Intervention de Brigitte Girardin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 novembre 2006 : 3ème réunion
Pjlf pour 2007 — Audition de Mme Brigitte Girardin ministre déléguée à la coopération au développement et à la francophonie

Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie :

a apporté les éléments de réponse suivants :

- les annulations de dettes représentaient effectivement une part très significative de l'aide française, environ 30 % en 2005 et 2006. Pour 2007, elles ne représenteront plus que 22 % et leur niveau devrait diminuer progressivement ensuite. L'aide française devra alors augmenter sur tous les autres postes ;

- aucune politique d'immigration ne peut être dissociée d'une politique de développement. Une « immigration choisie » doit aller de pair avec une « émigration choisie » dans le pays de départ. La question migratoire est systématiquement prise en compte dans les documents cadres de partenariat et les mesures prises diffèrent en fonction de la nature des mouvements de population concernés. Des projets créateurs d'emplois peuvent ainsi être soutenus, avec un effort particulier sur les régions dont sont originaires les migrants, comme Anjouan pour les Comores, la région de Kayes pour le Mali, la région du Fleuve pour le Sénégal ou encore le sud d'Haïti dont les habitants migrent vers la Guadeloupe. Des actions spécifiques peuvent également être entreprises, comme des projets de co-développement, des projets d'état civil, le soutien aux forces de sécurité ou le développement du système de santé pour éviter l'émigration à caractère uniquement médical. Il convient de faire en sorte que les flux soient mutuellement bénéfiques mais la mise en place d'un système trop restrictif, comme l'interdiction qui serait faite à des étudiants étrangers de s'installer dans notre pays, peut avoir des effets pervers. Ces diverses problématiques doivent être incluses dans le dispositif de coopération ;

- s'agissant du dossier des retraités français ayant cotisé à des caisses africaines, les efforts ont porté sur les trois pays où les difficultés sont les plus importantes : le Congo, le Cameroun et le Gabon. Dans un premier temps, un recensement a été réalisé, avant de demander aux pays concernés de procéder au paiement. La mobilisation des ambassades, des services parisiens des ministères des affaires étrangères et de la santé ainsi que du centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS) a permis de maintenir une pression politique et administrative. Au Cameroun, le gouvernement et la caisse de sécurité sociale se sont réellement mobilisés. Sur les 2.100 dossiers recevables, 1.100 ont ainsi été mis en paiement, les autres dossiers, incomplets, devant pouvoir être réglés rapidement après production des pièces nécessaires. Au total, un milliard de francs CFA ont été payés par la caisse camerounaise depuis l'été 2006. Au Congo, une mission d'audit est en cours pour le recensement des dossiers, qui devrait aboutir au début de l'année 2007. Au Gabon, le recensement des dossiers devrait donner lieu à un premier examen avec les autorités du pays avant la réunion de la commission mixte de sécurité sociale qui se tiendra à Paris les 20 et 21 décembre 2006. Ces démarches ont permis d'élaborer une méthode en plusieurs étapes : implication des consulats en appui des démarches du CLEISS, audit en cas d'échec de la procédure de dialogue avec la caisse locale, mécanisme d'imputation, sur les instruments d'aide publique au développement, du paiement des retraites non payées et révision du dispositif conventionnel de sécurité sociale avec les pays africains, afin d'éviter ces problèmes à l'avenir. L'inscription d'une provision dans le projet de loi de finances pour 2007 n'est pas possible techniquement, les imputations budgétaires pouvant varier selon les cas de figure, mais le gouvernement n'hésitera pas à recourir à l'affectation directe d'une partie de l'aide si les mesures lancées ne portaient pas leurs fruits ;

- la coopération décentralisée est totalement incluse dans l'aide française. Une plus grande coordination avec l'Etat et l'inscription dans une stratégie globale définie en partenariat avec les Etats destinataires doit être recherchée. Les dotations complémentaires de l'Etat s'élèvent à 11,5 millions d'euros. Le sénateur Michel Thiollière a pris une initiative législative utile pour préciser le cadre juridique de l'action des collectivités locales dans ce domaine. Ce texte adopté par le Sénat doit maintenant être adopté par l'Assemblée nationale ;

- le Président de la République a pris l'engagement de doubler la part de l'aide transitant par les ONG entre 2004 et 2009. Ces crédits sont passés de 85 millions d'euros en 2004 à 157 millions d'euros en 2007, marquant l'attachement à une coopération étroite avec ces organisations dont le rôle est déterminant, notamment dans les secteurs de la santé, de la lutte contre la malnutrition, de la mise en place d'un planning familial, où les relais locaux sont décisifs. Une place leur est faite dans les documents cadres de partenariat et il importe que les différents acteurs du développement se répartissent les tâches en fonction de leurs compétences.

a ensuite évoqué la situation en Côte d'Ivoire et au Darfour.

La situation en Côte d'Ivoire en est arrivée à un moment crucial. Une nouvelle résolution « de la dernière chance » vient d'être adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU qui tire les leçons de l'échec d'un précédent texte et se fonde sur les dernières décisions de l'Union africaine. Cette résolution comporte deux avancées principales. Elle élargit les pouvoirs du Premier ministre de transition, et accroît ses marges de manoeuvre : il peut désormais prendre des mesures par ordonnance ou par décret-loi, soit en Conseil des ministres, soit en Conseil de gouvernement. La résolution lui donne ainsi la possibilité de décider par ordonnance la délivrance de certificats de nationalité alors que 2 millions d'Ivoiriens restent dépourvus de papiers d'identité et qu'un blocage est intervenu sur la délivrance des certificats de nationalité dans le cadre des audiences foraines. La seconde avancée tient à ce qu'aucune disposition juridique nationale ne peut être invoquée à l'encontre de la mise en oeuvre de la résolution. Celle-ci est un bon texte et constitue la dernière chance de mettre un terme à la crise par la voie politique et pacifique. L'heure de vérité approche et une prochaine réunion du groupe de travail international se tiendra le 29 novembre 2006. La communauté internationale reste unie sur une position de fermeté, l'opposition ivoirienne pour sa part a marqué son unité dans le soutien de la résolution et la population ivoirienne est lasse de ces quatre années de crise. La France mettra tout en oeuvre pour permettre une sortie de crise par la voie politique et pacifique.

La ministre a ensuite évoqué la situation très préoccupante du Darfour, qui constitue un risque de déstabilisation régionale notamment pour le Tchad, la République centrafricaine, voire la République démocratique du Congo où un processus politique fragile est en cours. Elle a rappelé que les forces de l'Union africaine, mal équipées, ne pouvaient faire face à une situation qui nécessiterait le déploiement d'une force des Nations unies, auquel s'oppose, pour le moment, le gouvernement soudanais. A la demande du président centrafricain Bozizé, et avec l'accord du président tchadien, des casques bleus devraient être déployés sur les territoires tchadien et centrafricain frontaliers du Soudan. Des discussions sont en cours en vue du déploiement d'une force plus robuste, selon un compromis acceptable par les autorités soudanaises.

a ajouté que la situation en Somalie constituait un autre motif d'inquiétude, notamment pour l'Ethiopie qui redoute une prise de pouvoir par les « tribunaux islamiques », et pourrait conduire au développement de la menace terroriste dans la Corne de l'Afrique.

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