Rappelant les difficultés rencontrées par le groupe en 2003, M. Patrick Kron a rappelé que ce dernier avait dû vendre une partie substantielle de ses activités, notamment à la demande de la Commission européenne, perdant ainsi 35.000 de ses salariés, mais également se restructurer industriellement, perdant de ce fait 15.000 employés supplémentaires. Dans le cadre de la restructuration financière du groupe, l'Etat a pris une participation de 20 % au capital, mais a souscrit auprès des autorités communautaires l'engagement de céder ses parts au plus tard en 2008. Il a donc revendu celles-ci à Bouygues, qui en possède désormais 25 %. Les pouvoirs publics ont réalisé, à cette occasion, une plus-value appréciable, en récupérant 2 milliards d'euros, après en avoir investi 800 millions deux ans auparavant. La reprise des marchés a ensuite permis au groupe de se redresser et de se développer, jusqu'à recruter 7.000 personnes en 2006, dont un millier en France et la moitié pour des postes d'ingénieurs et cadres, prouvant ainsi que les difficultés rencontrées trois ans auparavant n'avaient été qu'accidentelles et que la société était restée viable sur le long terme.
Evoquant ensuite les problèmes rencontrés plus récemment au Canada, M. Patrick Kron a tout d'abord précisé qu'il était par principe favorable à l'ouverture des marchés et à la libéralisation des échanges internationaux. Soulignant qu'ils n'avaient pas nécessairement pour conséquence une destruction des emplois sur notre territoire, et qu'ils donnaient même lieu à un accroissement des effectifs nationaux du groupe, il a précisé que deux tiers d'entre eux travaillaient à l'export et que, de même, le tiers de ce que produisait le groupe dans l'Union européenne était commercialisé dans des pays tiers. Il a néanmoins conditionné cette libéralisation à l'existence de règles communes et réciproquement appliquées, disant accepter pleinement l'idée que l'entreprise canadienne Bombardier remporte des appels d'offre en France pour la fournitures de trains en région d'Ile-de-France dès lors qu'une mise en concurrence symétrique serait pratiquée au Canada à l'égard des entreprises étrangères. Or, cela n'a pas été le cas, a-t-il estimé, indiquant que le groupe canadien s'était vu accorder des contrats de gré à gré à Toronto et Montréal lui permettant d'accroître ses marges sur le marché intérieur, et donc de proposer ensuite une offre plus compétitive que celle de ses concurrents, à l'international. Le Canada a considéré, en effet, que les autorités provinciales -celles du Québec, en l'occurrence- pouvaient s'exonérer des règles générales d'appel d'offres et passer des marchés de gré à gré. Considérant que la procédure suivie à cet effet n'était même pas conforme au droit local, Alstom à porté l'affaire devant les juridictions canadiennes.
Certes, a poursuivi M. Patrick Kron, l'Union européenne a prévu un dispositif écartant l'application des règles générales de mise en concurrence à des entreprises relevant d'un pays ne respectant pas ces mêmes règles à l'égard d'entreprises européennes sur son propre territoire. Néanmoins, ces mesures n'ont, à l'heure actuelle, pas encore été intégrées dans l'ordre juridique communautaire et n'ont donc pas été appliquées, du fait notamment d'arguments portant sur la nationalité du groupe Bombardier. Si cette carence n'indispose pas les pays qui, comme le Royaume-Uni, d'ailleurs aujourd'hui dépourvu d'industrie ferroviaire, y voient un moyen de bénéficier de prestations plus compétitives de la part d'un groupe étranger comme Bombardier, il serait cependant opportun, a-t-il conclu, de donner aux autorités européennes et nationales les instruments juridiques leur permettant de s'assurer que les règles de passation des marchés publics soient appliquées de façon symétrique sur le territoire communautaire et extra-communautaire.