Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 31 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Vote sur l'ensemble

Christiane Taubira, garde des sceaux :

… car la question traitée a des ramifications dans d'autres domaines.

Nous nous sommes engagés sur un certain nombre de points. Vous avez évoqué le sujet de la prescription pour le harcèlement, ainsi que pour d'autres délits punis par le code pénal. J'ai bien entendu votre préoccupation, qui est fondée. Nous cherchons la voie la plus efficace. Le Sénat prendra certainement l'initiative d'ouvrir un espace d'échanges afin que nous puissions déterminer s'il est nécessaire et urgent de traiter cette question.

En ce qui concerne l'échelle des peines, il s'agit d'un chantier lourd, sur lequel le Gouvernement s'engagera très prochainement.

Mme Benbassa nous a fait part de ses réticences quant à l'affichage. Je crois, pour ma part, qu'il est nécessaire, même si j'entends bien votre préoccupation, madame la sénatrice. Cela n'exclut pas que, à l'occasion de la signature du contrat de travail, une information spécifique soit délivrée.

J'ai beaucoup aimé votre propos sur la modestie dont nous devons faire preuve devant les mots. Je le relie à celui de M. Mézard sur l'injonction contenue dans la décision du Conseil constitutionnel : il est rappelé au législateur que la loi est une affaire extrêmement sérieuse, que c'est la règle commune ; chaque mot peut avoir un effet bénéfique ou néfaste pour les justiciables et, plus généralement, pour les citoyens. Nous assumons une très lourde responsabilité lorsque nous écrivons la loi, et notre rédaction doit être la plus précise possible. C'est ainsi que l'on pourra répondre aux angoisses suscitées par les risques liés aux questions prioritaires de constitutionnalité. Le recours à cette procédure ne doit pas mener à un « détricotage » de tout notre droit. Jusqu'à présent, elle avait surtout servi les victimes, mais la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'incrimination de harcèlement sexuel les a pénalisées. Nous devons donc avoir une conscience aiguë de la responsabilité qui est la nôtre lorsque nous élaborons la loi.

Je confirme d'ailleurs que, en collaboration avec les deux chambres du Parlement, nous allons mener un travail de prospection pour identifier les textes de loi présentant des éléments de fragilité.

En ce qui concerne la reprise dans le code du travail, les usagers de ce dernier ont fait valoir qu'il était préférable de lui redonner une autonomie en y réintroduisant in extenso la définition de l'incrimination.

Quant à la cinquième circonstance aggravante, à savoir la vulnérabilité économique et sociale, il était nécessaire de l'introduire dans le texte. Si cela doit conduire, à l'avenir, à la reprendre pour d'autres délits, nous aurons fait progresser le droit.

S'agissant du fait unique, vous avez beaucoup insisté sur le risque de déqualification. Je vous ai donné des assurances sur ce point : la circulaire d'application traitera de la question. Le Gouvernement avait préparé un amendement visant à supprimer les mots « menaces et contraintes », car il s'agit d'éléments de définition de l'agression sexuelle, mais la commission des lois de l'Assemblée nationale s'est chargée d'opérer elle-même cette suppression, ce dont nous nous réjouissons. Ainsi, la référence au fait unique permettra d'inclure dans le champ de l'incrimination de harcèlement sexuel des faits qui, jusque-là, n'étaient pas punis, sans risquer pour autant une déqualification de faits plus graves, tels qu'une tentative d'agression sexuelle ou une tentative de viol.

Je tiens à redire tout le plaisir que j'ai eu à travailler avec vous sur ce texte, à la fois en tant que garde des sceaux et en tant qu'ancienne parlementaire. J'ai le goût du travail parlementaire : l'expérience montre que la navette permet une véritable maturation des textes. Bien entendu, sur un projet de loi aussi important, nous aurions tous aimé pouvoir peser chaque mot au trébuchet, mais une contrainte de temps s'imposait à nous. Il se trouve que le génie des deux assemblées – et un peu aussi celui du Gouvernement ! §– nous a permis d'accomplir, dans des délais extrêmement resserrés, une œuvre législative de très grande qualité, dont se félicite l'ancienne parlementaire que je suis. Même si, pour ma part, je persiste à m'interroger sur quelques points, en particulier à propos de la distinction faite, au titre des circonstances aggravantes, entre la minorité de 15 ans et celle de 18 ans, je ne suis pas certaine qu'une double lecture nous aurait permis de progresser davantage.

Enfin, vous n'avez pas hésité à aborder des sujets connexes avec pertinence et précision, sans essayer pour autant de tout traiter : vous avez su éviter le risque de trop embrasser et mal étreindre. Je vous en remercie vivement ! §

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