Intervention de René Beaumont

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 juillet 2012 : 1ère réunion
Approbation de l'accord entre la france et le brésil relatif à la création d'un centre de coopération policière — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de René BeaumontRené Beaumont, rapporteur :

La France et le Brésil développent depuis plusieurs années un partenariat stratégique, prenant la forme d'un dialogue approfondi entre les deux pays, de visites officielles régulières, d'une coopération culturelle et scientifique riche et ambitieuse, mais aussi d'une coopération judiciaire et policière. Le Sénat est aujourd'hui saisi du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Brésil relatif à la création d'un Centre de coopération policière. Il s'agit d'un projet de protocole additionnel à l'accord de partenariat et de coopération du 12 mars 1997 en matière de sécurité publique, qui résulte de négociations engagées dès 2007.

Dès le début des années 1990, s'est développée une coopération en matière policière entre la France et le Brésil, avec notamment la signature de différents accords bilatéraux. Cette coopération n'a cessé de se renforcer, à mesure que nos liens avec ce pays devenaient de plus en plus forts. Elle a été consolidée en 1997 par la conclusion d'un accord de partenariat et de coopération visant à développer une coopération technique et opérationnelle en matière de sécurité publique. Les parties s'engagent à se prêter mutuellement assistance dans un certain nombre de domaines : criminalité transnationale organisée ; trafic illicite de stupéfiants ; immigration irrégulière ; terrorisme, sachant qu'il était aussi prévu que cette coopération pourrait être étendue à tous les domaines qui se révéleraient utiles aux objectifs de l'accord : blanchiment d'argent ; trafic d'armes ; sécurité des ports, aéroports et frontières ; maintien de l'ordre public ; police technique et scientifique ; gestion, recrutement et formation des personnels.

En particulier c'est la délinquance transfrontalière qui est en jeu. Le Brésil et la Guyane, ont en commun une frontière de 730 km. Enclave européenne en Amérique Latine, la Guyane bénéficie d'un niveau de développement plus élevé que ses voisins, devenant ainsi un territoire très attractif pour les ressortissants des États alentour et les groupes criminels. Mais également, parce qu'elle dispose d'un important potentiel aurifère, elle attise la convoitise de chercheurs d'or clandestins, les « garimpeiros ». Au-delà de cette exploitation illégale, c'est toute une délinquance « collatérale » qui en découle : immigration clandestine, meurtres, prostitution, trafic d'armes, trafic de stupéfiants.

Cette délinquance se déroulant souvent au coeur de la forêt amazonienne, l'interpellation des auteurs en est rendue d'autant plus difficile. La pérennisation de l'opération HARPIE a permis ces dernières années un démantèlement de nombreux sites clandestins, malheureusement les saisies, destructions de matériels et arrestations ne découragent pas les orpailleurs pour autant. Enfin, les enquêteurs doivent faire face à la violence des orpailleurs illégaux, qui n'hésitent pas à faire usage des armes à leur encontre.

C'est ainsi que le 27 juin dernier, deux soldats du 9e RIMA ont perdu la vie lors d'un accrochage à l'arme de guerre contre des orpailleurs clandestins, deux gendarmes ont également été gravement blessés.

A cet égard, un accord entre la France et le Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées d'intérêt patrimonial a été signé à Rio de Janeiro le 23 décembre 2008. Il a été ratifié par la France mais toujours pas par le Brésil. Ce n'est pas faute, pour les parlementaires français, d'avoir insisté sur l'importance de cette ratification lors de diverses missions en Guyane ou au Brésil. Sur les deux dernières années, deux missions de notre commission ont été conduites, l'une en Guyane, l'autre au Brésil, et les deux ont préconisé un renforcement de la coopération avec le Brésil pour lutter contre ce fléau et ont appelé à la ratification de l'accord par la partie brésilienne. Une délégation du groupe interparlementaire d'amitié, dont je faisais partie, a fait de même en septembre 2011.

L'ouverture prochaine du pont sur l'Oyapock pourrait aussi poser de nouveaux défis sécuritaires. C'est pourquoi un accord relatif à la création d'un centre de coopération policière a été signé.

Le protocole prévoit que le Centre de coopération policière (CCP) sera établi sur place, à la frontière entre les deux pays, aux abords immédiats du pont, en territoire français dans un premier temps, pour une durée de trois ans, avant que la détermination de sa localisation définitive soit décidée. Il accueillera des agents de police et de gendarmes pour la partie française, et des effectifs de la police fédérale pour la partie brésilienne, et visera à l'approfondissement de la coopération transfrontalière par l'échange d'informations dans les domaines prévus dans l'accord de 1997. La liste des missions conférées au CCP comprend la lutte contre l'orpaillage illégal, qui doit figurer parmi ses priorités, les trafics qui y sont liés, la destruction des forêts...

Le centre ne pourra réaliser pas d'interventions à caractère opérationnel de manière autonome et il restera à la disposition de la gendarmerie et de la police nationale française et de la police fédérale brésilienne.

Le traitement des informations échangées est réglé à l'article 3 du protocole, qui en garantit la protection. Dans la mesure où le Brésil ne dispose pas à l'heure actuelle d'une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel, l'échange ne portera que sur les informations de nature non personnelle, comme c'est d'ores et déjà le cas sous l'empire de la convention de 1997.

Les agents qui seront affectés au CCP verront leur statut juridique défini à l'article 5 du protocole. En cas d'intervention sur le territoire de l'autre partie, ces agents restent soumis aux dispositions en vigueur dans leur pays d'origine pour tout ce qui est lié au service et bénéficient de l'immunité de juridiction civile et pénale de cette partie pour les actions menées dans l'exercice de leurs fonctions et dans les strictes limites de leurs compétences respectives.

L'article 7 précise enfin que les deux parties participent au financement du Centre en assumant leurs dépenses d'équipement et de fonctionnement respectives. Un coordinateur sera désigné par chacune des parties pour assurer la liaison entre les parties.

Cet accord complète la liste des textes qui lient la France et le Brésil. Il permettra une coopération accrue en matière sécuritaire. Le centre est déjà opérationnel, il a été ouvert en septembre 2010 à Saint-Georges-de-l'Oyapock. Il est néanmoins nécessaire de formaliser sa création par la ratification de cet accord.

Une réserve cependant : s'il est une réponse louable aux problèmes transfrontaliers entre les deux parties, il n'est pas suffisant. Le Brésil doit ratifier l'accord sur la lutte contre l'exploitation aurifère illégale, les textes vont de pair. Seule une réelle volonté politique conjuguée des deux parties permettra de lutter efficacement contre la délinquance transfrontalière.

La partie brésilienne a d'ores et déjà transmis son instrument de ratification, le 5 octobre 2011. L'accord a également été adopté par l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je vous recommande d'adopter le présent projet de loi, qui pourrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

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