Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Commission mixte paritaire — Réunion du 12 mai 2021 à 17h30
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi confortant les principes de la république et de lutte contre le séparatisme

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio, sénatrice, rapporteure pour le Sénat :

Je voudrais dire quelques mots sur le texte élaboré par le Sénat et sur l'esprit dans lequel nous avons abordé ce projet de loi. Nous sommes, je crois, tous d'accord pour estimer qu'il est nécessaire de lutter contre l'islam politique et plus largement contre le séparatisme. Nous avions d'ailleurs mis en place en 2019 une commission d'enquête destinée à identifier et à lutter contre ce phénomène, et formulé plusieurs propositions, que nous avons été heureux de retrouver en nombre dans ce texte.

Ce texte nous paraît donc nécessaire et nous avons oeuvré pour le compléter tout en reconnaissant ses limites. Personne ne pense qu'il résoudra brusquement la question du séparatisme et de nombreux sujets restent à traiter, notamment en matière sociale, d'intégration, d'assimilation, de politique migratoire, ou encore d'équilibre sociologique dans les quartiers.

Je souhaite rapidement vous présenter les modifications adoptées par le Sénat sur les articles que j'ai plus particulièrement suivis.

Sagissant des services publics, nous avons approuvé l'inscription dans la loi du respect des principes de neutralité et de laïcité des personnes chargées dun service public, quelles que soient les modalités dorganisation de celui-ci. Nous avons longuement débattu en commission et en séance du champ d'application du principe de neutralité et des personnes qu'il doit concerner. Ce débat est important ; il porte sur deux catégories de personnes. La première est celle des personnes qui participent de manière occasionnelle au service public. Nous avons considéré qu'elles ne sont pas toutes dans la même situation, et qu'il est en pratique impossible de leur imposer à toutes la même exigence de neutralité.

Cependant, nous avons souhaité aller au bout de la logique pour certains collaborateurs occasionnels, qui interviennent dans le cadre très particulier de l'école, à la fois hors et dans les murs : il s'agit des parents d'élèves qui participent à des sorties scolaires, car celles-ci font partie - j'y insiste - du temps pédagogique. Je regrette qu'il soit impossible de progresser ensemble sur ce point, qui est pour nous essentiel. Si nous voulons sortir des ambiguïtés et affirmer clairement les principes républicains, rien n'est plus important que de sanctuariser l'école et le rapport des parents et des enfants à l'institution scolaire. Il convient aussi de sanctuariser le milieu sportif, lieu majeur de cohésion sociale. C'est pour cette raison que nous avons interdit le port de signes religieux ostentatoires lors des événements sportifs.

La seconde catégorie de personnes pour lesquelles la question de la neutralité a été débattue est celle des usagers des services publics. En l'espèce, nous devons être réalistes. Imposer la neutralité aux usagers du service public n'a pas de sens. Nous nous sommes interrogés sur le port du voile par les petites filles. Ce sujet doit nous alerter et mérite un débat approfondi à l'occasion d'un autre texte, même si un amendement sur ce point a été adopté en séance publique contre l'avis de la commission des lois. À l'inverse, interdire dans certains cadres délimités le port de signes religieux ostentatoires ou les drapeaux étrangers fait sens. Nous avons aussi posé la question du refus d'accorder ou de renouveler des titres de séjour à celles et ceux qui remettent en cause nos valeurs. Cela semble primordial pour conforter les principes de la République.

S'agissant, ensuite, des mesures relatives au respect des droits des personnes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, il nous a semblé nécessaire d'être efficace sur ces questions sérieuses et sensibles, de poser des principes clairs et de protéger les femmes victimes, mais pas de créer des difficultés là où il n'en existe pas. Nous avons ainsi supprimé certains articles, comme l'article 13, et en avons précisé d'autres sur les certificats de virginité ou les mariages forcés.

L'actualisation des mesures concernant la police des cultes est bienvenue et nous la soutenons. Nous sommes cependant attachés à préserver la responsabilité du ministre des cultes et nous avons rétabli l'article 35 de la loi de 1905.

Enfin, nous avons approuvé le principe d'une nouvelle mesure de fermeture administrative des lieux de culte en cas de provocation à la haine ou à la violence, et nous avons, en commission, porté sa durée à trois mois - finalement rétablie à deux mois en séance -, tout en précisant les raisons pouvant conduire à cette mesure. Parallèlement, nous avons souhaité caractériser davantage les locaux annexes au lieu de culte qu'il sera possible de fermer s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'ils seraient utilisés pour faire échec à l'exécution de la mesure de fermeture du lieu de culte.

Ces mesures pragmatiques, utiles, sont de véritables apports dans la lutte quotidienne contre le séparatisme et j'espère qu'elles seront retenues dans le texte définitif. L'actualité montre que si nous n'abordons pas la question des listes communautaristes aux élections, nous serons confrontés à de grandes difficultés dans les années à venir. Nous devrons réfléchir à ce sujet.

Ce texte aurait pu être l'occasion de nous réunir au-delà des appartenances politiques et des croyances qui peuvent être les nôtres, au service de la République et de ce ciment qui fait que nous sommes tous libres de vivre ensemble : la laïcité. Nos concitoyens n'attendent pas seulement des solutions techniques, mais des actes au quotidien contre tous ceux qui souhaitent diviser ou fracturer notre pays.

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