Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 31 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour je me réjouis que nous ayons pu respecter le calendrier que nous nous étions fixé et que nous soyons en mesure d'adopter aujourd'hui, avant la fin de la session extraordinaire, une nouvelle définition du délit de harcèlement sexuel.

Nous pouvons nous féliciter de la rapidité avec laquelle le Parlement aura adopté ce texte, car elle témoigne d'une volonté partagée sur toutes les travées de la Haute Assemblée de combler au plus vite le vide juridique choquant qui résultait de l'abrogation, par le Conseil constitutionnel, de l'ancien article 222-33 du code pénal.

Il me semble que cette mobilisation des pouvoirs publics, faisant écho au fort émoi et à la mobilisation des victimes et des associations de défense des droits des femmes, une mobilisation à laquelle le Sénat a contribué en mettant rapidement en place un groupe de travail, envoie un signal fort.

Le harcèlement sexuel est un fait social grave que la société ne doit pas, ne doit plus tolérer. Ces comportements ne doivent pas rester impunis et la loi doit les sanctionner.

La nouvelle définition du délit que nous nous apprêtons à adopter marque de réels progrès par rapport à la disposition précédente : en sanctionnant à la fois les comportements répétés et l'acte unique d'une particulière gravité, elle prend mieux en compte la réalité vécue du harcèlement sexuel, celle que nous ont décrite non seulement les associations qui viennent en aide aux victimes, les associations de défense des droits des femmes, mais aussi les associations des lesbiennes, des gays, des bisexuels et transgenres.

En désignant comme élément intentionnel du délit l'atteinte à la dignité, cette définition devrait, en outre, faciliter l'administration de la preuve devant les tribunaux, même si la recherche d'un acte sexuel reste l'élément intentionnel pour l'acte unique d'une particulière gravité.

En ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je me réjouis que le texte que nous allons adopter prenne en compte certaines des recommandations à portée législative que nous avions adoptées à l'unanimité.

Nous avions ainsi souhaité que l'état de vulnérabilité de la victime, qui figurait parmi les circonstances aggravantes prévues par le projet de loi et par le texte de la commission des lois du Sénat, englobe la vulnérabilité économique et sociale. Le Sénat nous a entendus en adoptant une définition qui vise expressément « la particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale ». L'Assemblée nationale a confirmé et ajusté cette formulation, ce dont je me réjouis.

Nous avions souligné la nécessité d'effectuer la coordination nécessaire avec la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires au motif que l'administration et les agents publics ne pouvaient rester à l'écart de la réforme du délit de harcèlement sexuel.

La commission des lois nous a rejoints en complétant le projet de loi au travers de l'adoption d'un nouvel article 3 bis, ensuite confirmé et complété par l'Assemblée nationale.

Notre délégation avait, en outre, souhaité que la loi confirme expressément l'obligation pour l'État et les collectivités territoriales de prendre les dispositions nécessaires à la prévention du harcèlement sexuel dans leurs administrations respectives. Nous avions envisagé d'introduire cette obligation dans la loi du 13 juillet 1983, mais le Sénat n'avait pas adopté nos amendements, considérant que cette obligation s'imposait déjà implicitement à l'État et aux collectivités territoriales.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait partagé notre préoccupation et ait donné une confirmation légale à cette obligation par un autre biais, en insérant la prévention du harcèlement sexuel au nombre des obligations de prévention imposées à l'employeur, public ou privé, avec l'article L. 4121-2 du code du travail.

Toutefois, je souhaiterais revenir sur trois de nos recommandations qui n'ont pas de portée législative directe, mais qui me semblent importantes pour accompagner la loi.

Dans notre troisième recommandation, nous avions invité Mme la garde des sceaux, responsable de la définition de la politique pénale, à veiller à ce que le nouveau délit de harcèlement sexuel ne soit plus utilisé pour sanctionner des agissements relevant d'incriminations pénales plus lourdes.

La modification opérée par l'Assemblée nationale, qui a recentré la définition de l'acte unique grave sur la notion de « pression grave » pour éviter une possible confusion avec les incriminations de viol et d'agression sexuelle, participe de cette même préoccupation et me paraît, à titre personnel, aller dans le bon sens.

Nous ne devons plus accepter que le harcèlement sexuel soit utilisé pour « déqualifier » des agressions ou des tentatives d'agression.

C'est pourquoi, à titre personnel, j'avais plaidé avec mon groupe pour que nous allions plus loin afin d'écarter totalement le risque de déqualification pour des incriminations relevant du viol et de l'agression sexuelle, d'autant que la formulation retenue ne garantira pas le même niveau de protection aux populations transgenres.

Enfin, dans ses deux premières recommandations, la délégation avait demandé la réalisation d'une nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes en France, ainsi que la création d'un observatoire national des violences envers les femmes.

Je me réjouis que la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, et sa rapporteure, Ségolène Neuville, aient apporté leur appui à ces deux demandes, et je juge très encourageants les engagements que vous avez pris, madame la ministre des droits des femmes, devant notre assemblée. Je me félicite que vous nous rejoigniez sur les missions du futur observatoire national, qui ne devra pas se contenter de collecter des données, mais qui devra également être une plateforme d'action permettant de coordonner l'intervention des différents acteurs publics, institutionnels, sociaux ou associatifs.

Je pense, comme vous, que nous aurons besoin de faire le point, dans un proche avenir, sur l'application de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, et de prendre en considération les premiers retours que nous aurons de l'application de la loi relative au harcèlement sexuel, afin d'y apporter les éventuelles retouches qui seront apparues, à l'expérience, nécessaires.

C'est par un effort constant que nous pourrons faire reculer, dans notre pays, cette plaie sociale que constituent les violences envers les femmes, violences dont le harcèlement sexuel constitue le premier maillon.

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