Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 27 juillet 2012 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Article 30

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous ne nous sommes pas aujourd'hui rassemblés dans cet hémicycle pour faire le procès de la prise en charge par l'État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement français à l'étranger, la PEC, mesure destinée à instaurer un peu d'équité et à apporter un certain soutien aux jeunes Français de l'étranger.

Pour ma part, j'ai quelque peu été choquée de voir nos collègues du parti socialiste se complaire dans ce combat d'arrière-garde à l'Assemblée nationale…

François Hollande avait promis la suppression de ce dispositif. Soit !

Il ne s'agit pourtant pas de la suppression en catimini d'une quelconque niche fiscale, non, il s'agit bien de la scolarisation des milliers de jeunes Français à l'étranger et du lien qu'ils entretiennent avec la France. Un sujet aussi essentiel aurait mérité mieux que la précipitation actuelle.

Faire table rase du passé est toujours beaucoup plus aisé que définir une stratégie d'avenir. La campagne électorale finie, nous attendions des propositions constructives quant au système appelé à remplacer la PEC. Or, dans sa rédaction actuelle, l'article 30 du présent projet de loi de finances rectificative se contente de détruire le dispositif en vigueur, sans apporter la moindre indication sur les solutions proposées aux familles concernées.

Le Gouvernement se contente de se décharger de sa responsabilité sur l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, et sur les établissements appelés à réexaminer les demandes de bourses et à mettre en place un échéancier de paiement pour les familles n'en obtenant pas. Une telle approche au cas par cas ne peut tenir lieu de politique, monsieur le ministre délégué.

Malgré tous nos efforts, nous, parlementaires représentant les Français de l'étranger, n'avons pour l'instant pas réussi à obtenir du Gouvernement un engagement formel quant au report intégral sur les bourses scolaires des 32 millions d'euros économisés. Une telle mesure permettrait cependant une augmentation d'un tiers de l'enveloppe des bourses.

À l'Assemblée nationale, vous avez promis une fongibilité de ces crédits au sein de la même mission, du même programme, c'est-à-dire à l'intérieur du programme 151. Mais le périmètre de ce programme est vaste : il couvre, par exemple, les dépenses relatives au fonctionnement de nos services d'octroi de visas aux étrangers. Je souhaiterais donc que vous précisiez que la réallocation des fonds se fera non seulement au sein du même programme, mais aussi à l'intérieur de la même action, l'action 2, intitulée « Accès des élèves français au réseau AEFE ».

Même une fois le montant de l'enveloppe globale des bourses clairement défini, beaucoup de questions demeurent. Le Gouvernement va-t-il revoir les barèmes des bourses pour permettre à davantage de familles d'en bénéficier ? Va-t-il favoriser la multiplication des bourses de faible montant ou privilégier un nombre plus restreint de bourses à 100 % ? Va-t-il financer une baisse des frais d'inscription ?

La définition d'un dispositif alternatif à la PEC n'a rien d'automatique : un simple retour à la situation antérieure à 2007 est impossible, car le contexte a évolué. Le nombre de familles françaises à l'étranger a augmenté, de même que les frais de scolarité de beaucoup d'écoles.

La suppression de la PEC ne serait acceptable que si un système de bourses scolaires adapté était immédiatement en mesure de prendre le relais. Or il nous est aujourd'hui proposé de voter une suppression de la PEC d'application immédiate, tout en remettant à 2014 la réforme des bourses !

S'il n'est pas actualisé, le système des bourses exclura une majorité des anciens bénéficiaires de la PEC, non pas parce que ceux-ci seraient richissimes, mais parce que, de l'aveu même de la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger dans une note, « l'échelle des revenus minima en vigueur est aujourd'hui très éloignée de la réalité ».

Sans révision des critères d'attribution des bourses, ce sont encore une fois les classes moyennes qui seront pénalisées. Car ce sont non pas les expatriés les plus aisés, ceux qui sont détachés par les grandes entreprises qui seront le plus touchés, mais bien les Français de l'étranger travaillant en contrat local ou à leur propre compte ; ceux qui ne sont pas jugés assez pauvres pour obtenir une bourse selon les critères actuels, mais dont le budget familial serait complètement déséquilibré par des frais de scolarité de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d'euros qu'ils devraient acquitter pour chaque enfant. Ils n'auront alors plus qu'à inscrire leurs enfants dans une école locale ou à se tourner vers une école internationale anglophone, si, toutefois, les inscriptions ne sont pas déjà closes, car la rentrée de septembre, c'est demain !

Quelle belle façon de soutenir les agents de notre influence à l'international !

De plus, la grille de critères d'attribution des bourses qui remplacerait dès cette rentrée la PEC désavantage les mères célibataires par rapport aux couples mariés ; elle pénalise les locataires d'un petit appartement par rapport aux propriétaires d'une grande maison sous prêt hypothécaire. N'y a-t-il pas là un paradoxe pour une majorité présidentielle prétendant défendre la justice sociale ?

Un tel gâchis pourrait être évité si le Gouvernement prenait simplement le temps de consulter les principaux protagonistes, notamment les élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, et s'il acceptait que la suppression de la PEC n'intervienne qu'une fois le système des bourses remis à plat. Il s'agirait non seulement d'une mesure de bon sens, mais aussi d'une marque de respect élémentaire envers les instances représentatives des Français de l'étranger, à l'AEFE comme au Parlement.

Enfin, je m'interroge sur le respect du principe de non-rétroactivité de la loi si la mesure proposée à l'article 30 s'applique dès la rentrée de septembre.

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