En 2010, trois rapports sur le crédit d'impôt recherche (CIR) ont été publiés : celui de notre ancien collègue Christian Gaudin, celui de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale et celui de l'inspection générale des finances. En 2011, la Cour des comptes s'est également penchée sur le CIR. Dès lors, pourquoi ce nouveau rapport alors que nous disposons déjà de suffisamment d'éléments pour apprécier l'efficacité de ce dispositif fiscal ? Il m'a semblé utile que notre commission puisse donner son avis sur le bilan de la réforme de 2008, qui a fait passer le montant du CIR de 1,5 à 5 milliards d'euros par an, d'autant qu'une réforme de ce dispositif est évoquée, peut-être dès la loi de finances pour 2013.
De plus, nous avons entendu des affirmations peu fondées sur le CIR, qui faussent le débat public. En revanche, il serait utile de corriger le dispositif, du fait de certaines incohérences.
Quelques mots, tout d'abord, sur le crédit d'impôt recherche : nous devons distinguer le coût budgétaire des créances des entreprises. En 2012, la créance de ces dernières s'élevait à 5,3 milliards alors que le coût budgétaire ne se montait qu'à 2,3 milliards. Le dispositif est en effet conçu pour que le remboursement du CIR soit étalé sur quatre ans. Le décalage est aujourd'hui d'autant plus important que le plan de relance a prévu en 2009 et 2010 le paiement par l'Etat de la totalité de sa dette vis-à-vis des entreprises. Nous avons donc assisté à des remboursements importants durant ces deux années, suivis d'un creux. A partir de 2014, les montants devraient s'équilibrer entre 5 et 6 milliards d'euros par an. L'évolution sera ensuite fonction de la croissance du PIB.
Je veux revenir sur six affirmations contestables concernant le CIR.
Le CIR, dit-on, bénéficierait essentiellement aux services, et pour environ 20 % aux banques et aux assurances. Ces chiffres figuraient dans un rapport de l'Assemblée nationale, mais il s'agissait de chiffres transmis par le gouvernement de l'époque, qui avait classé avec les banques et les assurances les holdings industrielles. En réalité, le CIR bénéficie au secteur industriel pour ses deux tiers, le tiers restant allant à des services souvent très proches des branches industrielles, les banques et les assurances ne représentant que 1,8 % de la dépense fiscale.
Deuxième critique : le CIR ne bénéficierait qu'aux grandes entreprises. Là encore, l'affirmation est contestable : les bénéficiaires d'au moins 5 000 salariés ne perçoivent que 32 % du CIR, contre 37 % pour ceux de 250 à 4 999 salariés et 29 % pour ceux de moins de 250 salariés.
Troisième critique non fondée : le coût du CIR augmenterait de façon incontrôlable. A l'automne 2007, le coût du crédit d'impôt recherche avait été estimé à 3 milliards par an au terme de la réforme qui devait être engagée en 2008. Le rythme est plutôt de 5 à 6 milliards. Cette difficulté à en apprécier précisément le coût tient notamment à l'effet de levier qui peut aller de 1 à 2. Pour l'instant, une étude économétrique réalisée en 2011 pour le ministère de la recherche évalue cet effet de levier à 1,3 : pour un euro de CIR, il en résulterait 1,3 euro d'investissement supplémentaire en R&D.
Autre critique : le CIR ferait l'objet de fraudes et d'optimisations importantes. Là encore, l'affirmation est contestable. L'éligibilité de la dépense au CIR est assez complexe. Craignant les contrôles fiscaux, les entreprises tendent plutôt à sous-estimer le montant de leurs dépenses en R&D. L'ensemble de celles-ci s'élève à 26,3 milliards. Or, seuls 17 milliards sont déclarés au CIR. Cela vient certes notamment du fait que les dépenses réalisées par des sous-traitants sont plafonnées ; mais cet écart ne peut être expliqué sans supposer une certaine sous-déclaration de la part des entreprises.