Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Commission des affaires économiques — Réunion du 24 juillet 2012 : 1ère réunion
Politique de la ville — Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Veillons à lever une ambiguïté, qui touche l'ensemble des rapports récents sur la politique de la ville, celui de l'agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), celui du député-maire de Sarcelles, celui que j'ai fait adopter à l'unanimité par le Conseil économique social et environnemental sur les banlieues et faisons attention à la communication : leurs critiques visent la mise en oeuvre de la politique de la ville, mais n'estiment pas qu'elle est un échec en tant que telle. Peu de politiques publiques recueillent l'assentiment de 80 % des citoyens concernés, y compris dans son volet de réhabilitation urbaine. Bien sûr, l'écart est grand par rapport aux objectifs annoncés, l'essentiel a été dit là-dessus.

Je souligne que le taux de rotation des habitants est très élevé dans ces quartiers qui jouent le rôle de sas d'intégration républicaine, à la différence des ghettos anglo-saxons, dont personne ne part. Dans une société où les inégalités s'accroissent, il est important de ne pas démoraliser nos concitoyens sur les chances réelles de réussite de l'intégration républicaine. Pour autant, nous ne pouvons nous en satisfaire. Longtemps élue de l'Essonne, j'estime qu'un quartier d'Athis-Mons comme celui du Noyer Renard peut sortir du dispositif, alors que dans d'autres, l'essentiel reste à faire.

J'ai entendu votre appel à la prudence : oui, il faut d'abord réussir l'ANRU-1, mais je veux plaider également pour l'ANRU-2, car nous n'avons parcouru que la moitié du chemin. Si nous sommes au milieu du gué, c'est en raison de la lenteur de la mise en oeuvre des projets. Attention au stop and go, synonyme de gaspillage ! Sans continuité dans l'action, les détériorations, l'usure, les difficultés risquent d'enrayer la dynamique positive.

Sur les politiques de droit commun, je me méfie des comptes par quartiers. Il y a des conventions de l'ANRU. Les administrations devraient émettre des « porter à connaissance ». Par exemple, Pôle emploi présenterait son analyse de la situation à Clichy et des moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour y répondre. Si les acteurs administratifs ne sont pas convaincus, à l'État de faire son travail. Pour le ministère de l'éducation nationale, le rectorat livrerait son analyse des difficultés des quartiers et présenterait sa stratégie de rattrapage. Ces « porter à connaissance » rendraient lisibles les analyses des administrations publiques et leurs engagements. Ils les obligeraient à les assumer. Les habitants des quartiers sauraient que l'État a pour objectif de permettre leur émancipation et l'égalité de traitement.

Il y a toujours eu, depuis 1991, des collectivités qui ont du mal à consommer les crédits, dans les Bouches-du-Rhône par exemple. Ce peut être en partie en raison de cafouillages politico-administratifs mais peut être aussi par manque d'argent. Il y a des communes pauvres qui ne peuvent pas trouver les 20 % ou 30 % qui leurs sont demandés en appui des projets d'équipement. Même la dotation de solidarité urbaine (DSU) n'est pas à la hauteur des besoins. Je m'interroge sur les taux de subventionnement et d'accompagnement par l'État de certaines opérations.

En définitive, votre rapport fait apparaître la réussite du renouvellement urbain. C'est l'articulation avec les autres volets de la politique de la ville qui souffre de carences. Certaines autres critiques sont rattrapables.

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