ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - Il y a urgence sur le front de l'emploi, ce qui nécessite de mener une action avec des moyens renforcés. Le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter et les derniers chiffres montrent que les moins de vingt-cinq ans et les plus de cinquante-cinq ans sont cruellement frappés, de même que les chômeurs de longue durée, dont le nombre n'a jamais été aussi élevé.
Il y a urgence, aussi, pour Pôle emploi, qui est mis à rude épreuve. Le nombre des agents au contact avec les chômeurs doit être renforcé : nous y parviendrons par le redéploiement de deux mille postes et l'embauche de deux mille agents supplémentaires en CDI.
Urgence, enfin, pour les emplois aidés, sachant que sur les 340 000 qui avaient été programmés pour 2012, 250 000 ont déjà été utilisés au cours des quatre premiers mois de l'année, juste avant les échéances électorales... Les présidents de conseils généraux s'alarment, craignant un fort report sur les dépenses de RSA... Le Premier ministre a donc autorisé la création de 80 000 emplois aidés supplémentaires, dont la durée moyenne devrait être de neuf mois, sachant qu'elle est aujourd'hui inférieure à six mois, soit un laps de temps beaucoup trop court pour assurer la réinsertion de publics que, comme élus locaux, vous connaissez bien.
Au-delà, face au phénomène lourd et complexe de la désindustrialisation et des risques de marginalisation qu'elle comporte, nous devons aider entreprises et salariés à s'adapter aux évolutions économiques. Non seulement à chaud, mais en promouvant une méthode nouvelle. On m'objectera que la négociation sociale n'est pas une nouveauté, et qu'il y fut encore fait appel en janvier dernier, avec le sommet social de l'Elysée. En effet. Deux mois furent accordés aux partenaires sociaux pour se mettre d'accord sur un sujet aussi complexe que les accords compétitivité-emploi, moyennant quoi rien n'a pu aboutir. Nous avons voulu engager le dialogue social d'une autre façon.
Nous avons réalisé un énorme travail en amont de la conférence sociale pour que chaque participant y trouve un intérêt. Je vous renvoie à ce sujet à la feuille de route qui établit les différences et les convergences entre organisations.
Autre élément préalable sur lequel j'insiste : la conférence sociale est le début d'un processus qui s'inscrit dans le temps. Même si la plupart des participants se sont déclarés satisfaits de son déroulement, notre objectif va au-delà : la conférence passée, tout le monde sera-t-il présent dans le navire de la concertation ?
Avant de vous présenter les sujets mis en discussion au sein des sept tables rondes, je voudrais évoquer les questions que nous nous sommes posées. De quels sujets voulions-nous parler ? Licenciements, contrats de génération, formation professionnelle, orientation, salaires, minima des branches, rémunérations les plus élevées des salariés ou des mandataires sociaux ? Quels sujets intéressent le patronat, les salariés, représentés par les cinq grandes organisations syndicales ainsi que par les syndicats considérés comme non représentatifs, mais que nous avons invités ? Quant aux collectivités territoriales, elles sont à la fois partie prenante des politiques de l'emploi, de la formation, de l'industrialisation et du redressement productif, et employeurs. Il est vrai que les parlementaires n'ont pas été associés, mais vous connaissez le droit français : toute négociation ou concertation se termine par une loi.
Quelle méthode voulons-nous suivre ? Entre la concertation et la négociation, le champ est vaste. Relèvent de la concertation les initiatives gouvernementales, par exemple les emplois d'avenir, sur lesquels les partenaires sociaux peuvent demander à être saisis. Une concertation aura lieu, mais le Gouvernement reste responsable de la proposition qu'il fera. De même, faut-il réformer le Smic ? La question est posée par le Gouvernement, elle donnera lieu à une loi et les partenaires sociaux sont en droit d'exprimer une opinion.
On parle de négociation, au sens de la loi Larcher, lorsque les partenaires sociaux se saisissent d'un sujet pour rechercher, en toute autonomie, un accord. Pour que cet accord soit valable, il faut que des organisations syndicales représentant au moins 30 % des salariés le signent, sans que des syndicats représentant 50 % des salariés s'y opposent. Si un accord est trouvé, il est présenté au Gouvernement et au Parlement : le plus souvent il est traduit par une loi, mais le Gouvernement reste juge et le Parlement apprécie.
L'assurance chômage relève exclusivement de la négociation entre partenaires sociaux. L'actuelle convention d'assurance chômage est valable jusqu'en 2013 et ses évolutions futures seront décidées par les organisations d'employeurs et de salariés. Il en est de même pour les régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco (association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et association pour le régime de retraite complémentaire des salariés), que les partenaires sociaux devront réformer.
Entre ces deux pôles existe tout un champ qui peut faire intervenir l'Etat et les partenaires sociaux, par exemple le sujet des retraites. Dès la rentrée prochaine se tiendront des négociations tripartites pour définir les évolutions nécessaires au maintien du régime de retraite par répartition. De même, les partenaires sociaux ont souhaité que soit discutée la question du financement des régimes de solidarité : est-il normal que ces régimes, qui bénéficient à tous les Français, soient financés uniquement par le travail ?
Enfin, nous avons établi un calendrier extrêmement serré qui ne dépasse pas la fin du premier semestre 2013 et bien souvent fixe pour échéance la fin 2012. Concrètement, de la première semaine de septembre jusqu'à la dernière de juin, les partenaires sociaux auront des semaines très chargées.
Nous avons donc visé l'exhaustivité, le respect des partenaires sociaux et l'efficacité.
Parmi les sept tables rondes de la conférence sociale, j'ai animé celle dédiée à l'emploi des jeunes. A son ordre du jour, figuraient les emplois d'avenir et les contrats de génération, qui visent à permette à un jeune de rentrer sur le marché de l'emploi et à un salarié plus âgé d'y rester en transmettant son expérience. Le dispositif, qui s'appliquera dès 2013, a suscité le même intérêt de la part de tous les partenaires sociaux, qui ont souhaité une négociation sur ses conditions d'application. Celles-ci tiendront compte, en effet, de la taille des entreprises et de leur secteur. Nous avons évoqué le chômage partiel, trop faiblement utilisé en France. La grande négociation sur l'emploi portera sur l'anticipation des évolutions de l'activité, l'accompagnement des mesures économiques, la question des licenciements, les obligations des entreprises qui se livrent à des fermetures de sites rentables, et la lutte contre la précarité sur le marché du travail. Aujourd'hui, 75 % des jeunes rentrent sur le marché du travail par le biais d'un CDD ou d'un contrat d'intérim : le CDI est devenu une exception. Est-ce normal ? Autre chiffre, récent puisqu'il date du mois de mai : plus de 90 % des entrées à Pôle emploi ne sont pas dues à des licenciements économiques mais à des ruptures conventionnelles, à des fins de mission, de CDD... Nous devons aussi nous intéresser à ces 90 % de demandeurs d'emploi, de même qu'aux salariés à temps partiel subi. Cette négociation s'ouvrira en septembre et doit déboucher sur un accord à la fin du premier semestre 2013.
La deuxième table ronde a porté sur les compétences et la formation tout au long de la vie. Personne n'est demandeur de grandes réformes dans ce domaine mais tout le monde est demandeur de plus d'efficacité. Les élus des régions en savent quelque chose, et ce sujet est en lien avec la nouvelle phase de décentralisation souhaitée par le Gouvernement.
La troisième table ronde a traité de l'évolution des grilles de salaires. Certains minima des grilles conventionnelles sont inférieurs au Smic. Autre sujet : la transparence des rémunérations les plus élevées dans les entreprises. Il n'appartient pas à la loi de fixer une borne aux rémunérations, mais elle peut réglementer certaines modalités de rémunérations - retraites chapeau, stock-options par exemple - et améliorer la transparence. En Grande-Bretagne qui n'est pas un pays réputé « gauchiste », les rémunérations des mandataires sociaux sont totalement transparentes. Et je suis persuadé que 99 % des patrons français m'approuvent.
La quatrième table ronde a traité de l'égalité salariale et professionnelle. Nous n'avons ici nul besoin de nouvelle loi : il faut simplement appliquer celles qui existent. Une négociation est déjà engagée sur la qualité de vie au travail. En ce qui concerne l'interdiction des différences salariales entre hommes et femmes, la loi existe mais il faut s'interroger sur l'évolution des carrières : les conditions d'organisation du travail sont-elles compatibles avec l'égalité professionnelle ? Une négociation sera ouverte, qui doit être terminée à la fin de l'année.
La cinquième table ronde a porté sur le redressement productif, et notamment sur l'implication des collectivités territoriales, essentielle sur ce terrain.
La sixième a posé la question de l'avenir des retraites - chacun sait que la dernière réforme n'assurait l'équilibre que jusqu'en 2015 - et celle du financement de notre protection sociale.
Enfin, la septième table ronde s'est consacrée à la modernisation de l'action publique avec ses agents.
Bien sûr, on peut nous reprocher de trop parler et de ne pas assez agir. Mais je suis convaincu que plus nous sommes dans la difficulté, plus nous devons recourir à la négociation. Les grands pays confrontés aux mêmes difficultés, et qui réussissent à les traverser sans trop de dommages, ont recherché des convergences et élaboré des compromis. Il ne s'agit pas d'imiter en tout point les Allemands, qui ont aujourd'hui un taux de chômage inférieur à 6 %, mais d'inventer le dialogue social à la française, pour avancer et prévenir plutôt que d'agir dans l'urgence. L'objectif n'est pas simple, mais mérite d'être poursuivi.