Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que membre de la commission des affaires culturelles, je ne peux que me réjouir pour nos libraires de la baisse de la TVA sur le livre, mais je nuancerai mon propos en raison du coût que représente cette mesure pour les finances publiques.
Fallait-il rouvrir le débat sur la TVA alors que notre déficit public est au plus haut et que le rétablissement de notre situation financière, comme dans tous les autres pays d'Europe, doit être la priorité des priorités ?
Dans ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a fait le choix de la rigueur, n'hésitant pas à revenir sur des dispositions adoptées lors du quinquennat précédent qui visaient à améliorer le pouvoir d'achat des salariés, telles que la défiscalisation des heures supplémentaires ou le forfait social. Aussi est-il surprenant que deux secteurs viennent échapper à cette rigueur, le Gouvernement revenant sur deux niches : le secteur du livre et, après l'adoption d'un amendement des députés socialistes, le spectacle vivant.
Je m'interroge sur les raisons de ce choix, sachant que le taux réduit de TVA de 5, 5 % est actuellement réservé à des services de première nécessité pour les ménages les plus faibles – par exemple, les équipements pour personnes handicapées ou les produits alimentaires.
Peut-on attendre de cette mesure, comme le revendique l'exposé des motifs, qu'elle assure « la promotion de la lecture » et « facilite l'accès de tous à la culture », alors qu'il ne s'agira que de quelques centimes de moins sur l'achat d'un livre par le consommateur ?
Pour l'économie du secteur, le bénéfice à retirer de cette mesure me semble très relatif au regard de son poids budgétaire. Les problèmes des libraires tiennent non pas seulement au prix du livre – à 7 %, la TVA restait modique –, mais plutôt à d'autres sujets, tels que les inégalités de distribution ou l'irruption du numérique...
Dans un paysage institutionnel, économique et technologique en pleine mutation, les acteurs traditionnels de la « chaîne du livre » sont inquiets. Comme l'a souligné notre collègue Jacques Legendre lors de la réunion de la commission de la culture, nous serons loin d'avoir accompli quelque chose pour eux lorsque nous aurons ramené le taux de TVA de 7 % à 5, 5 %.
Il me semble aussi que le fait d'accorder une dérogation pour le livre et pour le spectacle vivant sera difficile à justifier vis-à-vis des autres secteurs restant soumis au taux réduit de TVA de 7 % : le secteur du bâtiment touché par la crise ne serait-il pas également fondé à demander un retour au taux de 5, 5 %, sans parler du secteur de la restauration ou des transports ?
Tous avaient accepté d'être soumis à un taux réduit de 7 %, dès lors – et c'est très important – qu'il n'y avait pas d'exemption, dès lors que tout le monde était à 7 %. Créer une exception ne peut que susciter un sentiment d'injustice et d'insatisfaction ! Nous pouvons dès lors nous attendre à de nombreuses sollicitations lors de la prochaine loi de finances…
Étant pour ma part soucieux de l'aide au secteur culturel dans son ensemble, j'estime de plus qu'une grave inégalité est créée. Pourquoi étendre la TVA à taux réduit au spectacle vivant, et non au cinéma ou aux musées ? Pourquoi provoquer une division interne entre les différents acteurs de la culture ?
Il ne me choquait pas que la TVA qui leur était désormais appliquée soit à 7 % ; mais dès lors que le livre et le spectacle vivant seraient fondés par leur finalité culturelle à revenir au taux de 5, 5 %, il faudrait qu'il en aille de même pour l'ensemble du secteur culturel. C'est pourquoi, si cet article devait être adopté, il me semblerait indispensable de lui associer le cinéma, qui s'ouvre, comme le livre, au défi du numérique.
J'avais déposé en ce sens, avec plusieurs collègues de la commission de la culture, l'amendement n° 156 rectifié. Le livre et le cinéma, qui ont toujours été au cœur de l'exception culturelle française, auraient ainsi été associés à ce taux de TVA particulièrement bienveillant. Mais vous aurez compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel : je le retire donc dès maintenant.