Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 17 juillet 2012 à 9h30
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si la Cour des comptes a souligné, dans son rapport du 2 juillet dernier, le respect des engagements de réduction du déficit public en 2011, passé de 7, 1 % à 5, 2 % du PIB, elle insiste aussi sur le fait que la situation de notre pays reste « très préoccupante » et, surtout, qu'elle est nettement dégradée par rapport à celle d'autres États européens. Beaucoup reste à faire pour respecter nos engagements et éviter l'emballement dramatique de la spirale de l'endettement. On peut d'ailleurs dire simplement que les précédents gouvernements ont laissé les finances de l'État en plus mauvais état qu'ils ne les avaient trouvées.

Je ne reviendrai que brièvement sur l'« illusion » que constitue l'apparente réduction du déficit en 2011, car elle a déjà été soulignée par mon collègue François Fortassin.

Comme l'a très bien montré le rapporteur général, une part importante de l'amélioration de 1, 9 point de PIB du solde en 2011 est imputable à trois phénomènes exceptionnels : l'arrêt du plan de relance explique 0, 4 point de redressement, tandis que la disparition du surcoût temporaire lié à la réforme de la taxe professionnelle et la fin des livraisons exceptionnelles d'équipements militaires en expliquent chacune 0, 2 point.

Le précédent Gouvernement s'est préoccupé bien tard de la réduction du déficit structurel, qui est passé de 2, 3 % à 4, 8 % du PIB entre 2006 et 2010.

Même lorsqu'il a fini par reconnaître la nécessité de l'augmentation des prélèvements obligatoires pour respecter la trajectoire des finances publiques, à la fin de 2010, le Gouvernement a poursuivi sa politique injuste, caractérisée par des allégements d'impôts pour les ménages les plus aisés et un alourdissement de ces charges pour tous les autres, plutôt que de mettre en œuvre une réforme fiscale véritablement équitable.

Le bilan de la précédente législature fut aggravé par des mesures comme la défiscalisation des heures supplémentaires ou la baisse de la TVA dans la restauration, qui sont autant d'exemples de niches fiscales coûteuses et inefficaces.

Comme pour le déficit, la conformité en 2011 de l'exécution des dépenses aux prévisions n'est pas aussi évidente qu'il y paraît. Ainsi, c'est surtout grâce à un sursaut d'inflation que les dépenses de l'État ont diminué à l'intérieur du périmètre « zéro volume ». À l'intérieur du périmètre « zéro valeur », elles ont diminué essentiellement à cause d'une dépense moins importante que prévu au titre du fonds de compensation pour la TVA.

Mais le désaveu le plus fort des mesures mises en place ces cinq dernières années concerne le symbolique non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, dans le cadre de la trop fameuse RGPP.

En effet, malgré des suppressions massives d'emplois, 31 700 en 2011, la masse salariale a tout de même augmenté, mes chers collègues, ce qui est un comble !

Ainsi, l'objectif de stabilisation des dépenses de personnel de l'État, hors pensions, n'a pas été atteint puisque la masse salariale a dépassé de 300 millions d'euros le montant prévu en loi de finances initiale.

Force est de constater que l'économie nette, donc hors « retour catégoriel », de 500 millions d'euros, qui était attendue de la mise en œuvre de la réforme dite du « un sur deux », n'est pas au rendez-vous. Elle a atteint seulement 373 millions d'euros.

Enfin, si une partie de l'augmentation des dépenses de personnel peut s'expliquer par des mesures catégorielles indépendantes du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, d'autres mesures avaient bien pour objectif de faire passer la pilule, difficile à avaler, de la RGPP.

Les compensations très coûteuses accordées dans le cadre de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique au sein du ministère des finances en sont une illustration.

Certaines de ces mesures catégorielles constituent d'ailleurs des engagements pluriannuels de l'État. Le Gouvernement précédent a donc légué à son successeur ce « cadeau empoisonné », qui réduit d'autant les marges de manœuvre dans les prochaines années.

Outre le dérapage des dépenses de personnel, la réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention, sur laquelle le précédent Gouvernement s'était engagé, n'a pas non plus été respectée. Cela s'explique notamment par les sous-budgétisations répétées de certaines dépenses, par exemple en ce qui concerne les opérations militaires. Cette dérive, maintes fois dénoncée par la Cour des comptes, persiste en 2011, ainsi qu'en 2012.

Vu l'état très dégradé de nos finances publiques et la nécessité impérieuse de respecter nos objectifs en matière de redressement des comptes, le nouveau gouvernement devra être exemplaire et très responsable dans la gestion de la dépense publique et corriger les dérives du passé.

Concernant les recettes, leur augmentation de 17 % est surtout due, là encore, à des facteurs exceptionnels comme la fin du versement de la compensation relais aux collectivités territoriales liée à la réforme de la taxe professionnelle, qui réduit de 29 milliards d'euros les prélèvements sur recettes.

En recettes, l'année 2011 se caractérise aussi par la faiblesse du produit de l'impôt sur les sociétés qu'on observe depuis quelques années. Si une partie de ces moindres recettes peut certainement être attribuée à une conjoncture économique difficile – la crise est là –, l'optimisation fiscale pratiquée par les grandes entreprises en est aussi partiellement la cause, mes chers collègues.

C'est pourquoi nous saluons les efforts engagés par le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène, grâce à une première série de mesures contenues dans le projet de loi de finances rectificative, que nos collègues députés sont en train d'examiner.

Nous souhaitons que ces efforts soient rapidement suivis d'effets, et nous espérons qu'ils seront poursuivis avec la même détermination par le Gouvernement, au regard notamment des propositions qui seront faites par la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France.

Ce projet de loi de règlement, qui sera suivi ce soir par le débat sur les orientations des finances publiques, est donc l'occasion de revenir sur l'année 2011 afin de mieux prendre conscience du chemin important qu'il nous reste à parcourir pour atteindre l'équilibre des comptes publics en 2017. Si le chemin est encore long, le départ nous semble bon.

Aussi le groupe du RDSE approuvera-t-il ce projet de loi de règlement. §

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