notre République est devenue problématique, et cela pour deux raisons. La première, c’est que nous voyons le recours aux ordonnances s’intensifier depuis plusieurs décennies. De 1984 à 2007, on dénombrait 14 ordonnances par an. De 2007 à 2012, la moyenne annuelle a grimpé à 30, avant de presque doubler, atteignant 54 sous le dernier quinquennat. Entre 2017 et 2020, on en compte environ 64 ...

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier :

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Je ne crois pas une seule seconde à la réforme par ordonnances… » Voici ce qu’affirmait, en novembre 2016, dans une interview donnée au journal Le Monde, un certain Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle. Force est de reconnaître que cette conviction profonde du candidat devenu président s’est quelque peu étiolée au fur et à mesure de l’exercice du pouvoir, pour ne pas dire qu’elle a été totalement démentie…

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier :

En effet, l’usage que fait l’exécutif des ordonnances depuis maintenant quatre ans et demi interpelle, interroge et même inquiète. C’est d’autant plus manifeste que nous assistons depuis ce quinquennat à un double phénomène : d’une part, une prolifération excessive du nombre d’ordonnances – jamais sous la Ve République un président n’y aura tant recouru ! –, et, d’autre part, une raréfaction des procédures de ratification. Ce double phénomène touc...

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier :

Non, monsieur le ministre, ce faux argument ne masquera pas un fait connu de tous dans cette assemblée : le Gouvernement n’a rien à craindre d’une majorité en défaut de solidarité ou tentée par le désir d’obstruction. Il s’agit donc bel et bien d’une volonté de mettre hors-jeu le Parlement. De surcroît, la nature des ordonnances a profondément évolué depuis le début des années 2000 : les domaines visés sont de plus en plus divers et le champ d’application de plus en plus large, permettant de procéder à de véritables réformes de fond qui intéressent la société dans son ensemble. Cela m’amène à penser que nous sommes aujourd’hui très loin du caractère technique que les ordonnances revêtaient initialement, où l’on visait l...

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier :

...arisme exacerbé de la IIIe République. Sa réflexion s’est arrêtée sur un consensus simple : si le Parlement doit cesser « d’être la source d’où procèdent la politique et le gouvernement », il doit se concentrer sur la délibération, le vote des lois et le contrôle du ministère. Je vous le demande, monsieur le garde des sceaux : en est-il encore ainsi aujourd’hui, avec cette pratique excessive des ordonnances ? En d’autres termes, peut-on gouverner sans s’appliquer une double obligation, celle de convaincre sa majorité et celle de respecter l’opposition ? Fondamentalement, s’affranchir de cela, c’est manquer à un impératif premier, celui d’expliquer la conduite de l’action publique devant la représentation nationale. Au-delà de cette pratique abusive des ordonnances, comme l’a très bien souligné M. ...

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier :

Cela ne sera donc pas sans conséquence pour les requérants. À cet égard, je doute fort que la tentative du Conseil d’État d’établir, dans le nouveau cadre fixé par le Conseil constitutionnel, une règle de répartition des compétences entre le juge administratif et le juge constitutionnel, soit suffisante. Pour conclure, si nul ne peut nier que la procédure des ordonnances procure des avantages de rapidité et de technicité, si nul ne peut nier qu’elle est utile sous la Ve République, notamment en cas d’urgence, son utilisation doit demeurer exceptionnelle : il ne s’agit pas du mode normal pour fabriquer la loi. C’est la raison pour laquelle la modification de l’article 38 de la Constitution, que prévoit la proposition de loi constitutionnelle, complétée par les a...

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le sujet assez technique des ordonnances, des habilitations données au Gouvernement pour les prendre – parfois, du manque de loyauté de ce dernier au regard des habilitations qui lui ont été délivrées – ou encore de l’intégration des ordonnances dans notre hiérarchie normative est essentiel pour le bon fonctionnement de notre démocratie, cela a été rappelé. Le Sénat s’est emparé de la question en mettant en place une instance de suivi...

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis 1958 et plus particulièrement à l’occasion des deux dernières révisions constitutionnelles de 1995 et 2008, ma sensibilité politique a dénoncé l’impact négatif de la pratique des ordonnances sur le pouvoir du Parlement. Nous n’avons eu de cesse de demander l’abrogation de l’article 38 de la Constitution, qui organise ce transfert du pouvoir législatif vers le pouvoir exécutif. Aujourd’hui, peut-être trop tardivement, chacun l’admet : les ordonnances posent problème et mettent en cause le fonctionnement démocratique, équilibré, de nos institutions. Cette prise de conscience provient...

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Oui, monsieur le rapporteur, il fallait limiter le délai d’habilitation et vous l’avez fixé à douze mois. Il fallait établir la caducité totale d’une ratification expresse au bout de dix-huit mois ; c’est un élément très important et vous l’avez fait. Oui, il fallait raccrocher la pratique des ordonnances à la déclaration de politique générale originelle, mais le maintien de la référence floue au programme et l’accord d’exception, au nom de l’urgence, limitent tout de même un peu la volonté que vous affichez. Vous êtes bien placé, monsieur le rapporteur, pour savoir qu’au nom de l’urgence – l’état d’urgence actuel le montre – beaucoup de décisions peuvent être prises et introduites dans le droit...

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Le Parlement se trouva évidemment fort dépourvu quand l’ordonnance fut venue : pas un seul petit morceau de contrôle – ou presque !– ou de vérification. Les parlementaires peuvent toujours aller crier famine devant le Conseil constitutionnel, il n’en demeure pas moins que le résultat est là. Jamais trop prudent, le Sénat a, dans le cadre de la modification de son règlement, adopté une sorte de dôme de fer anti-ordonnances. Par une disposition validée le 1er jui...

Photo de Maryse CarrèreMaryse Carrère :

...me esprit et la même volonté de toujours renforcer les droits du Parlement qui ont guidé Jean-Pierre Sueur. Qu’il en soit remercié. Je salue son travail tout comme celui du rapporteur, Philippe Bas, qui ont permis d’aboutir à un texte équilibré et consensuel. Cette proposition de loi constitutionnelle fait suite aux décisions des 28 mai et 3 juillet 2020 du Conseil constitutionnel jugeant qu’une ordonnance non ratifiée pouvait acquérir rétroactivement valeur législative à compter de la fin du délai d’habilitation, à condition que le projet de loi de ratification ait été déposé dans le délai imparti. En conséquence, le dépôt d’un projet de ratification donnerait automatiquement valeur législative à une ordonnance, laquelle, de fait, ne pourrait donc plus faire l’objet d’un recours devant le juge adm...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte revêt le caractère d’un rappel à l’ordre, puisqu’il réaffirme les bases de notre État de droit, bâti sur la séparation des pouvoirs. Par un revirement de jurisprudence tout à fait incompréhensible, le Conseil constitutionnel s’arroge la compétence pour examiner par voie de QPC les dispositions des ordonnances non ratifiées intervenant dans le domaine de la loi, une fois expiré le délai d’habilitation. Il est donc nécessaire d’encadrer plus strictement le régime du recours aux ordonnances. Selon un rapport de la direction de la séance du Sénat, le Gouvernement a largement recouru à l’article 38 de la Constitution ces dernières années. À la date du 30 juin 2021, le Parlement lui a accordé 309 habilit...

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

...ance sanitaire et par le refus de l’exécutif de laisser au Parlement la place que lui reconnaît l’esprit de la Constitution. Je le rappelle, deux décisions du Conseil constitutionnel des 28 mai et 3 juillet 2020 sont venues percuter le bon fonctionnement de notre démocratie, non seulement selon le groupe SER, mais aussi, visiblement, selon la plupart des membres du Sénat. Avec ces décisions, les ordonnances acquièrent de fait automatiquement valeur législative, dès lors que serait écoulé le délai de ratification inscrit dans la loi d’habilitation. Rappelons que, jusqu’à présent, les dispositions d’une ordonnance n’étaient considérées comme législatives qu’à compter de l’adoption par le législateur d’une loi de ratification. Rappelons également que les termes de l’article 38 de la Constitution son...

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Or il ne s’agit pas de textes mineurs. Nous parlons de la destruction de la haute fonction publique d’État §–, de la privatisation de la SNCF ou de la transformation de nos entreprises. Le Gouvernement ne s’en cache même plus, puisque, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, la ministre de la transformation et de la fonction publiques, le 6 octobre dernier, nous répondait sans sourciller que l’ordonnance portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État ne méritait pas une ratification parlementaire, donc un débat. Dans les faits, la substitution du pouvoir exécutif au pouvoir législatif devient la conception de l’équilibre des pouvoirs du gouvernement actuel. L’examen du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, dont le Sénat aura ce soir de...

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes dans un débat sur la critique de l’usage des ordonnances. C’est un grand classique des alternances politiques ! Tous ceux qui ont fait usage des ordonnances et qui ont à ce titre essuyé des critiqués se révèlent de valeureux défenseurs des droits du Parlement une fois qu’ils sont dans une autre position institutionnelle.

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Selon moi, cette proposition de loi constitutionnelle part d’une analyse erronée des décisions du Conseil constitutionnel. La place des ordonnances dans la hiérarchie des normes a dès l’origine été au niveau législatif. La Constitution prévoit expressément que, dès l’instant où le délai d’habilitation est expiré, ces textes ne peuvent plus être modifiés que par une loi. Cela signifie que n’importe quelle disposition réglementaire prise par la suite doit respecter le contenu de ces textes – ils sont donc bien législatifs. La seule modificat...

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Elle a seulement précisé qu’elle ne pouvait pas être implicite. Cela veut dire que, même sans ratification, les ordonnances entrent en vigueur et qu’elles peuvent être ensuite modifiées de différentes façons. Cette proposition de loi constitutionnelle est pour moi totalement artificielle. S’il n’y a pas beaucoup de ratifications, nous savons tous pourquoi : le calendrier parlementaire est trop chargé !