Je vous remercie de votre invitation à débattre. Pour avoir été vingt ans député, je ne peux être que vivement attaché à l'échange avec les parlementaires, a fortiori avec vous, qui êtes les dépositaires de l'intérêt des collectivités locales, donc des territoires, qui sont appelés à jouer un rôle important dans notre mobilisation nationale en faveur du redressement productif. Il était donc nécessaire que cet échange ait lieu dès à présent. Le regard des élus sur l'entreprise est toujours très instructif. Le ministre que je suis a besoin de votre connaissance du terrain et les fonctionnaires, au premier rang desquels les préfets et les commissaires chargés de retisser les maillons de la chaîne économique dans toutes ses composantes, seront à la disposition des élus dans les opérations de sauvetage.
Le redressement productif tire son inspiration du « redressement industriel national » (New Deal) lancé aux Etats-Unis après la grande dépression de 1929 par le président Roosevelt. Lorsque le président de la République m'a proposé ce ministère, je l'ai interrogé sur son intitulé : pourquoi pas redressement industriel ? Parce que, m'a-t-il répondu, les services, l'agriculture, sont également menacés : c'est donc toute la chaîne économique est donc concernées. Indiscutablement, dix années de pertes de ressources productives, la disparition de 750 000 emplois industriels, une balance commerciale en déficit de plus de 70 milliards sont autant de symptômes d'une économie malade. Dans un monde ouvert à la compétition, la question de notre stratégie par rapport à la mondialisation doit se poser. Tel est l'esprit du redressement productif, qui demandera des efforts à chacun. Avec le Premier ministre, nous engagerons le dialogue, face à chaque sinistre économique, en veillant à l'équilibre des responsabilités. Nous en appelons tout d'abord à la responsabilité industrielle des actionnaires ou des financiers et ensuite à la responsabilité sociale des entreprises, car les salariés ne peuvent rester la permanente variable d'ajustement face aux difficultés, si ce n'est aux erreurs de gestions ou aux caprices de l'actionnariat ; nous en appelons enfin à la responsabilité économique des syndicats : on ne peut engager le rapport de force sans tenir compte de la réalité économique, au risque de perdre l'outil de production. Il nous faut donc travailler à rapprocher les points de vue, pour rassembler. J'aborde tous les dossiers dans cet esprit. Les salariés ne doivent pas être les seuls à faire des sacrifices, surtout en un temps où l'emploi est la priorité. Les actionnaires doivent recapitaliser, les banquiers reconnaître leurs erreurs éventuelles, les donneurs d'ordres et partenaires assurer l'indispensable solidarité. Tous les pays qui ont su s'engager dans cet esprit d'entraide ont surmonté la crise. Les pays aujourd'hui conquérants avaient su s'unir. N'oublions pas que la question du chômage est en jeu : il doit reculer.
Par ailleurs, tout plan de reconquête soulève la question de notre place dans la mondialisation. La question de la compétitivité-coût n'est pas pour nous un sujet tabou mais on ne saurait entrer dans ce débat avec des slogans choc sur le coût du travail. Je note que parmi les constructeurs automobiles, tous n'ont pas la même analyse : voyez Toyota, qui a relocalisé la construction de ses voitures à destination du marché américain du Nord. Didier Leroy, PDG de Toyota Europe reconnaît lui-même que la baisse du coût du travail, qui représente 8 à 15 % des coûts de construction, ne procure pas un avantage compétitif sérieux. S'agissant de la comparaison avec l'Allemagne, il est vrai qu'une politique de désinflation compétitive a permis, à notre voisin, de rattraper la France en dix ans, mais aujourd'hui, les syndicats allemands revendiquent et obtiennent des hausses de salaire IG-Metall vient de négocier les 32 heures dans la métallurgie : évitons donc le dogmatisme et les préjugés.