Intervention de Victorin Lurel

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 11 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Victorin Lurel ministre des outre-mer

Victorin Lurel, ministre :

Sur l'organisation du ministère, s'émanciper de la tutelle de ministère de l'intérieur ne fera pas tout. Il faut aussi concevoir une division un tant soi peut intelligente du travail en conservant des fonctions support communes. Dans le décret d'attribution, j'ai obtenu d'avoir quelque autorité sur le secrétariat général du ministère de l'intérieur, d'être consulté sur la nomination des ambassadeurs dans différents bassins océaniques et de disposer pleinement de l'inspection générale de l'administration. Grâce à la transformation de la délégation générale en direction, nous aérerons le recrutement. Pour l'heure, la plupart de nos personnels viennent du ministère de l'intérieur alors que, interministérialité oblige, nous devons aussi disposer de compétences dans les secteurs de la santé, de la culture, de l'éducation ou encore des relations internationales. C'est la logique quand je suis à la tête d'un ministère où l'on retrouve toutes les problématiques des 37 autres ministères.

La Guyane est en déshérence alors qu'elle est une région très riche : or bleu, or jaune, or vert et, demain, or noir. Il y a une vraie stratégie d'exploitation intelligente, conforme à nos nouvelles valeurs, respectueuse de l'homme et de l'environnement, à mettre en place. Prenons l'orpaillage clandestin, ce dossier comporte un volet « renseignement » à renforcer, un volet « projection aérienne » dont le développement coûtera cher, un volet diplomatique avec le Brésil et le Surinam, un volet judiciaire avec la création de nouvelles incriminations pour contrer les ruses des orpailleurs clandestins qui transforment sur place l'or en bijoux et, peut-être, avec l'allongement des délais de garde à vue. Nous avons perdu récemment deux soldats. Que faire après l'opération Harpie ? Occuper l'espace, faire des appels à candidatures, installer des sociétés légales. La carte des gisements aurifères est connue, le BRGM l'a publiée depuis longtemps. En bref, il faut une véritable stratégie d'occupation industrielle.

La logique est la même pour les hydrocarbures. Il faut revoir le code minier. Je comprends la demande de clarification, l'exigence d'engagements pour protéger la biodiversité et de meilleures retombées pour les populations guyanaises. Là aussi, nous devons avoir une stratégie de moyen et long terme pour avoir de la visibilité.

Je n'ai jamais récusé le développement endogène. Quand j'étais étudiant, c'était même un concept de gauche. Cela dit, il s'est traduit dans la réalité de nos exécutifs par des gels, voire des diminutions de crédit.

Chaque fois que nous cherchions l'appui de l'État, nous avions le sentiment d'un recul de son autorité et de sa parole. Quand un préfet inaugurait une réalisation, celle-ci avait été financée par l'argent de l'Europe. « L'État est là », « il emploie des fonctionnaires », nous disait-on : oui, comme partout ailleurs. Mais pour les investissements structurants, il n'était pas tout à fait là ! Les contrats État-région n'étaient même pas abondés. Et l'Europe, du reste, a commencé à regarder ailleurs, à se concentrer sur certains thèmes, comme l'innovation et la recherche, il est donc devenu plus difficile de mobiliser ses fonds pour combler le retard structurel. Quant aux collectivités territoriales, elles n'ont guère de marge de manoeuvre, le revenu médian de la population étant inférieur de moitié au revenu médian national. La chambre régionale des comptes peut faire toutes les observations et recommandations : que faire, sinon préserver la défiscalisation et mobiliser l'épargne locale ? Celle-ci serait utilement recyclée, en partie au moins, au profit des économies insulaires. Elle finance aujourd'hui, via le livret A, les obligations d'État. C'est normal, dans la République, mais ne pourrait-on en orienter localement par exemple 10 % des sommes ? J'ai essayé de le faire, lorsque j'étais député, avec un fonds d'investissement de proximité, mais M. Gilles Carrez m'a répondu : « on ne peut demander aux épargnants de la Nation d'investir chez toi ». Je demandais la même chose qu'en Corse, où chacun peut investir via un FIP. Chez nous, seuls les locaux peuvent le faire. Quant à la défiscalisation, elle n'est plus dans l'air du temps, mais efforçons-nous de la préserver, tout en la rendant plus efficace.

La solidarité nationale n'est pas un gros mot. Elle doit être repensée, rénovée, mais elle est nécessaire, dans le respect de l'égalité. Il y a une énorme révolution économique à accomplir, afin que la culture d'entreprise s'installe dans nos régions. Déjà, on y crée beaucoup plus d'entreprises qu'en métropole, et les 42 000 entreprises et établissements créés sont autant d'emplois de gérants, même si peu embauchent des salariés. La longévité de ces entreprises est meilleure qu'en métropole.

Je rencontrerai sous peu le ministre du budget, M. Cahuzac, pour les arbitrages budgétaires. Le respect de l'engagement à revenir à 3 % de déficit l'an prochain s'impose à tous ; mais il faut proportionner l'effort et je mettrai toute mon ardeur à promouvoir un bon équilibre.

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