Tropicaliser le droit, oui, mais avec une contrainte : le droit commun, que nous avons tous choisi. La petite marge de manoeuvre qui existe depuis 1946 a cependant été renforcée, jusqu'aux révisions constitutionnelles de 2003 et 2008. La voie est étroite mais il est possible d'adapter et même de demander des habilitations, comme l'a fait la région que je présidais pour adapter les lois sur le plan technique. J'ai fait une vingtaine de lois de région. Nos pouvoirs normatifs sont supérieurs à ceux des régions métropolitaines. En Martinique, une collectivité unique a été créée, mais on veut adapter davantage le corpus juridique : je partage ce souci. C'est un exercice permanent et les correspondants dans les ministères auront pour mission de nous alerter et nous informer à ce sujet.
Nous n'obtenons pas suffisamment de fonds de l'Europe sur la base de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Nous avons fait un programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), en matière agricole et alimentaire : c'est très bien. Et des mesures favorables au développement local, très bien aussi ! Il reste beaucoup à faire concernant les produits alimentaires de première nécessité. Là encore, un régime spécifique devrait être mis en oeuvre. Les révisions de 2003 et 2008 se sont du reste inspirées de l'article 199-2 du traité d'Amsterdam relatif aux contraintes particulières pour prévoir des possibilités d'adaptation.
Sortons la jeunesse de la désespérance : un plan Marshall s'impose, car les jeunes outre-mer sont plus frappés, notamment par le chômage, qu'en métropole. Qu'est devenue l'ardente obligation du plan, chère au général de Gaulle ? Le président de la République a fait des propositions précises. Tout dépendra du rythme d'application, qui est fonction des contraintes économiques et budgétaires.
L'alternance, les contrats de professionnalisation et l'apprentissage : il y a là un vrai sujet. Les collectivités, les entreprises, les partenaires sociaux peuvent engager de belles initiatives, comme cela se fait dans nombre de territoires et de régions. Certaines expérimentations ont eu lieu, qui méritent d'être diffusées. Certes, la création de GIP par les collectivités, pour créer des contrats de professionnalisation, a donné lieu à quelques abus : soyons vigilants. La région peut prendre en charge une partie de la rémunération pour remédier à l'orientation actuellement défavorable aux contrats en alternance par rapport aux autres contrats.
Pour mettre un terme à la remise en cause du droit au congé bonifié, il convient d'unifier la doctrine administrative. L'AP-HP applique des règles très différentes d'autres administrations publiques ou collectivités. Quant à la jurisprudence du Conseil d'État, elle laisse subsister une marge d'interprétation et la notion de « centre d'intérêts matériels et moraux » est appréciée diversement.
Le président de la République avait, lors d'un déplacement à La Réunion, indiqué son souhait de donner priorité, dans le cadre du droit commun, aux demandes de mutation de ceux qui avaient fait un effort de qualification et de formation. Il n'est bien sûr pas question d'écarter les agents hexagonaux des postes outre-mer. Mais organiser des concours sur place pour les postes de la fonction publique d'État, les hôpitaux, voire la magistrature - Mme Lebranchu examine cette affaire - et faire mieux connaître les vacances de postes seraient des progrès bienvenus. L'éducation nationale pratique déjà la bonification de points destinée à accélérer le retour, le système peut encore être amélioré. Cependant, il est toujours bon d'aller frotter son esprit à d'autres environnements. Je comprends les jeunes professeurs de Martinique qui refusent l'idée d'un poste dans l'hexagone, mais j'ai du mal à les approuver. Quant aux contractuels qui réussissent un concours, on leur refuse le maintien dans leur poste au motif que celui-ci n'a pas vocation à être occupé par un titulaire et on leur propose autre chose... dans l'hexagone. J'encourage en tout cas nos compatriotes insulaires qui vivent ici et ont des postes de catégorie C à passer des concours de niveaux B voire A, car les besoins en encadrement, outre-mer, sont réels.
Bref, un énorme effort reste à accomplir dans la gestion des postes de la fonction publique, mais la tendance lourde est à la décrue du nombre de fonctionnaires et je suggère de passer également des chartes avec des entreprises privées pour inciter aux recrutements sur place. D'autant que les diplômés bac + 4 ou bac + 5 qui voient arriver de l'hexagone des personnes embauchées « à leur place » en conçoivent de l'amertume ; cette irritation nourrit des mouvements habiles à faire de cette question sensible un fonds de commerce.
Relations entre le ministère, les parlementaires et les citoyens : je me fais un devoir, qui est aussi un plaisir, de recevoir tous les parlementaires d'outre-mer d'ici à la fin de la session de juillet. Nous devons travailler ensemble, en amont de l'examen des projets ou propositions de loi, sur la vie chère par exemple, et j'associe à mon action non seulement les parlementaires mais les élus locaux, surtout ceux qui dirigent des exécutifs locaux, ainsi que les conseillers économiques et sociaux. Il y a 37 autres ministres, 21 sénateurs, 27 députés, 11 territoires...