Intervention de Virginie Klès

Réunion du 31 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je veux dire, à mon tour, ma satisfaction à l'issue de nos débats, à la fois passionnés et passionnants, mais aussi difficiles.

En effet, si nous étions, d'entrée de jeu, unanimes sur les objectifs, l'unanimité sur les moyens à mettre en œuvre ne s'est, en revanche, que progressivement construite au fur et à mesure de l'élaboration du texte aujourd'hui soumis à notre vote, chaque mot ayant pris son importance.

Il s'agissait pour le législateur de définir, sans en exclure aucun, des comportements, ou des situations, que j'aurais qualifiés, dans ma vie antérieure de vétérinaire, de « protéiformes », c'est-à-dire susceptible de revêtir de multiples aspects.

Pourtant, c'était une nécessité que notre droit, qui organise et garantit les équilibres sociaux et sociétaux, ne se satisfasse pas du vide juridique créé.

De même, il était essentiel de légiférer pour les victimes, pour toutes les victimes, quels que soient leur personnalité et le lieu dans lequel elles évoluent. Chacun, chacune d'entre nous est concernée. Tous les lieux de travail, les espaces de loisirs, associatifs et sportifs – on pense notamment aux compétitions -, tous les lieux d'enfermement aussi sont autant d'endroits où les relations humaines peuvent dégénérer en des rapports de proie à prédateur, sans fuite possible pour la proie, le prédateur pouvant, par son emprise, réduire l'autre à n'être plus qu'un simple objet de possession. Ici, les mots sont utilisés non pas pour définir le droit, mais pour détruire, pour posséder, voire pour tuer.

Il fallait non seulement définir le délit, mais le faire par rapport à l'acte lui-même, et non par rapport aux effets qu'il produit sur la victime. Or il me semble que nous y sommes parvenus aujourd'hui.

Quelle que soit la victime, homme, femme ou enfant, quelles que soient ses forces ou ses faiblesses, quelle que soit sa force ou sa faiblesse, c'est bien le harcèlement sexuel en tant qu'acte qui est reconnu comme délictueux.

Pour les victimes les plus fragiles, les circonstances aggravantes ont été clairement identifiées, ce qui constitue une grande avancée.

Légiférer était aussi, selon moi, une nécessité pour les auteurs.

Notre collègue Muguette Dini a dit tout à l'heure que certains auteurs s'abstiendraient de commettre des actes délictueux, se félicitant d'un effet préventif du texte. Ce sera sans doute le cas pour certains d'entre eux, mais pas pour tous, et je pense ici aux auteurs réellement pathologiques, à ceux qui sont mal structurés, à ceux qui ont clairement inscrit dans leur personnalité ce comportement de harceleur.

Pour ces auteurs-là, qui ont, eux aussi, un comportement et des symptômes extrêmement protéiformes, le premier obstacle sur la voie de la réitération ou de la récidive est d'abord la reconnaissance du délit, et donc l'étape pénale. C'est une constante pour les harceleurs, pour les manipulateurs. La première étape de la prise en charge est celle de la société, celle du droit, celle du pénal. Il était donc essentiel de réécrire les dispositions abrogées dans les termes qui nous sont aujourd'hui proposés afin de protéger les autres victimes.

Pour autant, cela ne suffira pas. Le texte est écrit, reste à l'appliquer, sans oublier, comme je le soulignais dans mon intervention liminaire à la tribune, que, quand la plainte a été déposée, la relation entre victime et auteur continue, qu'elle se maintient dans les mêmes termes, c'est-à-dire comme avant la reconnaissance éventuelle du délit. N'oublions pas que, dès qu'une plainte est déposée, il y a un délit, que ce soit du côté de l'accusé ou du côté de l'accusant, et il faut absolument aller à la source pour faire sortir la vérité. En effet, les dénonciations calomnieuses détruisent et tuent, elles aussi. Or elles sont souvent utilisées par les harceleurs pathologiques et par les manipulateurs, qui inversent la réalité. Il importe alors de prendre en considération le comportement pathologique.

Madame la garde des sceaux, madame la ministre, aucun appel au secours ne doit plus jamais rester sans réponse, comme un cri lancé dans le désert ; aucune main ne doit rester tendue en vain pendant des semaines, des mois ou des années, sans que la justice entende, réponde, sanctionne et protège !

Je compte sur vous pour donner des instructions générales en ce sens ou publier des circulaires afin que ces plaintes soient partout considérées comme prioritaires et qu'elles soient traitées en urgence jusqu'à leur terme.

Je compte sur vous pour favoriser l'interdisciplinarité avec le secteur médico-psychiatrique et les travailleurs sociaux, notamment.

Je compte sur vous aussi pour prendre des mesures afin de soutenir les aidants, les associations, les syndicats ou tous les autres partenaires susceptibles d'aider les victimes. Elles prolongeront efficacement la loi.

Confiante dans les décisions que vous allez prendre, et pour toutes les raisons que j'ai dites, je voterai, avec mon groupe, les conclusions de la commission mixte paritaire.

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