Intervention de Antoine Flahault

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 25 janvier 2012 : 1ère réunion
Présentation du rapport de l'académie nationale de médecine sur « les perspectives de l'épidémiologie en france »

Antoine Flahault, professeur à l'université Paris-Descartes, directeur de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) :

Ce rapport vise à faciliter le développement de l'épidémiologie en France, afin qu'elle conserve un rôle moteur au niveau international.

Quel est l'état des lieux ? En termes de ressources humaines, l'épidémiologie représente 8 % des chercheurs de l'INSERM, où elle reste donc marginale. 80 professeurs hospitalo-universitaires se consacrent à cette discipline, ainsi que 20 enseignants-chercheurs à l'EHESP, depuis 2008. L'armée, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et l'Institut Pasteur ont également des équipes d'épidémiologistes. 50 thèses ont été soutenues en 2010 et 61 doctorants sont actuellement inscrits dans cette discipline. Le personnel de l'Institut de veille sanitaire (InVS) - 251 personnes - concourt également à l'épidémiologie.

Malgré des moyens limités, la production scientifique française dans ce domaine est satisfaisante, au troisième rang mondial après les États-Unis et le Royaume-Uni. Ce classement est inchangé depuis 2000, avec un indice de citation identique à ceux de l'Allemagne et de l'Italie.

L'épidémiologie a pour objet de décrire l'état de santé des populations, d'élucider l'histoire naturelle des maladies et d'évaluer les interventions en santé, y compris en dehors du secteur de la santé au sens strict (par exemple, dans les domaines de la sécurité routière et de la santé au travail). L'épidémiologie a eu un rôle majeur dans la transformation de la politique médicale. Le mode d'expérimentation qui atteste le mieux du lien de causalité est l'essai randomisé contrôlé. A défaut, les études « cas-témoins », comparant des sujets malades et des sujets sains, procurent un niveau de preuve satisfaisant. C'est de cette façon que le rôle de la cigarette dans le cancer du poumon a été identifié. Aujourd'hui, des cohortes « électroniques » de très grande ampleur sont mises à contribution ; elles ont permis, par exemple, d'identifier les risques de l'utilisation de béta2-mimétiques sans corticoïdes dans le traitement de l'asthme sévère.

Les principales difficultés inhérentes aux méthodes épidémiologiques sont les suivantes :

- la variabilité du vivant fait que la causalité sera toujours probabiliste et non absolue ;

- les études sont soumises à des contraintes réglementaires, liées à l'exigence de respect de la confidentialité ;

- l'expertise doit être indépendante ;

- des décisions doivent être prises alors même que la preuve n'est pas encore établie.

L'essai randomisé n'est pas utilisable dans un très grand nombre de situations. Les industriels du médicament font des essais contre placebo, alors que, pour la pratique médicale, il serait plus utile de comparer un nouveau produit au principe actif de référence, utilisé jusqu'alors. 85 % des essais publiés ne sont ainsi pas utilisables directement dans la pratique médicale. Dans les situations complexes, les produits de la recherche ne sont pas toujours utilisables, par exemple dans le cas de la dépression du sans domicile fixe.

Néanmoins, tous les scientifiques sont aujourd'hui d'accord sur le fait que quatre comportements (tabac, alcool, exercice physique, alimentation) agissent sur les quatre principaux risques médicaux (cardio-métabolique, cancers, maladies neuro-psychiatriques, appareil locomoteur).

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