Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 17 mars 2005 à 9h30
Avenir de l'école — Article 6

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

... avait désigné comme étant une condition indispensable à tout enseignement, l'éros qui est à la fois désir, plaisir et amour de transmettre.

C'est dire, monsieur le ministre, la nécessité de réinstituer le savoir dans l'ordre du désirable et de lui restituer sa place dans l'univers du symbolique.

C'est sans doute pour avoir omis cette dimension, que vous voulez réintroduire dans le projet qui nous est soumis, que nous avons au sein de notre école des enfants qui parcourent leur scolarité avec une insécurité, notamment une insécurité linguistique, sans précédent : enfants mal entendus parce que les questions qu'ils ont posées tout au long de leur apprentissage sont restées sans réponse, mais aussi enfants du malentendu parce qu'ils ont été confortés dans l'idée que la compréhension va de soi, qu'elle va sans dire et sans lire, pour peu qu'on les cantonne dans cet espace restreint.

Dans ce contexte, les enfants vont en classe exclusivement parce que c'est obligatoire, et la conséquence en est un désinvestissement personnel à l'égard des apprentissages élémentaires qui en feront des pauvres du langage, conduisant non seulement à des troubles du langage, mais aussi à des difficultés de concentration, à des conduites de fuite. Faute de mots, ils se serviront de leurs poings.

C'est dire aujourd'hui que la question de l'école et du socle de connaissances, comme celle de l'illettrisme, n'est pas d'ordre exclusivement technique, car elle serait alors réductrice et partielle. Elle appelle une réponse politique globale au sens où ce terme situe tout événement dans une relation inséparable de son environnement physiologique, médical, culturel, social, économique et politique.

Aussi, monsieur le ministre, les méthodes pédagogiques nous permettent de comprendre que, par la méthode enseignée, les pédagogies actuelles peuvent créer une confusion entre les différents niveaux de codage et de décodage ; plus encore, la question du socle de connaissances, de la lecture et de l'écriture traduit aussi quelque part le paradigme d'un nouveau tempo de la pensée puisque, aujourd'hui, le temps de la maturation de la pensée, nécessaire à toute compréhension, le temps de la genèse et de la filiation, laissent la place au temps du discontinu et de l'éphémère.

De plus, si la fonction d'autorité inhérente à tout apprentissage devient incertaine pour l'élève, celui-ci risque d'aborder l'école avec une certaine désaffection pour celle-ci : elle n'est alors qu'obligatoire. L'élève perdra alors la saveur d'apprendre, celle qui permet d'accéder à la signification des mots et des concepts, celle qui facilite la compréhension du monde, en dissipant peur et insécurité et en permettant de construire sa pensée. Cette saveur d'apprendre se construit bien évidemment non seulement à l'école élémentaire, mais également à l'école maternelle.

Telles sont les quelques observations que je tenais à formuler, mes chers collègues, alors que nous abordons l'examen de l'article 6, un article, je le répète, fondamental dans le projet de loi qui nous est soumis.

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