Le rapport formule quatre recommandations :
- Faciliter la production et l'utilisation de données épidémiologiques : il est nécessaire de permettre un plus large accès aux bases de données existantes. Les bases de données de la statistique publique sont nombreuses mais la législation restreint la possibilité de les utiliser et d'établir des liens entre bases. Or le système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (SNIRAM) collecte l'ensemble des données de remboursements sur une durée moyenne de 2,5 ans. Il s'agit d'une mine de données potentielle pour l'épidémiologie, mais difficile d'utilisation, nécessitant la réalisation d'une interface selon un projet actuellement à l'étude, intitulé Plastico. Ce projet est coûteux et sensible : la loi « post-Médiator » sur le médicament permet des évolutions mais toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour le faire aboutir.
Le deuxième projet concerne la création d'une plateforme publique de collecte de données de santé, afin de pallier au désengagement de l'INSEE. A la suite de restrictions budgétaires, l'INSEE se désengage en effet de la collecte de données dans le domaine de la santé. En conséquence, le recours à des sociétés de services s'est accru ; vous connaissez bien ces sociétés puisque ce sont les mêmes qui réalisent les sondages, en particulier politiques. Si leur travail est de qualité acceptable, il est néanmoins coûteux, et l'épidémiologie ne constitue pas le coeur du métier de ces sociétés. C'est pourquoi la création d'une plateforme publique est souhaitable.
La troisième proposition, ayant trait à l'utilisation des données, concerne l'usage du numéro d'identification au Répertoire (NIR), dit aussi numéro de sécurité sociale. L'utilisation du NIR n'est pas permise pour la recherche épidémiologique ; il faut un décret en Conseil d'État pour l'utiliser dans d'autres cas que ceux prévus par la loi. Par exemple, une étude a récemment mis en évidence un lien potentiel entre le fait d'habiter près d'une centrale nucléaire et des cas de leucémies de l'enfant. Si l'on voulait examiner cette question de plus près, on ne pourrait le faire à l'aide du NIR, même avec l'accord des parents des enfants éventuellement concernés. Il existe un projet de décret-cadre en Conseil d'État, qui permettrait, pour la recherche et la surveillance épidémiologique, à un certain nombre d'organismes, d'utiliser le NIR de façon pérenne. M. Alex Türk, alors président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), a écrit au Premier ministre en ce sens en 2010, mais la question reste en instance. Il faut préciser qu'une fois les données reliées, l'identité des personnes est effacée. La Grande-Bretagne, le Danemark, la Suède et la Finlande le permettent.
- Renforcer la présence et la visibilité de l'épidémiologie française au niveau européen et international : nous proposons la création d'un bureau dédié au développement de la présence d'experts épidémiologistes français dans les instances européennes et internationales, où ils sont trop peu présents à l'heure actuelle. Cela implique aussi que ce type d'activités soit pris en compte dans l'évaluation des chercheurs et enseignants-chercheurs.
Pour ce qui est de se prémunir contre les conflits d'intérêt, la récente loi sur le médicament a accompli des progrès significatifs. Il est essentiel de former l'ensemble des professionnels, des journalistes, des politiques et du public aux raisonnements probabilistes et à l'épidémiologie. Cet enseignement doit être renforcé dès le plus jeune âge.
Pour des raisons historiques, l'épidémiologie est une sous-discipline de la médecine. En conséquence, les enseignants sont presque exclusivement des médecins, ce qui appauvrit une discipline qui doit reposer sur un outil mathématique et informatique solide.
- Faciliter les interfaces entre l'épidémiologie humaine et l'épidémiologie animale : les disciplines et méthodes sont similaires. Les enjeux de santé publique nécessitent une collaboration étroite, qui doit être soutenue par les pouvoirs publics.