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...quement certains de nos compatriotes, en raison de leur statut de « Français musulmans d’Algérie ». Pour eux, le sentiment d’être des Français de seconde zone existe bel et bien. Ce qui fait que nous sommes là aujourd’hui, moins de deux mois après le soixantième anniversaire de la manifestation du 17 octobre 1961, c’est la répression, la terrible répression. S’il revient aux historiens d’écrire l’histoire, chacun en convient, nous ne pouvons que constater, en les lisant comme en prenant connaissance des archives de l’époque, même si nombre d’entre elles manquent encore, l’ampleur et la violence de la répression. Chacun peut revoir sur les quelques photos existantes les regards des manifestants arrêtés, parfois ensanglantés : ce sont des regards de peur et de douleur. De Brunet à Einaudi, en pass...
...as exactement connu, mais, quelle que soit l’estimation, il est toujours édifiant. Au-delà du drame que représente l’événement, ce n’est pas que de cela qu’il est question dans cette proposition de loi. Chacun le sait, il s’est noué une affaire dans l’affaire au regard de son traitement politique, médiatique et historique. Tout cela a déjà été fort bien rappelé. J’ai pendant longtemps enseigné l’histoire et la géographie de sorte que je me suis souvent interrogé sur la manière d’écrire et de dire l’histoire – ou les histoires –, plus largement sur les rapports que le présent entretient avec le passé, sur la manière dont les sociétés se racontent, voire se romancent à travers le temps. C’est un sujet évidemment difficile que celui de la question de la mémoire collective, du récit des événements q...
...publicaine, ce travail de mémoire a permis à l’actuel président de la République de se rendre officiellement au pont de Bezons le 16 octobre dernier. Il s’agit bien d’un long et lent processus. C’est le sens de la mémoire, cette chaîne dont chaque citoyen est un maillon ; cette chaîne qui nous vient du passé et tend vers l’avenir. La France est un grand pays. Cela ne l’immunise pas au regard de l’histoire. Cela ne l’exonère pas non plus. La France est un grand pays, justement parce qu’elle est capable de regarder son passé avec discernement, d’en connaître les événements, de se réjouir de toutes les fois où elle a été à la hauteur, de reconnaître aussi les moments où elle n’a pas su s’élever. Par son esprit de résilience, la France est digne pour tous ceux qui la regardent et lui font confiance....
...sition de loi serait d’autant plus louable si d’autres considérations la sous-tendaient. Force est de le constater – d’ailleurs, le débat inhérent à ce texte le confirme –, l’apaisement n’est pas au rendez-vous. En effet, la question posée par cette proposition de loi n’est pas celle de la responsabilité pénale des acteurs. De plus, le présent texte entretient la confusion entre ce qui relève de l’histoire et ce qui relève de la mémoire. Je rappelle que lesdits événements ont déjà fait l’objet d’une volonté de reconnaissance. En octobre 2012, le président de la République déclarait : « Des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. » En octobre 2021, l’actuel chef de l’État ajoutait quant à lui : « Les crimes commis cette nuit-là sous...
...econnaisse sa responsabilité dans cette répression et, à l’article 2, qu’il organise chaque année, le 17 octobre, une commémoration officielle rendant hommage aux victimes. La commission des lois a décidé de rejeter cette proposition de loi. Nous pensons pour notre part que le Sénat s’honorerait de l’adopter. Nous venons de l’entendre, la majorité sénatoriale reste dans le déni de la lecture de l’histoire passée et contemporaine. Pour certains, la mémoire est toujours aussi violente. C’est profondément regrettable. La situation des relations entre l’Algérie et la France appellerait à davantage de dignité et de hauteur, loin des horreurs entendues à la tribune de certains candidats à l’élection présidentielle, ou dans cet hémicycle voilà quelques minutes. Comme le rappelait déjà notre groupe en 20...
...sser sur eux à ce point. Non, je pense aux responsables, et à l’appareil d’État, dont l’organisation était très structurée pour mener à bien une telle opération. Quant au préfet de police, il avait déjà fait ses preuves sous le gouvernement de Vichy pour la déportation des juifs à Bordeaux. Ceux qui soutiennent encore dans cet hémicycle que la gauche a trahi la France sont les mêmes négateurs de l’Histoire que ceux qui portaient une accusation similaire contre Léon Blum lors du procès de Riom. J’appelle à la réflexion sur ce point ! Il aura fallu attendre des dizaines d’années avant que Jacques Chirac prononce son merveilleux discours reconnaissant la responsabilité de la France. Aujourd’hui, pourquoi nier la réalité ? Comment peut-on soutenir que Papon était seul ? Comment une telle chose – des d...
En ne choisissant qu’une seule douleur, elle vient alimenter inutilement la bataille des mémoires. Ce texte s’inscrit en effet dans l’obsession mémorielle tracée par le Président de la République. Nous restons sur une ligne claire et vous devriez en faire de même : évitons d’agiter et de revoir l’Histoire. Mais ne vous y méprenez pas : je ne suis pas comme le Président de la République, qui, le 18 avril 2021, appelait sur la chaîne américaine CBS à déconstruire notre propre histoire et qui, hasard du calendrier électoral, change de position et appelle finalement hier à ne pas la revoir. Pourquoi vouloir également commémorer cette date et aller aussi loin en reconnaissant la responsabilité de la ...
...hère mémorielle vis-à-vis de l’Algérie n’apporte rien de bon. En commémorant les heures sombres, elle culpabilise encore et toujours la France, sans jamais saluer les apports positifs. On ne peut pas discuter de cette proposition de loi si on ne se remémore pas ce qui s’est passé dans cette terrible période. Oui, nous étions en guerre, et ce tragique épisode s’inscrit dans un temps douloureux de l’histoire. Oui, la guerre était en Algérie, mais elle était aussi en métropole.
Ne vous en déplaise, l’Histoire est bien plus complexe que vous ne l’écrivez. Il faut bien plus que deux lignes dans une proposition de loi pour en rendre compte. On ne peut pas discuter de cette proposition de loi si l’on continue à sélectionner les mémoires et à rejeter certaines douleurs, comme le massacre « oublié » d’Oran du 5 juillet 1962.
... des actes de quelques-uns ? Nous souhaitons, pour notre part, montrer à nos enfants et à tous nos concitoyens qu’il existe encore pour eux et pour la France un autre chemin que celui de la résignation. Un chemin qui conduit à la grandeur de notre pays et qui respecte son histoire. La France doit se rassembler autour d’une espérance, celle d’un tout, et non d’une addition choisie de morceaux de l’Histoire, surtout lorsque ces derniers ne servent qu’une fin : une logique victimaire au mépris de ceux qui ont choisi la France pour ce qu’elle était et pour les valeurs qu’elle portait. Pensons à eux en cet instant et honorons-les pour avoir fait en toutes circonstances un seul choix : celui de la France.
...tion à la citoyenneté. La mémoire est un vécu et une réalité : nier cette évidence reviendrait à entraver le travail des historiens. Il ne s’agit pas simplement d’une relation d’État à État, mais d’une responsabilité que la France doit assumer en reconnaissant les crimes commis afin de coopérer sur un pied d’égalité. Notre responsabilité consiste à admettre que ces faits tragiques font partie de l’histoire de nos deux pays.
... a attisé les haines ou les tensions victimaires à Paris ? Ce lieu de mémoire s’est fondu dans le paysage et fait partie de la vie courante, au cœur de la capitale. Désormais, on y dépose des gerbes de fleurs le 17 octobre de chaque année. Les descendants des victimes, parfois les petits-enfants ou les arrière-petits-enfants de celles-ci, qui vivent souvent en France, se rendent ainsi compte que l’histoire de leurs parents, leur propre histoire, est reconnue par la société, la République et la Nation françaises auxquelles, souvent là encore, ils appartiennent. La reconnaissance officielle de cette part de leur histoire apaise. À l’inverse, quand cette reconnaissance n’a pas lieu, les tensions persistent, comme des restes imperceptibles…
...onnaît une perte de valeur opérationnelle, et donc pour savoir s’il est consultable : il s’agit d’une double peine pour les chercheurs dont les travaux sont entravés et empêchés par toutes ces lourdeurs administratives. Au-delà de cette restriction, je pense aux familles qui vivent dans la douleur et l’incompréhension de leur propre histoire. Longtemps, il a existé une omerta sur cette partie de l’histoire franco-algérienne. Les enfants et les petits-enfants français de parents algériens, qui n’ont évidemment vécu ni l’événement dont nous débattons ni la guerre, n’ont plus à tolérer ce silence ; ils sont en droit de chercher et de connaître la vérité puisque celle-ci se trouve dans les archives, dont une part seulement est accessible. Il est temps, soixante ans après, de soigner cette blessure mé...
Pour revenir à l’amendement, il est question dans son exposé des motifs de « blessure mémorielle » et de douleur. Ce registre compassionnel a toute sa place, je le comprends, mais nous essayons ici de nous situer du point de vue de l’histoire. C’est cette confusion entre mémoire et histoire que vous entretenez, madame Benbassa. Bien sûr, il existe plusieurs mémoires, mais vous savez très bien que cela entraîne forcément une part de concurrence, de surenchère, de sélectivité. L’histoire, c’est autre chose. C’est pourquoi, si tous les citoyens peuvent à bon droit avoir accès aux archives, nous comptons, encore une fois, sur le travail...
...rsque le Sénat propose la même chose pour les harkis, cela ne pose pas non plus de problème. Le souci, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, c’est que tout le monde reconnaît les faits, mais que vous faites manifestement le choix d’une mémoire sélective, à l’opposé de notre propre choix ! Nous ne pouvons que regretter le vote à venir. Nous considérons qu’il faut continuer ce travail de l’histoire. Nous le devons à toutes les mémoires et à tous les Français !
M. François Bonhomme. Allez voir ce qu’a dit Marc Ferro sur l’instrumentalisation de l’histoire et la mémoire, déformée par nature du fait des passions humaines ! Allez voir ce qu’a dit Jacques Julliard sur les lois mémorielles ! Et, je l’espère, vous serez au moins pris de quelques doutes, plutôt que d’avancer des affirmations aussi définitives.
Vous n’en serez pas surpris, mes chers collègues, notre groupe ne votera pas cet article. Oui, bien sûr, il y a un contexte, et nous ne sommes pas là pour nous donner des leçons les uns aux autres. Je n’ai pas de doute sur le fait que nous connaissons seulement le dixième du quart de la moitié de ce qui s’est passé. Face à l’histoire, il faut beaucoup d’humilité ! Moi, j’ai une pensée pour les femmes et les hommes du contingent qui étaient envoyés sur place dans ces moments…
Il faut être humble face à cela. L’histoire est un tout ; ce n’est pas en la saucissonnant qu’on l’écrit. En tout cas, ce n’est pas la position que le Sénat a choisie, face au jugement de l’histoire, depuis des décennies.
On ne peut pas réparer les mémoires si on ne grave pas certains événements dans l’histoire. Encore faudrait-il pour cela qu’ils soient reconnus… J’ai déposé en 2012, peu de temps après mon arrivée au Sénat, une proposition de résolution sur la reconnaissance des événements du 17 octobre 1961, avec le groupe écologiste de l’époque. Les communistes ont fait de même. Aujourd’hui, il y a une petite lueur d’espoir, et l’on peut envisager de mettre fin à l’omerta et d’inscrire ces événement...