Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord présenté les grandes caractéristiques de l'exécution de la loi de finances pour 2005. Il a indiqué que la croissance du PIB en 2005 avait été de 1,4 %, contre 2,5 % selon la prévision associée au projet de loi de finances pour 2006, que la commission avait toujours jugée volontariste. Il a indiqué que l'exécution des charges de l'Etat avait été inférieure de 1,1 milliard d'euros aux prévisions, alors que ses recettes avaient été supérieures de 0,6 milliard d'euros aux prévisions, d'où un solde supérieur de 1,7 milliard d'euros.
Il a souligné que ce supplément de recettes était paradoxal, alors que la croissance du PIB s'était révélée inférieure aux prévisions. Il a expliqué que si les recettes fiscales auraient dû, compte tenu du ralentissement de la croissance du PIB, être inférieures d'environ 8 milliards d'euros aux prévisions, ce phénomène avait été compensé par des recettes fiscales 2004 supérieures aux estimations disponibles lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2005 (+ 2 milliards d'euros), par la réforme du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés réalisée par la loi de finances rectificative pour 2005 (+ 2,3 milliards d'euros) - qui avait permis d'atténuer la moins-value sur cet impôt, qui s'élevait au final à 1,7 milliard d'euros, et par l'évolution plus favorable que prévu de plusieurs impôts ne reposant pas sur l'activité économique de l'année 2005 : l'impôt sur le revenu (+ 1,4 milliard d'euros), les donations et successions (+ 1 milliard d'euros) et l'impôt de solidarité sur la fortune (+ 0,3 milliard d'euros). Il a indiqué qu'au total, les recettes fiscales nettes avaient été supérieures de 0,6 milliard d'euros aux prévisions. Les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée, qui tendaient à suivre l'activité économique, étaient en revanche inférieures aux prévisions à hauteur de 600 millions d'euros.
Ces facteurs conjoncturels, qui n'étaient pas connus lors du débat d'orientation budgétaire pour 2006 qui s'était tenu en juillet 2005, expliquaient en grande partie que les projections de moins-value de recettes fiscales établies par le gouvernement comme par la commission des finances en juin 2005 fussent plus pessimistes, à hauteur de 4 milliards d'euros pour le gouvernement et de plus de 6 milliards d'euros pour la commission.
a ajouté que les recettes non fiscales avaient été supérieures de 2,8 milliards d'euros et les prélèvements sur recettes supérieurs de 2,1 milliards d'euros aux prévisions, essentiellement du fait du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (+ 1,5 milliard d'euros). Il a précisé que ce supplément de recettes non fiscales provenait essentiellement de la progression des dividendes (750 millions d'euros de plus que les prévisions), de l'amende versée par les opérateurs de téléphonie mobile (+ 535 millions d'euros), de diverses opérations internationales, telles que les intérêts sur prêts octroyés à des Etats étrangers et les reversements de la COFACE (+ 1 milliard d'euros), et des frais d'assiette et de recouvrement (+ 250 millions d'euros). Il a également indiqué que le supplément du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (+ 1,5 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale) résultait de l'augmentation des appels de fonds de la Commission européenne, qui avait accéléré les mises en paiement dans la perspective de la clôture de la programmation financière 2000-2007.
Il a indiqué que les recettes de privatisations avaient été de 10 milliards d'euros en 2005, ce qui correspondait essentiellement au débouclage de l'opération France Telecom/ERAP (4 milliards d'euros), à GDF (2,4 milliards d'euros), à France Telecom (1,8 milliard d'euros), à SNECMA/Sagem (1 milliard d'euros) et à Bull (0,5 milliard d'euros). Il a considéré que si ces sommes avaient servi à des opérations de capitalisation ou de recapitalisation, celles-ci avaient concerné, pour 7 milliards d'euros, des organismes chargés de réaliser des dépenses d'avenir, structurantes : Agence de financement des infrastructures de transport de France (4 milliards d'euros), Agence de l'innovation industrielle (1,7 milliard d'euros) et Agence Nationale de la Recherche (1,3 milliard d'euros). Il a considéré que l'annonce, pour 2006, de l'affectation de l'intégralité du produit escompté de 10 milliards d'euros au désendettement de l'Etat était une novation à caractère « vertueux », dans la mesure où, jusqu'alors, les recettes de privatisation avaient très largement été utilisées pour la recapitalisation des entreprises publiques. A cet égard, il a relevé que le récent rapport de M. Michel Pébereau sur la dette publique évaluait les recettes des opérations de privatisation entre 1986 et 2004 à 83 milliards d'euros, dont seuls 14 %, soit 12 milliards d'euros, avaient été affectés directement au désendettement de l'Etat.
Il a indiqué que l'Etat avait respecté en 2005 la norme de dépenses du « zéro volume », ce qui, selon lui, n'allait pas de soi, et que les comptes spéciaux du Trésor avaient amélioré le solde de 1,1 milliard d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, essentiellement en raison du compte d'avances aux collectivités territoriales.
Evoquant son entrevue, le 23 février 2006, avec M. Pierre-Mathieu Duhamel, alors directeur du budget, il a indiqué que 2,1 milliards d'euros de dépenses non prévues par la loi de finances rectificative pour 2005 donneraient lieu à des ouvertures de crédits en loi de règlement, dont 1 milliard d'euros de remboursements et dégrèvements. Les 1,1 milliard d'euros restants concernaient principalement des dépenses évaluatives telles que les charges sociales, les frais de justice, les pensions, l'Agence française de développement, les garanties et la dette négociable. Il a ajouté que plus de 800 millions d'euros de crédits limitatifs, qui n'avaient pu être consommés lors des derniers jours de l'année 2005, avaient été ouverts sur la période complémentaire, correspondant notamment à la prime de Noël des allocataires du RMI (286 millions d'euros) et à des aides personnelles au logement (155 millions d'euros). Ces 2,1 milliards d'euros de dépenses seraient toutefois compensées par des annulations de crédit en loi de règlement.
a considéré que la LOLF avait un double effet vertueux sur les reports : d'une part, le plafond de 3 % limitait fortement le volant des crédits reportables, de seulement 5,4 milliards d'euros en 2006 (pour des reports de 9,7 milliards d'euros en 2005) ; d'autre part, le réexamen de l'opportunité de la dépense permettait d'accentuer davantage la pression sur les reports de crédits. Il a ainsi indiqué que 200 millions d'euros de reports de crédits, dans le cadre du plafond de 5,4 milliards d'euros, avaient été annulés. Il a déclaré que les reports 2006 s'établissaient donc à 5,2 milliards d'euros, ce qui constituait un minimum « historique » et une diminution de moitié par rapport au montant des reports sur 2005, et qu'à ce titre, il adressait un « satisfecit » aux auteurs de la LOLF comme au gouvernement. Il a considéré que l' « épée de Damoclès » des reports sur la gestion de l'exercice en cours s'effaçait donc quelque peu.
Il a jugé que cette diminution des reports était positive pour les gestionnaires, du fait de la diminution de mises en réserve de crédits. Il a indiqué que la mise en réserve prévue pour 2006 était ainsi de 5,1 milliards d'euros en crédits de paiements, contre 7,4 milliards d'euros en 2005 (9,7 milliards d'euros de reports issus de la gestion précédente) et 6,6 milliards d'euros en 2004 (9,0 milliards d'euros de reports issus de la gestion précédente). Il a précisé qu'aucune autre mesure de régulation n'était prévue à ce stade.
Il a cependant considéré qu'il y avait une tension sur la dépense, les constatations de l'Agence France Trésor sur l'évolution récente des taux courts, sans préjuger de l'évolution à venir en cours d'année 2006, conduisant à réévaluer à la hausse la prévision relative à la charge de la dette de l'Etat, pour 450 millions d'euros.
Il a indiqué qu'en 2005 le déficit public avait été de 2,9 points de PIB, conformément aux données du programme de stabilité, et la dette publique de 66,8 points de PIB. Il a considéré que, malgré l'amélioration du solde public, la situation demeurait alarmante, la dette publique étant durablement établie au-dessus des 60 % du PIB, et la dépense publique poursuivant sa croissance (54 % du PIB en 2005, contre 53,3 % en 2004), de même que les prélèvements obligatoires (44,1 % du PIB en 2005, contre 43,1 % du PIB en 2004).
Il a précisé qu'en mars 2006, Eurostat avait modifié le mode d'enregistrement des dépenses militaires d'équipement, ce dont avait résulté, en 2005, une amélioration du solde public de 0,1 point de PIB. Il a, par ailleurs, rappelé que la soulte versée par les entreprises électriques et gazières avait contribué à la réduction du déficit à hauteur de 0,4 point de PIB en 2005. Il a également estimé que les conditions dans lesquelles l'organisme Eurostat délibérait étaient critiquables et que son indépendance était perfectible, et qu'il importait donc qu'il devienne une autorité administrative européenne indépendante.
Cet exposé a été suivi d'un large débat.