Nous sommes aujourd'hui particulièrement vigilants quant à la façon dont notre économie traditionnelle, fondée sur le partenariat avec les auteurs et notre relation privilégiée avec les libraires, fait face à l'arrivée du monde numérique porteur de nouveaux usages.
Compte tenu de l'état préoccupant de fragilité des librairies, le retour à une TVA à 5,5 % serait une bonne chose, le meilleur moment pour la mettre en oeuvre étant, au vu des difficultés techniques liées à une nouvelle modification des prix, le début de l'année 2013. Nous soutenons l'idée consistant à profiter de ce changement de taux pour créer un fonds de soutien aux libraires destiné à leur apporter une aide de trésorerie, ainsi qu'aux investissements, notamment informatiques. Précisons que l'augmentation des prix de nos livres est inférieure à celle de l'indice des prix à la consommation, le prix moyen du livre en France de 9 euros étant très en dessous à la moyenne européenne. C'est un effet positif de la loi sur le prix unique pourtant dénoncée par M. Jeff Bezos, le patron d'Amazon, comme anticoncurrentielle et antilibérale. Cette baisse de la TVA pourrait se traduire par une pause dans l'augmentation des prix qui serait annoncée aux consommateurs, afin de ne pas donner prise aux mêmes critiques que celles adressées à la restauration.
Si certaines librairies fonctionnent, le marché est tout de même en recul de 5 % et même de davantage si l'on ne tient pas compte d'Amazon. Comme pour le cinéma, il est en fait très sensible aux best-sellers comme Harry Potter ou Twilight. Avec un chiffre d'affaires de 2,8 milliards d'euros pour 450 millions d'ouvrages vendus, le livre demeure la première industrie culturelle mais il convient de défendre nos valeurs dans le monde numérique face à des propositions comme celles d'Amazon qui proposent de payer aux auteurs jusqu'à 70 % de droits, alors que ceux-ci s'établissent aujourd'hui à 25 % du prix net, soit 16 % du prix public et que, si les discussions avec le CPE (conseil permanent des écrivains) ont buté sur la question de la symétrie des droits, nous espérons renouer le dialogue pour trouver un accord en vue de la réunion du CSPLA (conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique) d'octobre. Dans notre système, les éditeurs ont une obligation de rendre des comptes qui conditionne la cession des droits alors que la proposition d'Amazon aux auteurs ne comporte rien de tel et que tout pourrait être arrêté à tout moment. Il s'agirait donc plutôt d'une forme d'autoédition. Ce miroir aux alouettes ne doit pas être confondu avec notre travail de fond qui s'inscrit dans la durée.
La France a été sommée de renoncer à son dispositif sur la TVA : c'est un motif d'inquiétude. L'est aussi l'accord en discussion entre les États-Unis et l'Europe dont se réjouit M. Almunia. Ceci, ajouté à la visite d'une centaine d'inspecteurs dans nos maisons d'édition l'an dernier, présente le risque de remettre en cause notre système de prix de vente. Or nous avons besoin de travailler dans des conditions où chacun trouve son compte car un livre ne se réduit pas à un simple texte mis en circulation. Sur ce point, nous nous félicitons de l'accord passé entre Google et la SGDL (société des gens de lettres de France), notamment sur la nécessité de l'accord de l'auteur pour présenter un texte.
A ces enjeux, s'ajoute celui du développement de la lecture plus tôt chez les jeunes, un concours de lecture à haute voix ayant été lancé avec le soutien de Google et de France Télévisions auprès des élèves de CM2.
Il faut aussi avancer sur les oeuvres indisponibles. De nombreuses réunions avec la Caisse des dépôts et consignations et le Commissariat général à l'investissement ayant donné lieu à la mise en place de lignes, nous espérons que la production commencera en fin d'année. Parallèlement à la prise du décret relatif à ces oeuvres, nous pensons que le recours au système Sofia serait un bon choix. Nous aurions ainsi réalisé un bel ensemble, associant secteurs public et privé, et comprenant Gallica, Europeana et les oeuvres indisponibles ; ce qui ne manquerait pas d'intéresser nos voisins.
Notre métier est méconnu mais il est nécessaire au moment où nous devons, par le plaisir de lire, continuer de séduire des consommateurs aujourd'hui aussi attirés par le monde numérique.