Intervention de Pierre Fauchon

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 décembre 2010 : 3ème réunion
Audition de M. Pierre Fauchon candidat proposé par M. Le Président du sénat pour siéger au sein du conseil supérieur de la magistrature

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

Tout à fait ! Mais s'agit-il de juges ? Telle est la question.

Je croyais beaucoup aux juges de proximité : j'ai été le rapporteur du texte mais il était mal ficelé. L'un des moyens d'améliorer le cours de la justice, c'est d'introduire des juges de proximité à l'anglaise. En Grande-Bretagne, les juges sont des sollicitors qui ont vingt ans de métier et qui ont fait leurs preuves, quelle que soit leur spécialité. Nous devrions avoir cette culture et recruter ainsi nos juges de proximité. Au lieu de faire cela, on a créé une juridiction spéciale de juges de proximité avec un domaine de compétences que l'on a en quelque sorte soustrait aux juges d'instance, qui n'ont pas apprécié, pour mettre en place une sorte de juridiction particulière au bas de l'échelle. Comme on n'avait pas les moyens, on a déclaré que ces juges auraient le même greffe que les tribunaux d'instance. Tout cela était absurde.

A mon sens, le juge de proximité est un excellent moyen d'améliorer la culture judiciaire, mais le juge de proximité doit la plupart du temps rester dans une position seconde : l'axe de la justice, c'est le professionnel. Mais si le juge de proximité est dans une collégialité, il sera attentif et il jouera davantage son rôle car il n'aura pas d'autres préoccupations. Dans les tribunaux d'instance, il faut que le juge d'instance dispose de différentes voies alternatives, comme la médiation, à laquelle je crois beaucoup. Il distribue les affaires aux uns et aux autres en fonction de leurs compétences. Si le juge de proximité se heurte à un problème juridique complexe, il s'adresse au président du tribunal d'instance, qui sera son référent, son conseiller. On a parlé d'introduire des jurés ici ou là, mais cela ne sert à rien : ce qui caractérise le juré, c'est qu'il ne fait qu'une session. Et c'est d'ailleurs là tout le danger : comment juger correctement une affaire si vous n'en jugez qu'une ? Il faut des juges de proximité qui apporteront leurs compétences à la justice.

J'en viens à la saisine par les justiciables. C'est une bonne chose, mais pensez-vous qu'un justiciable osera s'adresser au CSM ? J'ai en tête une affaire dans laquelle les délibérés sont sans cesse renvoyés. Les juges se succèdent et ne font rien. Or, il s'agit d'une grosse affaire économique qui concerne une start up : elle attend, en vain, un jugement. Mais croyez-vous que le dirigeant de cette entreprise va aller se plaindre de son juge d'instruction ? S'il s'y risquait, gare au jugement !

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