Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 24 juillet 2012 à 22h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Article 1er

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tour à tour présentée comme une « TVA sociale », une « TVA compétitivité » et enfin une « TVA anti-délocalisations », le dispositif que tend à supprimer l’article 1er n’était, en réalité, qu’une TVA à injustice renforcée.

Personne n’ignore que, par nature, la TVA est un impôt injuste : en raison de sa non-progressivité, elle pèse plus lourdement sur les ménages modestes que sur les plus fortunés de nos concitoyens.

Selon l’économiste Yves Housson, « la TVA avale 8 % du revenu d’un smicard en moyenne, mais seulement 4 % du revenu des 10 % de Français les plus riches ». Cela s’explique notamment par le fait que ces derniers, contrairement aux autres, disposent de plus grandes capacités d’épargne, qui échappent à la TVA.

La hausse de la TVA instaurée par Nicolas Sarkozy aurait donc mécaniquement entraîné une perte importante de pouvoir d’achat et enclenché ainsi un cercle vicieux d’appauvrissement de la population, de baisse de la consommation et de réduction de l’emploi.

La rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille que je suis n’oublie d’ailleurs pas que cette augmentation n’était, en réalité, que la contrepartie d’une baisse massive des cotisations patronales finançant la branche famille.

Sous prétexte d’alléger un coût du travail prétendument trop élevé, Nicolas Sarkozy avait fait droit à la demande récurrente du MEDEF de transférer 11 milliards d’euros de charges des entreprises vers les ménages. Cet effort aurait été supporté par celles et ceux qui souffrent déjà actuellement d’une crise économique qui n’en finit plus, alors que, dans le même temps, les actionnaires continuent à se partager des dividendes toujours plus importants et que les dirigeants des entreprises bénéficient de bonus, de retraites chapeaux ou d’attributions gratuites d’actions, toutes rémunérations indécentes au regard de la situation actuelle.

Cette réduction de 11 milliards d’euros des cotisations patronales accordée sans aucune contrepartie en matière de création ou de maintien d’emplois, de salaires, de diminution du précariat n’aurait servi en fait qu’à grossir la part de la valeur ajoutée destinée à la finance et aux spéculateurs. Dans le même temps, la rémunération indirecte des salariés se serait trouvée réduite… C’était en quelque sorte Robin des Bois à l’envers !

Il s’agissait d’une opération injuste, dangereuse pour l’économie et pour le devenir même de la branche famille. Les comptes de cette dernière auraient été durablement plongés dans le rouge, la hausse de la CSG, elle aussi supportée essentiellement par les ménages, ne suffisant pas à compenser la diminution des cotisations patronales. Ainsi aurait d’ailleurs été justifiée la concentration des actions de la branche famille sur la seule distribution des allocations familiales, exigée par le MEDEF depuis des décennies. Une nouvelle fois, des mécanismes de solidarité en faveur des plus fragiles auraient été détruits.

Chers collègues de l’opposition, nous nous soucions nous aussi de la compétitivité des entreprises. Cependant, la recherche de son amélioration doit passer non par la réduction des salaires – un autre pays dans le monde aura toujours un coût du travail inférieur au nôtre –, mais par le desserrement de l’emprise de la finance sur les entreprises.

Afin de réduire cette emprise toujours plus forte, nous formulons deux propositions. Tout d’abord, nous préconisons la création d’un pôle public financier qui permettrait aux entreprises, singulièrement aux PME, aux entreprises innovantes ou à celles qui investissent dans la recherche, d’emprunter à des taux supportables. Nous prônons ensuite l’instauration d’une modulation du taux des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises : celles qui embauchent, qui privilégient l’emploi de qualité et un bon niveau de salaires bénéficieraient d’un taux nettement inférieur à celui qui s’appliquerait aux trop nombreuses entreprises faisant primer systématiquement les intérêts des actionnaires sur ceux des salariés. Voilà comment desserrer l’étau financier qui étrangle les entreprises et assurer à celles-ci une réelle compétitivité. §

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