Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 24 juillet 2012 à 22h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Article 1er

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny, rapporteur pour avis :

Vous aviez à nouveau raison d’approuver Xavier Bertrand selon qui « une hausse de la TVA pour tous les Français n’est certainement pas la solution pour abaisser le coût du travail ».

Et nous sommes certainement ici encore quelques-uns à nous souvenir de cet ancien ministre de l’économie et des finances qui démontrait devant la commission des finances du Sénat, le 4 juin 2004, que, si la TVA sociale était mise en œuvre, il en coûterait 0, 9 point de croissance à l’économie de notre pays ! Mes chers collègues, vous savez à qui je fais allusion…

Pourquoi ces rappels ? Il ne s’agit pas de provocation ; il s’agit uniquement, madame Des Esgaulx, de montrer que le problème n’est pas si simple, que la question de la TVA sociale ne saurait se réduire à des décisions hâtives ou à des affirmations péremptoires. Permettez-moi de le démontrer en m’inspirant du rapport de Mme Bricq du mois de février dernier et en insistant sur deux points : l’emploi et la compétitivité.

Sous l’angle de l’emploi, on s’aperçoit que deux phénomènes jouent en sens inverse : « d’un côté, la baisse des cotisations patronales crée des emplois, » – c’est vrai ! – « parce que la diminution du coût du travail incite les entreprises à embaucher, soit immédiatement […], soit une fois que l’amélioration de leur compétitivité-prix a accru leur activité. […] ; de l’autre côté, l’augmentation de la TVA détruit des emplois, en raison de son effet dépressif sur l’activité ».

Deux approches de la TVA sociale existent donc : « selon une première conception, la TVA sociale a pour seul objectif de créer le plus d’emplois possible. Il faut alors concentrer les exonérations de charges sur les bas salaires, dont la demande par les entreprises est la plus sensible à leur coût. Le problème est qu’alors les secteurs bénéficiant de la mesure sont pour l’essentiel des secteurs protégés et peu technologiques, et qu’il existe un risque de “trappe à bas salaires” ; selon une deuxième conception, correspondant à la TVA sociale “classique”, » – c’est-à-dire une baisse uniforme des cotisations patronales pour l’ensemble des salaires – « la TVA sociale a pour objectif essentiel de renforcer la compétitivité de l’économie par une forme de dévaluation compétitive. […], le problème étant alors que le nombre d’emplois créés s’en trouve réduit. » Le gouvernement précédent a arbitré en faveur d’une solution de ce type.

Sous l’angle de la compétitivité, quelle est la situation actuelle de notre pays ?

Je cite à nouveau le rapport de Mme Bricq : « L’indicateur le plus pertinent pour évaluer l’évolution de la compétitivité de la France est celle de sa part dans les exportations mondiales ou dans celles des États de la zone euro. […] Le rapport annuel de la Commission européenne, publié le 14 février 2012 dans le cadre de la “procédure d’alerte”, montre que la France a connu une évolution plus défavorable que celle de la plupart des États de la zone euro. […] Avec une diminution de 19, 4 % de ses parts de marchés mondiales à l’exportation au cours des cinq dernières années, la France est l’État de la zone euro le plus mal placé après la Grèce. »

Personne ne fera porter au seul gouvernement actuel la responsabilité de cette situation, pas plus que nous ne saurions nous en satisfaire. Quel que soit le gouvernement, nous avons en effet tous à cœur de défendre l’intérêt de notre pays.

Reste que, sur le fondement de ce constat, le débat qui nous occupe est bien celui de la compétitivité-prix et de la compétitivité hors coût. Je ne reprendrai pas à cet égard les propos éloquents et complets de M. le ministre délégué chargé du budget sur ce sujet. Je rappellerai simplement que, dans le dispositif imaginé par le précédent gouvernement, sur les 13, 2 milliards d’euros de baisses des cotisations sociales, seulement 25 % – un quart ! – bénéficiait au secteur de l’industrie. En d’autres termes, les trois quarts de ces allégements de cotisations patronales profitaient à des activités protégées, absentes de la compétition internationale. Voilà qui affaiblit significativement votre argumentation en faveur de cette TVA !

Oui, mes chers collègues, la compétitivité est un problème qui nous concerne tous ! Aujourd’hui, la compétitivité-prix joue en faveur de la Chine et des pays asiatiques, et nous n’avons en ce domaine aucun espoir de retrouver un équilibre. Mais elle s’exerce beaucoup moins dans le monde manufacturier ou dans le monde de l’industrie, et notamment dans les pays européens avec lesquels nous commerçons.

C’est donc sur la compétitivité hors coût qu’il nous faut à l’avenir porter l’effort : dans le domaine de la recherche, de l’innovation et du développement. Et, pour cela, il nous faut fixer comme objectif d’élever l’investissement total en recherche et développement dans notre pays de 2 points à 3 points de PIB.

Aujourd’hui, lorsqu’un Français dispose d’un budget de 50 000 euros et choisit d’acheter une voiture allemande, ce n’est pas parce que celle-ci est moins chère qu’un véhicule français ou parce que le modèle français est de mauvaise qualité ; il le fait pour des raisons plus complexes. C’est donc bien en intervenant sur les éléments de compétitivité hors coût que nous permettrons que, demain, ce Français préférera acheter français.

Mais chers collègues, notre projet et notre ambition sont de construire une nouvelle fiscalité socialement juste et économiquement efficace.

Cette TVA sociale est défavorable à notre économie et à notre société. Cela a été démontré. Son abrogation constitue donc une première étape nécessaire.

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