Cet amendement, toujours sur le contenu du fort discuté socle commun de compétences et de connaissances, porte sur la question de la connaissance de la réalité francophone et de la diversité culturelle.
L'un des enjeux du service public de l'enseignement réside, en effet, dans la perception que l'on peut laisser de la réalité du monde pour les élèves et les étudiants.
En effet, c'est peu de dire que la vision du monde qui s'impose de plus en plus et au plus grand nombre est une vision par trop unipolaire, attestée d'ailleurs, qu'on le veuille ou non, par la primauté de l'enseignement de l'anglais sur toutes les autres langues étrangères, avec tout ce que cela implique pour la connaissance des cultures et des civilisations relevant d'autres langues. C'est tout le problème de la globalisation. Permettez-moi une réflexion à ce propos.
Plus encore que le hamburger, c'est le ketchup qui est, pour moi, le symbole de cette globalisation ; il est synonyme d'uniformisation du goût. Je me souviens qu'il y a quelques années un mouvement s'était constitué contre la « néfaste food ». Lutter contre le hamburger peut paraître idiot ; mais ce n'est pas une question de survie de telle ou telle cuisine ou de telle ou telle gastronomie. Non ! Il s'agit d'une question de philosophie. Le hamburger comme le ketchup participent en effet d'une même volonté d'uniformiser le monde.
Pour demain, le programme est le suivant : un seul aliment, le ketchup, une seule chaîne de télévision, CNN, un seul modèle, les Etats-Unis. Oui, cela pourrait paraître un gag, mais cela nous renvoie à une stratégie, à une doctrine, comme on dit là-bas, la théologie de la sûreté, dans le monde, dans les têtes et dans les assiettes !
Pour revenir à cet amendement, la francophonie souffre, alors même que notre langue est théoriquement parlée dans un grand nombre de pays sur la planète, de cette imprégnation profonde de l'anglais et de la culture anglo-saxonne dont les manifestations sont diverses, allant des modes vestimentaires aux pratiques culturelles ou « gastronomiques » les plus actuelles.
Connaître, par conséquent, la diversité culturelle et le caractère tout à fait spécifique de la francophonie nous paraît devoir constituer un élément fondamental de la culture scolaire commune des élèves.
La francophonie vivante, c'est la connaissance des grands auteurs de l'Afrique noire, du Maghreb, du Proche-Orient, c'est la connaissance des métissages culturels qui en découlent, c'est la perception de l'originalité de la place de la langue française dans le concert international, mais c'est aussi rendre justice à l'histoire, qui nous a liés à nombre de ces pays dans le passé et dont nous sommes, en quelque sorte, tout autant redevables qu'héritiers.
La diversité culturelle, c'est la sensibilité à la création artistique dans sa pluralité, y compris, bien sûr, celle qui provient de la langue de Shakespeare et qui demeure trop souvent tronquée ou ignorée dans sa richesse réelle.