Il n'est pas anormal, particulièrement en période de crise, de demander aux Français de l'étranger de participer à l'effort fiscal national. C'est d'ailleurs ce qu'avait fait le gouvernement Fillon pour une partie d'entre eux avec l'exit tax.
Je rappelle aussi que les non-résidents s'acquittent déjà, comme les résidents, de l'impôt sur leurs revenus immobiliers, des taxes locales, ainsi que d'un impôt sur les plus-values de cession ou sur les loyers. Cela est tout à fait légitime et nul ne songe à le contester.
Mais, avec cet article 25, le Gouvernement affiche un étonnant mépris pour les engagements internationaux de la France. En tentant d'étendre aux revenus immobiliers des non-résidents l'assiette des prélèvements sociaux, il nie la jurisprudence communautaire, tout comme celle de la Cour de cassation, et il expose notre pays à une condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne.
En vertu des conventions bilatérales de sécurité sociale, les Français de l'étranger s'acquittent de leurs cotisations sociales dans leur pays de résidence plutôt qu'en France. Revenir sur cet acquis reviendrait à instaurer une double imposition. Par ailleurs, obliger des étrangers à cotiser à notre sécurité sociale alors qu'ils ne peuvent pas en bénéficier pourrait être jugé comme inconstitutionnel. Ces risques juridiques justifient amplement les amendements de suppression que nous avons déposés sur cet article.
Nier ces risques est d'autant plus irresponsable qu'une condamnation de la France pourrait coûter très cher au budget de l'État.
Autre aberration, la mesure s'appliquerait aux revenus perçus depuis le 1er janvier 2012 et serait donc rétroactive, ce qui pourrait également donner lieu à des recours contentieux.
Au-delà des controverses juridiques, il faut faire preuve de pragmatisme. Une étude d'impact a-t-elle permis de comparer l'augmentation des recettes attendues de cette mesure avec le ralentissement économique qu'elle induira dans les zones où investissent le plus les non-résidents ? J'aimerais obtenir une réponse sur ce point. Avec cette disposition, la France va devenir, à l'échelon mondial, l'un des territoires où l'immobilier sera le plus lourdement taxé.
Concernant les revenus locatifs, un Britannique ou un Français résidant en Grande-Bretagne devra désormais supporter un taux d'imposition rédhibitoire de 55, 5 %. Quant aux plus-values de cession, elles attendront des taux records s'il faut ajouter 15, 5 % aux taux déjà particulièrement élevés au niveau international, qui peuvent atteindre 50 % pour les résidents de certains États dits « non coopératifs ».
Pourtant, le fait que des non-résidents investissent dans notre immobilier est source de richesse économique pour la France, en particulier dans les zones touristiques ou dans des zones rurales, qui se dépeuplent peu à peu. Dans bien des cas, ce sont eux qui apportent les ressources qui permettent de conserver, de restaurer et de valoriser notre patrimoine. Le Gouvernement préfère-t-il des ruines bien franco-françaises à des joyaux de notre histoire restaurés par des étrangers ?
Par ailleurs, à l'heure où le Gouvernement prétend mener une ambitieuse politique du logement, il me semble contradictoire d'alourdir la fiscalité immobilière, car cela ne manquera pas de se reporter sur les prix des loyers.
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur le fait que seuls 30 % des biens des non-résidents correspondent à des investissements locatifs purs. Les 70 % restants sont des résidences secondaires, éventuellement louées de façon saisonnière. Dans le cas des Français de l'étranger, ces résidences secondaires sont des résidences uniques, car elles sont bien souvent leur seul pied-à-terre en France. Conserver un logement sur notre territoire est pour eux non pas un luxe, mais une nécessité, que ce soit pour revenir périodiquement voir leurs proches, pour les études de leurs enfants ou pour le jour où ils rentreront définitivement en France.
Puisque nous débattons ici du financement de la protection sociale, je vous rappellerai, pour conclure, que la majorité des Français de l'étranger ne sont pas en mesure de cotiser à la retraite française pendant les trimestres passés hors de France. Plus que d'autres compatriotes, il leur est donc important de mettre en œuvre des solutions de prévoyance en vue de leurs vieux jours.
L'acquisition d'un logement en France, loué en attendant la retraite, fait naturellement partie de ces stratégies, en particulier pour les familles modestes qui investissent toutes leurs économies dans ce bien. En alourdissant inconsidérément la fiscalité des non-résidents, ce sont donc encore une fois les classes moyennes et modestes que le Gouvernement va pénaliser. §