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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat a toujours joué un rôle moteur dans la réflexion sur les modalités d’une gestion plus éthique de nos collections publiques. C’est la chambre haute qui fut à l’initiative, grâce à notre ancien collègue, Nicolas About, de la loi relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « la Vénus hottentote », à l’Afrique du Sud, loi qui a été promulguée en 2002. C’est elle aussi qui, par mon intermédiaire, fut à l’initiative de la loi visant à autoriser la restitution par ...
… alors qu’il est pourtant le seul habilité à autoriser la sortie de biens culturels des collections. Le législateur a la compétence exclusive de faire exception au principe d’inaliénabilité des collections, qui est de valeur législative. Malgré ce principe, soit le Parlement a été sollicité pour entériner la restitution de biens culturels que le Président de la République ou le Gouvernement s’était déjà engagé à rendre – ce fut le cas pour le sabre revendiqué par le Sénégal et pour le trésor d...
...ulturels. En 1815, après la défaite de Napoléon, les puissances alliées ont exigé le retour de plusieurs œuvres subtilisées dans le cadre des campagnes militaires menées par notre pays. De la même manière, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en Allemagne, plusieurs des biens amassés par les nazis sont visés par des demandes de restitution. Les études sur la provenance des œuvres dans les collections allemandes permettent de rendre certains biens culturels à des États étrangers, mais aussi à des particuliers, aux héritiers ou ayants droit des nombreuses familles juives spoliées par le régime nazi. Si l’on creuse la notion d’objet culturel, on s’aperçoit qu’elle se définit au travers de l’instrument juridique mobilisé et de la matière considérée : sa valeur peut être archéologique, artistique...
... parce que je partage les interrogations éthiques des intervenants qui m’ont précédé sur le sujet, et, d’autre part, parce qu’il s’agit selon moi d’un sujet à part entière et que je ne dispose que de six minutes pour m’exprimer. En signant en 1566 l’édit de Moulins, Charles IX a prescrit une règle essentielle : il a fait de l’inaliénabilité du domaine public, en France, le principe régissant les collections muséales. Mais, depuis lors, le temps a passé, et notre pays fait face aujourd’hui à des demandes multiples, réitérées, de restitutions d’œuvres d’art, notamment de la part d’États africains au regard de notre histoire coloniale. Même si, comme cela a été dit, ce phénomène appartient à une histoire ancienne, puisque le Sénat de Rome reprochait déjà à certains généraux les pillages commis durant ...
...chers collègues, au travers d’une série de sculptures annonciatrices de la naissance du cubisme, Picasso traduisait un sentiment qu’il a défini en ces termes : « Mes plus grandes émotions artistiques, je les ai ressenties lorsque m’apparut soudain la sublime beauté des sculptures exécutées par les artistes anonymes d’Afrique. » L’art ne connaît pas de frontière ; sa vocation est universelle. Les collections qui remplissent nos musées forment un patrimoine accessible à tous. L’art se nourrit des arts, et nombre d’œuvres sont issues d’une influence multiple, irréductible à une culture ou à une civilisation. En révolutionnant l’approche occidentale de l’art, l’art africain a engendré l’art moderne. §La France possède dans ses collections publiques près de 90 000 œuvres d’art africain. Dans des société...
Biens inaliénables de l’État, les œuvres de nos collections doivent, pour en sortir, faire l’objet d’une démarche démocratique, régie par un cadre juridique clair. Fixer un cadre et une méthode, tel est l’objet de cette proposition de loi remarquablement présentée par Catherine Morin-Desailly. Ce texte est l’aboutissement des travaux menés au Sénat en décembre 2020. Il vient combler les lacunes entourant les procédures actuelles de restitution. Face aux...
En effet, quoi qu’en pensent les tenants d’une histoire réécrite, les contextes varient selon la nature du bien, les conditions d’acquisition et les voies d’entrée dans les collections publiques. En revanche, une loi-cadre ne me paraît guère envisageable en l’état actuel des travaux réalisés dans nos musées, tant que quelques règles communes ne seront pas dégagées. Telle pourrait être la fonction de la commission de réflexion proposée dans notre texte. Bien entendu, des moyens importants devront suivre ; c’est la condition sine qua non pour étayer la vérité et repousse...
...ays et connues à ce jour – Tchad, Mali, Éthiopie, Madagascar, etc. –, ce sont en effet plus de 13 000 biens qui devraient être examinés comme « candidats au retour » sur leur terre d’origine. Le texte de l’année dernière a été le seul et unique du quinquennat en provenance du Gouvernement sur ce sujet. Certes, le cadre législatif ne facilite pas les choses, puisque chaque restitution émanant des collections nationales doit faire l’objet d’un texte de loi spécifique. Déjà en 2018, les universitaires Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont évoqué cette situation dans leur Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain : vers une nouvelle éthique relationnelle. Ils y reconnaissent que l’usage de ces lois d’exception « limite à l’extrême les cas de restitution » et qu’il conviendrait d’...
..., juges, […] si pendant ces dernières années nos alliés et les peuples étrangers ont subi nombre de malheurs et d’injustices, il n’en est pas qui soient et qui aient été plus pénibles pour des Grecs que ces pillages de sanctuaires et de villes ». Ainsi s’exprimait Cicéron lors du procès de Verrès, le gouverneur concussionnaire de la Sicile, qui avait pillé toutes ses œuvres d’art. L’histoire des collections est souvent celle du vol, du dol, de la captation, du détournement ou de l’accumulation d’objets collectés sans grand souci de leurs origines et des conditions de leur réunion. Les temps ont changé, et il n’est plus possible de satisfaire la curiosité du public ou ses plaisirs esthétiques dans l’ignorance de leurs fonctions antérieures, des systèmes sociaux auxquels ils ont appartenu et des dest...
L’impéritie des services de l’État à engager le récolement des collections, l’absence de méthode pour l’instruction des demandes et le manque d’ambition politique et culturelle de la précédente loi de restitution ont conduit les signataires du présent texte à proposer la constitution d’un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens. Constatant la nécessité de donner un nouvel élan à la politique de réparation des sp...
... pertinence de leurs travaux, qui permettent une évolution nécessaire de la loi sur un sujet d’actualité récurrent. Le présent texte s’inscrit dans la droite ligne et la continuité des travaux menés de longue date par le Sénat sur ce sujet. Le groupe Union Centriste se mobilise sur la question depuis vingt ans. En effet, les deux premières lois de restitution de restes humains appartenant à des collections publiques françaises ont été adoptées sur l’initiative de Nicolas About et Catherine Morin-Desailly. Il s’agit de la loi du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud et de la loi du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections. ...
...s dans le présent texte. Pour autant, à terme, une réflexion plus vaste sera nécessaire. Comme l’a rappelé notre collègue Bernard Fialaire lors de l’examen de la loi relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, le « retour » d’un bien culturel doit relever avant tout d’une réflexion culturelle. Le principe d’inaliénabilité, qui protège les collections publiques, apparaît bloquant, alors que, en réalité, il n’est pas absolu. En effet, ce n’est pas la nature d’un bien qui fait obstacle à l’aliénation ; c’est son affectation au domaine public. La procédure de déclassement le confirme. Dans une future loi-cadre, on attend un dépassement de ces notions. En réponse à des demandes de pays qui auraient un attachement historique ou identitaire à des b...
...mmission, madame la secrétaire d’État, cher Max Brisson, cher Pierre Ouzoulias, mes chers collègues, à de trop nombreuses reprises depuis cinq ans, le pouvoir exécutif a fait peu de cas de la représentation nationale et de la souveraineté du Parlement. En matière de patrimoine aussi, le Gouvernement s’est montré peu soucieux du rôle des parlementaires dans la préservation et la sauvegarde de nos collections nationales. Oubliant qu’elles ne lui appartiennent aucunement, le chef de l’État a pris la mystérieuse habitude d’agir seul et discrètement pour traiter les demandes de restitution, métamorphosant le Parlement en chambre d’enregistrement.
À plusieurs occasions et en l’espace d’une seule année, les parlementaires ont été placés devant le fait accompli : entre novembre 2019 et novembre 2020, trois restitutions à des pays étrangers ont été effectuées. Ce sont autant d’humiliations pour le Parlement, qui détient pourtant des prérogatives exclusives pour autoriser la sortie définitive de ces biens. Nonobstant l’intégrité de nos collections, c’est donc aussi le principe de séparation des pouvoirs lui-même qui est ainsi bousculé.
Lors de son déplacement à Ouagadougou, en novembre 2017, le Président de la République expliquait vouloir poser les jalons d’une nouvelle politique patrimoniale avec l’Afrique. Dont acte ! Mais encore faut-il ne pas tomber dans le piège du fait du prince, car ce n’est pas à un élu, quel qu’il soit, de déterminer l’avenir de nos collections publiques. Le patrimoine n’est pas politique et son sort ne doit pas fluctuer au gré des alternances et de l’air du temps. Ce texte aspire ainsi à éclairer scientifiquement et sur le temps long la gestion de nos biens culturels. La teneur et la portée symbolique de ces questions nous obligent à ne pas les traiter dans la précipitation. Elles exigent un travail long et collectif de coopération av...
Si l’histoire et les conflits de mémoire sont au cœur de ce débat, leur dimension passionnelle ne doit pas nous faire oublier un principe essentiel, multiséculaire, qui a été rappelé précédemment : l’inaliénabilité de nos collections publiques. C’est ce principe qui, depuis l’édit de Moulins de 1566, préserve notre patrimoine des prédations étrangères et de l’impéritie des gouvernements. Au sein de cet hémicycle, nous siégeons d’ailleurs sous le regard de Michel de l’Hospital, qui fut l’un des rédacteurs de l’édit de Moulins. Inscrire dans la loi cette instance de réflexion contribuerait à consacrer ce principe et à s’assur...
...it ! Nous ne connaissons même pas le contenu de sa lettre de mission ; nous ignorons notamment si la question des restes humains y figure. Lui-même n’avait pas lu les rapports publiés par le Sénat depuis une dizaine d’années. Il n’avait connaissance – excusez du peu ! – ni de la question des restes humains ni des critères de restituabilité ni du travail de la Commission scientifique nationale des collections. Emmanuel Kasarhérou nous a alertés sur la question des moyens : nous savons que l’État a ses contraintes budgétaires, et nous le respectons. Il faut donc trouver les voies et moyens d’une solution de rechange, et surtout d’une méthode susceptible de contenter chacun. En définitive, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, que nous n’avons pas suffisamment é...
Cet article extrêmement important est l’aboutissement d’un travail de très longue date et de longue haleine. J’ai un immense respect pour les experts de la Commission scientifique nationale des collections, en particulier pour les membres du groupe de travail de Michel Van Praët, qui ont travaillé aux critères de restituabilité de certains restes humains. Vous avez indiqué que leur travail était nébuleux, madame la secrétaire d’État. Il est au contraire très précis – je vous renvoie à l’excellent rapport établi par ce groupe de travail. Vous avez également affirmé que nous n’avions pas auditionné ...
...ignage devant notre commission, il nous a clairement décrit la situation actuelle, à savoir qu’environ 1 000 restes humains sont conservés au musée de l’Homme. Il l’a fait d’autant plus facilement que, aujourd’hui, il est mis à la porte, sans doute à cause de sa liberté de ton. Il nous a confié l’effroi que provoquait chez lui, conservateur, la conservation d’un certain nombre de restes dans ces collections. Il nous a indiqué les risques diplomatiques immenses qu’une telle conservation emportait – je pense notamment aux crânes de cinq Arméniennes récupérés à Deir ez-Zor, sur le charnier du génocide de 1915. Comment peut-on conserver des choses pareilles ? En 1894, Jaurès déclarait : « Nous en sommes venus au temps où l’humanité ne peut plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d’un peuple assassiné...
...er, madame la secrétaire d’État, notamment son article 2, ce qui nous aurait permis d’avancer. Vous avez choisi de ne pas le faire. Permettez-moi de revenir sur la question des restes humains. Je suis consternée par la volonté affichée par le ministère de la culture, année après année, gouvernement après gouvernement, de ne rien faire. La mise en place de la Commission scientifique nationale des collections a pris trois ans. Puis, aucun moyen n’a été alloué au groupe de travail spécifique sur les restes humains, pourtant demandé par le Parlement, à l’unanimité de la représentation nationale. J’ai appris récemment qu’il avait été envisagé d’inscrire les critères de restitution établis par ce groupe de travail dans la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’archite...