Intervention de François Fatoux

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 12 juillet 2012 : 1ère réunion
Femmes et travail — Audition de M. François Fatoux délégué général de l'observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises orse

François Fatoux, délégué général de l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises :

L'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) a la chance de rassembler l'ensemble des confédérations syndicales - dont certaines équipes travaillent spécifiquement sur le sujet de l'égalité professionnelle - et des entreprises engagées sur cette question, qui nous permettent de nous appuyer sur les pratiques qui nous paraissent être les plus innovantes, que nous nous employons à diffuser, via notamment la publication de guides pédagogiques.

Nous avons, à cet égard, publié un premier document pédagogique en 2004, sous forme de fiches, afin de permettre aux entreprises qui souhaitent avancer sur le sujet de se saisir de l'ensemble des aspects de la vie au travail concernés par cette problématique - que ce soit les questions de recrutement, de formation, de mobilité, de condition et d'organisation du travail, d'accès aux postes à responsabilité...

Ce document a été réalisé en concertation avec le Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes du ministère et avec l'ensemble des organisations syndicales. S'il devait être réactualisé, je pense que nous aurions également l'appui du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Nous avançons donc sur le chemin des bonnes pratiques avec l'appui des organisations professionnelles et syndicales.

Je précise que je suis également engagé, à titre personnel, sur ce sujet au sein du Conseil supérieur de l'Égalité et au sein du conseil d'administration au Laboratoire de l'Égalité. J'ai par ailleurs participé, à titre personnel, à la rédaction d'un rapport, publié par Terra Nova, qui avait pour ambition de traiter du sujet de l'égalité entre les hommes et les femmes à travers le prisme de l'implication des hommes.

Pour commencer, je rappellerai rapidement les difficultés et les enjeux du sujet. En matière d'égalité professionnelle, comme vous le savez, les avancées achoppent sur la difficulté de faire appliquer la loi.

Mes récents échanges avec les responsables syndicaux et institutionnels, notamment lors de la récente conférence sociale, me conduisent à penser qu'un point fait consensus, au-delà de la question de la réforme de la loi et des décrets d'application, c'est que de bonnes pratiques ont déjà été mises en place au sein des entreprises, mais qu'elles n'ont pas assez de visibilité au niveau national.

Très clairement, je pense que nous ne pourrons aller plus loin aujourd'hui que si nous disposons d'une meilleure connaissance des pratiques et des enjeux par secteurs d'activité. Je suis convaincu que l'on ne peut traiter de questions comme par exemple le temps partiel subi, sans y intégrer une dimension sectorielle : les caractéristiques du temps partiel d'une caissière ne sont, par exemple, pas les mêmes que celles du temps partiel d'une femme qui travaille dans une entreprise de nettoyage. Nous nous sommes, à cet égard, donné pour objectif de travailler à un guide pédagogique qui mettrait en avant les enjeux prioritaires par secteur d'activité.

A titre d'exemple, prenons la question de la précarité. Elle a du sens dans le secteur de l'automobile ou de l'intérim. En a-t-elle aussi dans le secteur bancaire ? A priori, on aurait tendance à considérer que non, mais aucun outil statistique ne nous permet de l'affirmer.

Le manque d'outil statistique est très problématique. J'en ai fait l'expérience récemment, à l'occasion d'une intervention en région Poitou-Charentes : plus d'une centaine d'accords d'entreprise ont été conclus dans cette région et, malgré cela, ni le MEDEF, ni les organisations syndicales, ni les pouvoirs publics ne disposaient d'éléments susceptibles de fournir une base à la discussion.

A côté du guide des bonnes pratiques, qui a fait l'objet de trois mises à jour et d'une impression pour en faciliter la diffusion par les préfectures, les services aux droits des femmes, les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), les syndicats et les entreprises notamment, l'ORSE gère actuellement un site internet qui met en ligne l'ensemble des accords d'entreprise qui traitent de la question de l'égalité professionnelle.

De nombreux acteurs, parmi lesquels l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), les syndicats, mais aussi les pouvoirs publics, s'appuient sur cette base de données pour réaliser leurs propres études. Nous diffusons, par ce biais, aujourd'hui, environ 200 à 250 accords d'entreprise que nous collectons sur une base volontaire. Mais nous sommes encore loin du compte, car la question de savoir si l'autorisation de l'entreprise est nécessaire pour la mise en ligne de ces documents n'est pas tranchée.

Chaque fois que nous avons sollicité à ce propos la Direction générale du Travail (DGT), à qui la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) envoie l'intégralité des accords d'entreprise qu'elle collecte, il nous a été répondu que cette question était en suspens.

Alors que l'ensemble des acteurs ainsi que les chercheurs avec qui nous travaillons, notamment Rachel Silvera ou Jacqueline Lauffer, s'accordent à penser qu'il faut améliorer la visibilité de ces bonnes pratiques, particulièrement maintenant que la loi rend obligatoire la rédaction soit d'accords négociés, soit de plans d'action unilatéraux, il faudrait que l'ORSE puisse avoir accès à l'ensemble de ces documents, centralisés par les DIRECCTE et transmis au niveau central à la DARES.

Nous avions, à cet égard, remis il y a quelques années au ministre du travail de l'époque, M. Xavier Darcos, à sa demande, un rapport dressant les contours d'un site Internet qui aurait répertorié les « pratiques d'excellence sociale », formalisées notamment dans les accords négociés et les plans d'action unilatéraux et qui aurait permis aux entreprises d'identifier les bonnes pratiques des autres établissements du même secteur d'activité et situés dans la même zone géographique.

Le successeur de M. Darcos n'a pas souhaité donner suite à ce rapport, mais nous l'avons transmis très récemment à la ministre chargée des droits des femmes, en espérant qu'il pourra servir de support pour accompagner les changements de réglementation et permettre notamment aux petites et moyennes entreprises (PME) de travailler sur les problématiques qui leur sont propres en matière d'égalité professionnelle.

J'ai récemment été en contact avec une entreprise de gardiennage qui emploie une centaine d'hommes. Parce que la direction des ressources humaines ne s'estimait pas concernée par la problématique de l'égalité, cette entreprise n'a pas rédigé de plan d'action et se trouve donc en contravention avec la réglementation.

Pourtant, certaines entreprises du même secteur ont mis en oeuvre des actions très concrètes pour augmenter le recrutement de femmes et favoriser la conciliation des temps.

Il faut donc encourager la diffusion sectorielle des bonnes pratiques pour que les négociations de branche - qui sont devenues légalement obligatoires - puissent s'appuyer sur des éléments de diagnostic.

Si, en effet, certains secteurs - tels les assurances ou les banques - ont les moyens de disposer d'un observatoire des métiers, la plupart des partenaires sociaux des autres branches manquent cruellement de visibilité.

Je précise que la base de données que nous envisageons serait gratuite, mise à la disposition des institutions, des chercheurs, des journalistes...

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