Cette problématique concernant les élus locaux travailleurs transfrontaliers est bien réelle. Toutefois, la solution proposée par notre collègue Masson ne semble pas la plus appropriée. Selon nous, et comme avait pu l'indiquer notre collègue Jean Bizet en 2010, ce sujet ne relève pas du droit de l'Union européenne, mais plutôt d'accords bilatéraux entre États, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, une harmonisation par le droit de l'Union européenne ne permettrait pas de régler la situation des travailleurs transfrontaliers travaillant à l'extérieur de l'Union, notamment en Suisse, qui compte beaucoup de travailleurs transfrontaliers.
En outre, les bases juridiques dans les traités, évoquées dans la proposition de résolution européenne, nous semblent insuffisantes pour justifier une action de l'Union. Si l'article 25 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne permet effectivement au Conseil de « compléter » les dispositions du traité concernant le droit d'être électeur et élu aux élections municipales et européennes, le processus de décision apparaît très lourd et disproportionné au regard de la problématique évoquée. Seraient ainsi requises, dans ce processus, l'unanimité des États membres ainsi que l'approbation du Parlement européen et de chaque parlement national.
Surtout, une action au niveau de l'Union européenne risquerait de se heurter au principe de subsidiarité, prévu à l'article 5 du traité sur l'Union européenne.
Plutôt que par une initiative législative de l'Union, la problématique de ces élus locaux pourrait être traitée directement entre les États membres concernés. En effet, ne semblent directement concernés que quelques pays, outre le nôtre, au premier rang desquels le Luxembourg, la Suisse, l'Allemagne et la Belgique.
La solution semble donc relever plutôt d'accords bilatéraux entre États que de la compétence de l'Union européenne. De tels accords n'entrent cependant pas dans le champ des résolutions européennes prévues à l'article 88-4 de la Constitution, mais plutôt des résolutions inscrites à l'article 34-1 de la Constitution, en ce qu'ils concernent la politique étrangère de la France.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à rejeter cette proposition de résolution européenne. Elle sera toutefois renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat. Cet article prévoit, en effet, un renvoi des propositions de résolution européenne à une commission permanente, y compris en cas de rejet du texte par notre commission.
Bien que ce sujet ne relève pas du droit de l'Union européenne, nous considérons tout de même envisageable une recommandation du Conseil sur la question, qui viserait à encourager la conclusion d'accords bilatéraux entre États concernés. Si le président de notre commission en est d'accord, un courrier pourrait être adressé à cet effet à la présidence du Conseil.
Je rappelle qu'à ce jour, selon les informations qui nous ont été communiquées, il n'existe aucun accord entre la Belgique et ses voisins sur les garanties professionnelles accordées aux élus transfrontaliers. De même, aucun n'accord n'a été signé entre la France et le Luxembourg sur cette question.
Parallèlement ou en amont de la conclusion de tels accords, nous pensons également que ce sujet pourrait être utilement discuté et négocié au sein d'instances interparlementaires, telles que le Conseil interparlementaire régional et le Conseil économique de la Grande Région, qui réunit Wallonie, Sarre, Rhénanie-Palatinat, Luxembourg et Grand Est.
Plus largement, nous pensons que cette question de la démocratie locale, qui participe au processus de démocratisation de l'Union, pourrait être un sujet de réflexion porté par notre commission, dans le cadre de la Conférence sur l'avenir de l'Europe.