Intervention de Gilles-Éric Seralini

Mission d'information sur les pesticides — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Gilles-éric Seralini professeur de biologie moléculaire à l'université de caen

Gilles-Éric Seralini :

Merci beaucoup pour votre invitation, Mesdames et Messieurs les sénateurs. Je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui. J'ai bien compris l'objet de votre mission, qui me réjouit.

J'ai consacré ma carrière à la perturbation endocrine. Après une thèse en endocrinologie moléculaire, j'ai notamment suivi une formation de quatre années en Amérique du Nord sur le clonage des gènes et les effets moléculaires de la perturbation hormonale. Après avoir étudié l'inhibition possible du cancer du sein par une perturbation hormonale, j'ai travaillé sur les origines des cancers et des maladies hormonales qui y sont liées.

Depuis plus de douze ans, je consacre mes recherches aux effets des OGM et des pesticides sur la santé, dans la mesure où ils sont des perturbateurs endocriniens. En effet, presque 100 % des OGM agricoles cultivés contiennent de nouveaux types de pesticides. A 80 %, il s'agit de Roundup, qui est l'herbicide majeur de la planète, et 20 % produisent des toxines insecticides nouvelles, non homologuées à ce jour.

Mon travail consiste à évaluer la manière dont ces produits agissent. Je vous ai envoyé mes quinze dernières publications. Nous avons découvert un certain nombre de points majeurs. La plupart des pesticides agissent en combinaison, au niveau cellulaire et in vivo. Nous avons réalisé une importante revue scientifique sur ce thème.

La première combinaison qui amplifie l'action des pesticides et la formulation dans son entièreté. Nous avons distingué l'effet du pesticide tel qu'il est utilisé par l'agriculteur et l'effet de la molécule active homologuée. La lacune majeure de l'évolution des pesticides est que ces produits agissent plutôt à long terme, et, en premier lieu, dans l'organisme. Tous, autour de cette table, nous contenons des pesticides. Or, seule la molécule active est évaluée à long terme. Pourtant, la combinaison de cette molécule avec les coformulants ou adjuvants peut constituer un mélange beaucoup plus toxique - c'est d'ailleurs sa raison d'être - qui peut avoir un effet de perturbateur endocrinien. La perturbation endocrinienne est observée à des taux où le produit n'est pas directement toxique pour les cellules et les organismes mais où la fonction hormonale se dégrade.

Nous avons testé les quinze premiers polluants des eaux de rivière et des eaux de surface, parmi lesquels des pesticides (Roundup, atrazine, lindane) et des fongicides courants. Je codirige un pôle risques, rattaché au CNRS et à l'université de Caen, où travaillent une soixantaine de chercheurs issus de douze disciplines - comme la biologie, la chimie, la médecine, la sociologie, l'économie et l'écologie - et vous livre aujourd'hui le fruit de cette synthèse pluridisciplinaire. Il y a peu de pôles de ce type en France.

Du fait de l'industrie chimique, florissante après la Seconde Guerre mondiale grâce aux pesticides, l'évaluation a été réalisée uniquement par les entreprises commanditaires, pétitionnaires, chargées de développer les produits. Malheureusement, les tests qui permettent d'homologuer les produits sont encore classés confidentiels et donc indisponibles pour la communauté scientifique. Alors que les scientifiques, eux, doivent publier leurs résultats, des questions de santé publique se posent donc sans que nous puissions y répondre. Ce fait est extrêmement dommageable car il nous a empêchés de nous apercevoir des lacunes de l'évaluation.

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