Intervention de Michel Berson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 juillet 2012 : 1ère réunion
Contrôle budgétaire — Crédit d'impôt recherche cir - communication

Photo de Michel BersonMichel Berson, rapporteur spécial :

Il existe bien sûr des pratiques de fraude et d'optimisation, mais le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche estime que s'il faut être « attentif à de possibles créations artificielles de filiales à des fins d'optimisation fiscale, l'administration n'a pas constaté d'abus à cet égard ». Il ne semble donc pas y avoir de fraude à grande échelle, comme on a pu l'entendre dire. Pour ce qui concerne les cabinets spécialisés, des mesures spécifiques ont été prises dans la loi de finances pour 2011 afin de maîtriser le phénomène. Le problème de l'optimisation est le fait de grandes entreprises dont le taux marginal de CIR baisse à 5 %, dès le seuil de 100 millions de R&D franchi. On cite parfois le cas d'un grand groupe pétrolier qui a créé une centaine de filiales pour bénéficier du taux de 30 %.

Autre affirmation qu'il convient de relativiser : le CIR ne sert que très peu à financer les dépenses de R&D à l'étranger. Le droit communautaire permet de sous-traiter des activités de recherche dans d'autres pays, mais la loi a plafonné ces dépenses externalisées dans l'espace économique européen si bien que, selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, seuls 2 % du CIR financent des dépenses réalisées hors de France.

Le crédit d'impôt recherche apparaît comme une des rares dépenses fiscales efficientes. Le rapport Guillaume de l'IGF a même attribué au CIR la note maximale de 3, soit celle attribuée à seulement 15 % du montant total des dépenses fiscales. Selon mes estimations, la réforme de 2008 devrait entraîner une augmentation d'environ 0,5 point du PIB au bout d'une quinzaine d'années. Le CIR s'autofinancerait ainsi à l'issue de ce délai, les recettes supplémentaires couvrant le coût du dispositif fiscal. De plus, le CIR permet d'améliorer la compétitivité de l'industrie. Comme la crise de la zone euro oblige les Etats membres à réduire leurs déficits extérieurs, ils sont obligés soit de réduire leur croissance, soit d'améliorer leur compétitivité.

J'en viens à mes 25 propositions : je ne présenterai que les douze principales, qui tiennent compte de nos contraintes budgétaires et qui visent toutes à supprimer l'effet d'aubaine pour les grands groupes et à réorienter le CIR vers les PME et les ETI. Tout d'abord, le Gouvernement doit indiquer rapidement les orientations qu'il entend prendre pour les cinq années à venir car les entreprises souhaitent être éclairées sur l'avenir du CIR.

Ma première proposition vise à instaurer un barème à trois taux : il faudrait faire passer le taux de 30 % à 40 % pour les PME et les ETI indépendantes, garder les 30 % pour le régime commun et passer de 30 % à 20 % pour les bénéficiaires de plus de 5 000 salariés. Ce dispositif serait plus efficace dans la mesure où les incitations seraient plus importantes pour les PME et les ETI et permettrait de mettre fin au gaspillage de l'argent public pour les grandes entreprises : le CIR n'a en effet aucun effet incitatif sur les dépenses de R&D supérieures à 100 millions puisque le taux de 5 % est négligeable. Le coût de cette mesure serait de 200 millions d'euros pour les PME indépendantes et de 150 millions d'euros pour les ETI, et le gain espéré de la suppression de la tranche à 5 % de 300 millions. Le dispositif que je vous propose est donc globalement équilibré.

Je préconise aussi le versement trimestriel du CIR aux PME et ETI, ou du moins l'extension aux ETI du remboursement l'année n+1. Cela ne coûterait pas un sou à l'Etat, hormis la première année : 1,2 milliard d'euros, ou 800 millions si l'on réserve la mesure aux seules PME indépendantes.

Il convient aussi d'exclure du bénéfice du CIR les dépenses de recherche-développement réalisées à des fins d'intervention sur les marchés financiers : quoique les banques et les assurances perçoivent moins de 2 % du CIR, le fait qu'elles en bénéficient est très mal perçu par l'opinion, non sans raison.

Il faut aussi encourager la collaboration entre le public et le privé et inciter les grands groupes à sous-traiter leurs travaux de recherche à des organismes publics, en portant le plafond de 12 à 20 millions d'euros. Pour favoriser l'embauche de jeunes docteurs, je préconise de continuer à doubler le CIR les deux premières années, mais en supprimant la clause de stabilité des effectifs globaux.

Je souhaite que soit préservée la neutralité sectorielle du CIR. En revanche, les subventions sur projet aux entreprises des filières d'avenir pourraient être augmentées. Bruxelles s'opposerait sans doute à ce que le CIR soit réservé à certains secteurs.

Actuellement, les dépenses externalisées prises en compte pour le CIR sont plafonnées : cela en réduit l'assiette d'environ 5 milliards d'euros. Il serait envisageable de supprimer ces plafonds et, pour limiter la fraude, de faire des sous-traitants les bénéficiaires. Cette mesure, efficace et saine, pourrait cependant coûter jusqu'à 1,5 milliard d'euros à taux constant...

Je fais la proposition nouvelle de créer un dispositif de suivi en temps réel et de pilotage de l'offre de chercheurs, car il faut éviter que le CIR ne serve qu'à augmenter le salaire des chercheurs sans effet sur le PIB, alors que l'objectif est de faire embaucher de nouveaux chercheurs, qui doivent donc être formés. Selon une étude du Trésor de janvier 2009, la réforme de 2008 impliquerait de porter temporairement de 6 000 à 11 000 le nombre annuel d'embauches de chercheurs par les entreprises. L'offre de l'enseignement supérieur n'y suffira pas, et il faudra recourir à l'immigration ; l'abrogation de la circulaire Guéant est à cet égard très bienvenue. Peut-être faudra-t-il prendre d'autres mesures législatives ou réglementaires, sans se dispenser de mieux valoriser les métiers de la recherche.

Pour renforcer la sécurité juridique des entreprises, je suggère de préciser dès 2012 dans un protocole les modalités de coopération du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche avec les directions du contrôle fiscal. Les experts de la rue Descartes évaluent si des dépenses sont éligibles au CIR, mais le contrôle est réalisé par Bercy. Il n'existe d'ailleurs aucun critère pour le recrutement des experts, ni aucune liste nationale ; il peut y avoir des conflits d'intérêts. Des règles non écrites existent, mais elles datent d'il y a dix ans, quand il y avait trois ou quatre fois moins d'entreprises à contrôler. J'estime aussi qu'un décret devrait être pris dès cette année pour assurer le respect du principe du contradictoire vis-à-vis de l'expert du ministère. A en croire le Gouvernement, le protocole et le décret sont en cours d'élaboration.

D'autres propositions figurent dans le rapport, et je me permets de vous y renvoyer.

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