a tout d'abord rappelé que la création d'EADS lui avait permis d'être aujourd'hui une entreprise de haut niveau technologique située au deuxième rang mondial dans son domaine et première société véritablement européenne. Il a ajouté que la période d'euphorie qui avait suivi sa constitution était désormais terminée. Les turbulences autour de son management ont affecté les relations internes au sein de l'entreprise et nui à son image. Sa filiale Airbus traverse une phase difficile.
a jugé plutôt satisfaisante la situation des autres divisions du groupe : Eurocopter, n° 1 mondial pour les hélicoptères, dispose d'un carnet de commandes très fourni, son souci étant d'éviter la saturation de sa chaîne d'approvisionnement pour respecter les calendriers de livraison ; la division « espace » a été remarquablement redressée, les activités « satellites » étant toujours soumises à une rude concurrence américaine alors que l'activité « lanceurs », avec Ariane 5, voit ses parts de marché confortées et que le plein succès du 1er essai en vol du missile M 51 démontre l'excellence technologique atteinte dans le domaine balistique ; la division « défense » enregistre quant à elle des résultats appréciables, avec un carnet de commandes abondant.
a jugé paradoxale la situation d'Airbus qui n'a jamais livré autant d'avions -430 en 2006 contre 395 pour Boeing et 450 livraisons prévues en 2007-, et qui, en même temps, est confronté aux problèmes affectant le programme A 380, à la faiblesse du dollar par rapport à l'euro et à l'agressivité de Boeing sur les marchés, dans un contexte marqué par la succession à la tête de la société de quatre présidents en moins de deux ans. Il a ajouté que l'A 380 est considéré, de l'avis des pilotes des compagnies clientes, comme un excellent avion, et sans doute un des tout meilleurs de tous ceux qu'Airbus ait jamais construits, avant de rappeler sa certification dans les prochaines semaines, en respectant le calendrier initial prévu.
Détaillant les difficultés de l'A 380, M. Louis Gallois a précisé qu'elles concernaient la phase d'industrialisation de l'avion et portaient essentiellement sur le câblage électrique d'une partie du fuselage, la conception ayant été menée avec des logiciels de versions différentes pour la partie française et la partie allemande. De ce point de vue, il a estimé qu'Airbus n'était pas encore une véritable entreprise intégrée, la hiérarchie officielle de la société étant doublée de hiérarchies nationales. Sa priorité sera donc de résoudre cette question. Il a convenu de l'impact très négatif, en termes d'image, des retards successifs annoncés à trois reprises, leur incidence étant également considérable sur le plan financier puisqu'elle est évaluée à 4,8 milliards d'euros entre 2006 et 2010 en termes de résultats et à 6,3 milliards d'euros en termes de trésorerie. Le « business case » de l'avion en sera affecté, puisque le seuil de rentabilité, initialement estimé à 250 appareils vendus, s'établit désormais à 420 appareils.
Le programme A 380 est également fortement pénalisé par le cours du dollar, qui a baissé de 40 % depuis la date de lancement, ce qui revient à une perte de compétitivité de 20 % par rapport à Boeing dans la mesure où la moitié des coûts sont en euros et l'autre moitié en dollars, mais 100 % des ventes sont en dollars. Il a rappelé qu'une baisse de 10 centimes d'euros du cours du dollar se traduit par une perte automatique de 1 milliard d'euros pour Airbus.
a ensuite présenté les principaux aspects du plan de redressement intitulé « énergie 8 ». La baisse des prix demandée aux fournisseurs et sous-traitants se traduira inévitablement par un recours à des fabrications hors de la zone euro. Des efforts permettant d'aboutir à une restructuration équilibrée seront demandés dans chacun des pays d'implantation d'Airbus, aucune rationalisation de la structure industrielle n'ayant réellement été opérée depuis la création de la société actuelle qui est issue de 4 sociétés nationales. L'objectif central est d'aboutir à une véritable entreprise européenne intégrée, les économies devant atteindre 2 milliards d'euros en 2010 par rapport à la tendance actuelle. La réussite de ce plan est une condition impérative pour le lancement de l'A 350, qui ne peut être engagé sans une restauration de la compétitivité de l'entreprise. Il a rappelé qu'il n'y avait pas de conséquences immédiates significatives à attendre sur l'emploi industriel à l'intérieur d'Airbus, compte tenu du nombre important de commandes à livrer.
a ensuite abordé les activités d'EADS dans le domaine de la défense, qui représentent un chiffre d'affaires de 8 milliards d'euros et un carnet de commandes de 52 milliards d'euros. Il a jugé ces activités essentielles pour le groupe, compte tenu des retombées technologiques des programmes de défense dans le domaine civil -ce qui par exemple bénéficie amplement à Boeing- et de la nécessité d'équilibrer les variations de cycle propres à l'aéronautique civile. Il a estimé que l'industrie de défense n'avait pas à peser sur les choix relatifs à la politique de défense, mais il a rappelé que toute politique de défense autonome devait s'appuyer sur des capacités industrielles, celles-ci participant donc de la posture de défense d'un pays ou, s'agissant de l'Europe, d'un ensemble de pays. Il a également salué la bonne application de la loi de programmation militaire et le redressement des crédits de recherche et technologie, pour lesquels il reste souhaitable de parvenir à un flux annuel de l'ordre de 1 milliard d'euros et de renforcer les coopérations européennes. Celles-ci ne portent actuellement que sur 10 % des dépenses de recherche de défense en Europe, l'ensemble de ces dépenses ne représentant que 20 % de l'effort de recherche militaire américain.
a ensuite évoqué les différents programmes militaires en cours de réalisation au sein d'EADS. Dans le domaine de la dissuasion qu'EADS considère comme une priorité, le succès remarquable du 1er essai en vol du missile balistique M 51 constitue en tant que tel un élément participant à la crédibilité de notre dissuasion. Quant au missile ASMP/A, qui constitue une prouesse technologique que les Français sont les seuls, avec les Russes, à réaliser et dont la capacité de pénétration permet de s'affranchir de toute parade connue, le tir de qualification effectué en juin dernier s'est avéré excellent.
Le programme d'avion de transport militaire A 400 M se déroule jusqu'à présent dans le respect des jalons initialement fixés. Il est développé selon une approche commerciale, mais il s'agit cependant d'un programme militaire complexe, notamment dans le domaine de l'aérodynamique, de l'intégration du moteur, qui sera le plus puissant turbopropulseur au monde, et des systèmes militaires embarqués, comme les radars ou les contre-mesures. Un audit a été effectué et ses résultats seront présentés à l'OCCAr (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement) le 30 novembre prochain. M. Louis Gallois a indiqué que le respect de délais tendus nécessiterait en tout état de cause un resserrement de la gestion du programme et un travail en équipe au sein d'EADS et avec des partenaires essentiels comme les motoristes. Il a proposé à ces derniers la constitution d'une équipe intégrée.
S'agissant du ravitaillement en vol encore assuré par des avions très anciens, EADS propose au ministère de la défense un contrat de service pour la fourniture d'A 330 multi rôles, aptes au transport stratégique et au ravitaillement, cet avion remportant actuellement toutes les compétitions auxquelles il participe, notamment en Australie, au Royaume-Uni et en Arabie Saoudite. EADS participe également à la compétition pour le renouvellement des avions ravitailleurs aux Etats-Unis, en espérant une compétition ouverte. Pour la France, le loyer proposé dans le cadre d'un tel contrat serait inférieur au coût actuel des flottes très anciennes remplissant aujourd'hui ces missions.
Dans le domaine des hélicoptères, a poursuivi M. Louis Gallois, les livraisons de l'hélicoptère de combat Tigre à l'armée de terre française auront atteint 9 appareils en version appui protection (HAP) en fin 2006, au lieu des 12 initialement prévus, mais le rythme de livraison devrait désormais atteindre la cadence normale. Les retards enregistrés dans le passé s'expliquent notamment par des causes techniques et des processus d'admission en réception extrêmement complexes. D'ailleurs, les procédures en vigueur en Allemagne font que le Tigre n'y a pas encore reçu sa qualification, alors que les Tigre australiens, pour leur part, vont être prochainement engagés en opérations en Afghanistan. Pour l'hélicoptère de transport NH 90 TTH, la réduction de 34 à 12 du nombre d'exemplaires commandés pour l'armée de terre en 2007 ne pourra être neutre en termes de calendrier et de prix que si des garanties peuvent être apportées sur la commande en 2008 des 22 autres appareils. Pour ce qui est de la version navale, dont Agusta est le maître d'oeuvre, la livraison ne devrait intervenir qu'en 2008, principalement en raison de problèmes rencontrés pour l'intégration du radar.
S'agissant des drones, le système intérimaire de drone Male (SIDM) offre une réponse aux besoins capacitaires des armées pour les 10 prochaines années. Dans cette perspective, le système doit bénéficier d'un programme destiné à l'industrialiser et EADS compte, dans ce cadre, prolonger la coopération avec les Israéliens. Dans les années 2013, les armées veulent pouvoir compter sur une solution européenne de drone MALE de surveillance. EADS, associé aux services officiels, se prépare à répondre à ce besoin avec une solution qui s'appellera peut-être Advanced UAV plutôt qu'EUROMALE mais qui correspond toujours à la satisfaction des mêmes missions. La volonté d'associer l'Allemagne a conduit en effet à étudier une solution intitulée « Advanced UAV » qui pourrait dériver d'un démonstrateur de technologie allemand et dont il est souhaitable que la définition entraîne la pleine participation de sociétés, comme Dassault, impliquées dans EUROMALE. La plateforme allemande pourrait être dotée d'une version ayant des ailes plus courtes permettant de répondre aux missions de reconnaissance rapide intéressant l'Allemagne.
Dans le domaine des systèmes, les activités d'EADS sont orientées par trois évolutions : la convergence des systèmes d'information et de communication des trois armées, l'émergence de « systèmes de systèmes » associant tous les outils permettant une gestion complète du champ de bataille, les besoins croissants de la sécurité civile.
Dans le domaine spatial, la première priorité vise à renforcer les synergies en Europe entre capacités optiques et radar pour l'observation. En matière de télécommunications, EADS plaide pour la satisfaction des besoins militaires supplémentaires par des synergies franco-italo-britanniques permettant une pleine utilisation des capacités disponibles.
En conclusion, M. Louis Gallois a estimé que l'Europe devait disposer d'une industrie de défense compétitive et a souligné les enjeux technologiques, industriels et économiques que cela représente. Il a considéré que la forte concurrence américaine conjuguée à une « dépression » budgétaire dans le domaine de la défense en Europe, exception faite de la France et du Royaume-Uni, créait une situation économiquement difficile pour le secteur. Il a souhaité que la position des grands maîtres d'oeuvre soit consolidée dès lors qu'ils se préoccupent de la charge des acteurs de second niveau, jugeant que la dispersion des crédits pouvait affaiblir l'industrie européenne dans son ensemble en freinant l'émergence de groupes atteignant la taille critique nécessaire. Il a ainsi observé que les consolidations n'étaient pas terminées dans l'industrie européenne de défense. Il a souhaité que les programmes soient désormais gérés au niveau européen, les leçons devant être toutefois tirées de l'expérience NH 90. Enfin, il a souligné l'enjeu vital que représente l'exportation pour l'industrie européenne de défense (qui a fait l'objet récemment du rapport Fromion auquel il souscrit) et l'importance du soutien de tous les Etats européens dans ce cadre.
Un débat s'est ensuite engagé.