Intervention de Michel Magras

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 5 juillet 2012 : 1ère réunion
Maladies infectieuses émergentes. présentation du rapport

Photo de Michel MagrasMichel Magras :

Je tiens à vous remercier pour la qualité de votre travail.

La plupart des agents pathogènes se développent en milieu tropical. Les transports participent à cette propagation. Pour la France, notre région caraïbe est en première ligne.

Vous avez évoqué le rôle des mouvements de population humaine. Je souligne celui, fondamental, du commerce au sens large. Nous importons à peu près tout. De très nombreux agents pathogènes arrivent chez nous dans les containers, avec les marchandises en provenance du monde entier, et trouvent des conditions particulièrement propices à leur développement. Le commerce international est un agent de diffusion des maladies contre lequel nous ne pouvons rien. Il est impossible d'aseptiser toutes les marchandises avant qu'elles quittent un pays pour aller dans un autre.

Nous sommes heureusement protégés de la maladie du sommeil, l'anophèle n'existant pas dans nos îles. Mais Aedes aegyptii, vecteur de la dengue, y est très présent. Cette épidémie comporte une forme hémorragique qui effraye nos populations. Des campagnes de lutte sont menées en conséquence, de plus en plus accentuées. Pour avoir été professeur de sciences de la vie et de la terre, je sais que la vie du moustique comprend quatre phases, dont seule la dernière est aérienne. C'est pourtant elle qui concentre l'essentiel de la lutte à grande échelle. Voilà de quoi inquiéter. On a longtemps répandu dans mon île du malathion. J'ai attiré l'attention des services de l'Etat sur les dangers de ce produit, on ne m'a pas écouté à l'époque. J'étais préoccupé en particulier par la santé des jeunes chargés de son épandage et dont beaucoup sont hélas décédés depuis. L'usage de ce produit chimique particulièrement dangereux a été mal encadré. Les Etats-Unis et le Canada ont été beaucoup plus prudents que nous. Il a heureusement été interdit depuis, mais quarante ans trop tard.

Quand je prends l'avion pour venir travailler au Sénat, on pulvérise dans la cabine un produit censément sans danger pour la santé humaine, en tout cas validé par l'OMS, pour tuer les moustiques. Sans doute est-il sans effet s'il n'est respiré qu'une fois, mais quid du personnel de cabine qui l'inhale tous les jours ?

J'ai toujours milité pour la lutte intégrée : hygiène, salubrité, assainissement, lutte biologique, par laquelle on utilise un prédateur pour lutter contre un vecteur. La lutte chimique ne doit intervenir qu'en tout dernier ressort. Chacun connaît le scandale du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique.

Mon avis personnel est assez réservé sur l'utilisation généralisée de la vaccination. Elle a des effets positifs. Mais les microbes et les virus mutent, comme l'illustre celui de la grippe et les vaccins ne sont pas sans risques. A trop habituer un organisme humain à des produits de provenance externe, on peut affaiblir son système immunitaire. Les jeunes de nos îles, qui sont tous vaccinés, conformément au programme du ministère de la santé, sont plus fragiles que leurs parents ou grands-parents qui ne l'étaient pas mais luttaient contre les maladies grâce à leur propre système immunitaire. Il y a là matière à réflexion.

Les grands animaux domestiques ne sont pas, loin de là, les seuls vecteurs des agents infectieux. Les microbes, par définition, voyagent, et l'abondance des moyens de transport est telle aujourd'hui qu'ils peuvent se répandre comme jamais.

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